tete de cochonLes élevages de porcs sont actuellement soumis au titre des ICPE:

–  à autorisation pour les élevages intensifs, à autorisation au dessus de 2000 emplacement de porcs de plus de 30kg, au titre de la rubrique n°2660 de la nomenclature des installations classées créée par décret du 2 mai 2013 :  

 

3660 Elevage intensif de volailles ou de porcs :

a) Avec plus de 40   000 emplacements pour les volailles

A 3    
  b) Avec plus de 2   000 emplacements pour les porcs de production (de plus de 30 kg) A 3    
  c) Avec plus de 750 emplacements pour les truies A 3    
 

   

– à autorisation ou déclaration, pour le reste, au titre de la rubrique n°2102 :

2102

Porcs (établissements d’élevage, vente, transit, etc., de) en stabulation ou en plein air :

       

1. Plus de 450 animaux-équivalents

A

3

   

2. De 50 à 450 animaux-équivalents

D

     

Nota :

-Les porcs à l’engrais, jeunes femelles avant la première saillie et animaux en élevage de multiplication ou sélection comptent pour un animal-équivalent,

-Les reproducteurs, truies (femelle saillie ou ayant mis bas) et verrats (mâles utilisés pour la reproduction) comptent pour trois animaux-équivalents,

-Les porcelets sevrés de moins de trente kilogrammes avant mise en engraissement ou sélection comptent pour 0, 2 animal-équivalent.

 

   

 

Le Ministre de l’Agriculture a annoncé le 15 avril dernier la réforme prochaine des seuils, et la création pour du régime de l’enregistrement. Le régime dit d’autorisation simplifiée concernerait les installations comprenant entre 451 et 2000 animaux équivalents.

 

Cet allégement des procédures administratives se traduirait concrètement par un raccourcissement des délais d’instruction des nouveaux élevages, mais il s’appliquerait également aux élevages existants comprenant moins de 2001 animaux équivalents. Il faut néanmoins savoir que contrairement au régime de la déclaration et de l’autorisation, la demande d’enregistrement sera tacitement refusée en cas de silence gardé par le préfet durant plus de cinq mois à compter de la réception du dossier complet et régulier

Les réactions à cette annonce ont été nombreuses: la fédération France Nature Environnement (FNE) a notamment fait part de son indignation : « demain, n’importe qui pourrait découvrir l’implantation d’un élevage de 1999 porcs près de chez soi sans aucune consultation ni du public, ni des collectivités territoriales ». Ces critiques avaient été adressées par la Fédération devant le Conseil d’Etat, qui a rejeté son recours contre le décret du 13 avril 2010 fixant les règles applicables à la procédure d’enregistrement (CE, 26 décembre 2012).

 

Cependant, le régime de l’enregistrement n’écarte pas aussi drastiquement le public, et ne réduit pas à néant les garanties sur le plan environnemental (voir le jurisclasseur rédigé par le Cabinet; « Installations classées pour la protection de l’environnement- Enregistrement », Lexis Nexis, 2012):

Le régime de l’enregistrement, intermédiaire entre la simple déclaration et l’autorisation préfectorale, a été créé par ordonnance en 2009. Le dossier d’enregistrement a vocation, selon les termes mêmes de l’ordonnance du Gouvernement à permettre au préfet d’effectuer, au cas par cas, les appréciations qu’implique l’article L. 512-7-3 du Code de l’environnement. Cette disposition vise la possibilité pour le préfet d’assortir l’enregistrement de prescriptions particulières complétant ou renforçant les prescriptions générales applicables à l’installation, et ce, en vue d’assurer la protection des intérêts mentionnés à l’article L. 511-1 du Code de l’environnement.

 

D’emblée, nous pensons que l’absence d’enquête publique ne peut recevoir que des critiques sous l’angle de la participation du public. En effet, dès la réception du dossier complet, les articles R. 512-46-12 à R. 512-4-14 du Code de l’environnement prévoient une “consultation du public”. Cette consultation doit être distinguée de l’enquête publique prévue par la loi de 1983 dite « loi Bouchardeau ». En effet, le choix qui a été fait par le Gouvernement sous l’angle de la participation du public est clairement de réduire celle-ci à une simple « mise à disposition du dossier ».

Aussi perfectible qu’elle soit, il est vrai que l’enquête publique permet davantage de concertation que la mise à disposition du dossier de demande d’enregistrement.

Mais il nous semble que l’enquête publique au-delà de sa vocation démocratique demeure objet de pratiques professionnelles érigeant le mécanisme en risque juridique en cas de contentieux. C’est finalement le droit au recours qui nous semble le plus entamé de ce point de vue (plus de débat sur l’irrégularité de l’enquête ni des sursis semi-automatiques en cas d’avis défavorable du commissaire enquêteur).

En revanche le public garde un accès complet et peut-être plus aisé au dossier que ne le permet la très protocolaire enquête publique qui met le profane à distance.

 

 

Par ailleurs, plusieurs garanties ont assorti le régime de l’enregistrement pour que les objectifs environnementaux soient préservés, notamment la possibilité pour le Préfet, au cas par cas, de BASCULER LA DEMANDE VERS LE REGIME D’AUTORISATION.

 

  • La composition du dossier, qui comporte (article R 512-46-1 CE) :

1° Une carte au 1/25 000 ou, à défaut, au 1/50 000 sur laquelle sera indiqué l’emplacement de l’installation projetée ;

2° Un plan, à l’échelle de 1/2 500 au minimum, des abords de l’installation jusqu’à une distance qui est au moins égale à 100 mètres. Lorsque des distances d’éloignement sont prévues dans l’arrêté de prescriptions générales prévu à l’article L. 512-7, le plan au 1/2 500 doit couvrir ces distances augmentées de 100 mètres ;

3° Un plan d’ensemble, à l’échelle de 1/200 au minimum, indiquant les dispositions projetées de l’installation ainsi que, jusqu’à 35 mètres au moins de celle-ci, l’affectation des constructions et terrains avoisinants, le tracé des réseaux enterrés existants, les canaux, plans d’eau et cours d’eau. Une échelle plus réduite peut, à la requête du pétitionnaire, être admise par l’Administration ;

4° Un document permettant au préfet d’apprécier la compatibilité des activités projetées avec l’affectation des sols prévue pour les secteurs délimités par le plan d’occupation des sols, le plan local d’urbanisme ou la carte communale ;

5° Dans le cas d’une installation à implanter sur un site nouveau, la proposition du demandeur sur le type d’usage futur du site lorsque l’installation sera mise à l’arrêt définitif, accompagné de l’avis du propriétaire, lorsqu’il n’est pas le demandeur, ainsi que celui du maire ou du président de l’établissement public de coopération intercommunale compétent en matière d’urbanisme. Ces avis sont réputés émis si les personnes consultées ne se sont pas prononcées dans un délai de quarante-cinq jours suivant leur saisine par le demandeur ;

6° Le cas échéant, l’évaluation des incidences Natura 2000 dans les cas et conditions prévus par les dispositions réglementaires de la sous-section 5 de la section 1 du chapitre IV du titre Ier du livre IV ;

7° Les capacités techniques et financières de l’exploitant ;

8° Un document justifiant du respect des prescriptions applicables à l’installation en vertu du présent titre, notamment les prescriptions générales édictées par le ministre chargé des installations classées en application du I de l’article L. 512-7. Ce document présente notamment les mesures retenues et les performances attendues par le demandeur pour garantir le respect de ces prescriptions ;

 9° Les éléments permettant au préfet d’apprécier, s’il y a lieu, la compatibilité du projet avec les plans, schémas et programmes mentionnés aux 4° à 11° de l’article R. 122-17 ainsi qu’avec les mesures fixées par l’arrêté prévu à l’article R. 222-36 ;

 10° L’indication, s’il y a lieu, que l’emplacement de l’installation est situé dans un parc national, un parc naturel régional, une réserve naturelle, un parc naturel marin ou un site Natura 2000.

 

  • La justification des prescriptions applicables:

En effet, la sécurisation juridique de la demande d’enregistrement repose sur une pièce fondamentale. Le dossier de demande doit comporter une “justification de conformité” aux prescriptions applicables à l’installation, notamment aux prescriptions générales ministérielles. Ce document doit présenter les mesures retenues et les performances attendues par le demandeur pour garantir le respect de ces prescriptions. Qualifiée de “pièce capitale” par la circulaire du 22 septembre 2010, le demandeur devra veiller à son élaboration puisque d’elle dépend la décision préfectorale :

– soit de délivrer l’arrêté d’enregistrement,

– soit de le refuser,

– soit encore, si l’exploitant sollicite des aménagements aux prescriptions, de basculer la demande dans le régime de l’autorisation.

 

 

  • La possibilité pour le préfet de basculer la demande en régime d’autorisation ou d’assortir l’arrêté d’enregistrement de prescriptions spéciales

Ce mécanisme de basculement peut être déclenché soit à l’initiative du préfet (C. env., art. L. 512-7-2), soit demandé par l’exploitant de façon directe, soit indirectement provoqué par lui (C. env., art. R. 512-46-9). Dans tous les cas, ce passage au régime de l’autorisation est restreint à certaines hypothèses légalement prévues, qui ne sont pas cumulatives:

1° Si, au regard de la localisation du projet, en prenant en compte les critères mentionnés au point 2 de l’annexe III de la directive 85/337/CEE du 27 juin 1985 concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement, la sensibilité environnementale du milieu le justifie ;

2° Ou si le cumul des incidences du projet avec celles d’autres projets d’installations, ouvrages ou travaux situés dans cette zone le justifie ;

3° Ou si l’aménagement des prescriptions générales applicables à l’installation, sollicité par l’exploitant, le justifie.

La décision de basculement doit intervenir dans un délai maximal de trente jours à compter de la fin de la consultation du public. Il s’agit d’une décision motivée, mais a priori non soumise au principe du contradictoire.

L’arrêté d’enregistrement peut être assorti de prescriptions spéciales renforçant, aménageant, ou complétant les prescriptions ministérielles générales. L’arrêté d’enregistrement sera assorti de prescriptions spéciales dans deux séries d’hypothèse :

  • lorsque le demandeur sollicite lui-même des aménagements aux prescriptions générales (C. env., art. R. 512-46-5);
  • lorsque le préfet envisage de compléter ou de renforcer les prescriptions générales en vue soit d’assurer la protection des intérêts mentionnés à l’article L. 511-1, soit de prendre en considération des circonstances locales (C. env., art. L. 512-7-3).

La décision devra en tout état de cause faire l’objet d’une motivation spécifique justifiant qu’il soit décidé d’aménager, renforcer, compléter l’arrêté ministériel de prescriptions générales (C. env., art. R. 512-46-18).

 

Le régime de l’enregistrement appliqué aux élevages de porcs devra donc conduire les Préfets, selon la zone d’implantation, sa vulnérabilité (notamment du point de vue hydrologique), le voisinage, les mesures proposées par l’exploitant, à apprécier très sérieusement la préservation des intérêts environnementaux listés à l’article L 511-1 du code.

En tout état de cause la création du régime d’enregistrement doit être précédé d’un décret ministériel modifiant la nomenclature.

 

 

Stéphanie Gandet

Avocat associé

Green Law Avocat