Par une décision en date du 6 décembre 2013 (n° 358843 :  consultable ici), le Conseil d’Etat s’est prononcé sur l’application des dispositions de l’article R. 600-3 du Code de l’urbanisme, dans sa version issue de la réforme de l’urbanisme et applicable aux actions introduites à compter du 1er octobre 2007.

Cet article encadre le droit de recours à l’encontre des autorisations d’urbanisme en ce qu’il prévoit  qu’« aucune action en vue de l’annulation d’un permis de construire ou d’aménager ou d’une décision de non-opposition à une déclaration préalable n’est recevable à l’expiration d’un délai d’un an à compter de l’achèvement de la construction ou de l’aménagement ».

La date d’achèvement est déterminée par l’article R. 462-1 du même code, qui exige du pétitionnaire dont les constructions sont achevées au  1er octobre 2007 d’adresser une déclaration d’achèvement de travaux au maire.

Il convient de noter que ces dispositions s’articulent avec celles de l’article R. 600-2, aux termes duquel le délai de recours contentieux court à l’égard des tiers à compter du premier jour d’affichage de la décision sur le terrain.

Ainsi, le pétitionnaire qui ne serait pas en mesure de prouver l’affichage de l’autorisation obtenue peut, un an après la déclaration d’achèvement des travaux, soulever l’irrecevabilité de l’action intentée par un tiers et ainsi bénéficier de la purge automatique du recours découlant de l’article R. 600-3 précité.

En l’espèce, les requérants contestaient la légalité d’un permis de construire obtenu en 2003, mais qui n’avait pas fait l’objet d’une publicité régulière. Les dispositions précitées leur avaient été opposées en défense, la commune et le pétionnaire soutenant que le recours, introduit en février 2008, était tardif.

La question de l’applicabilité de l’article R. 600-3 n’était pas facile à trancher, dans la mesure où le recours, formé après le 1er octobre 2007 (soit après son entrée en vigueur) concernait un permis relatif à des travaux achevés avant cette date.

Alors que les cours administratives d’appel avaient retenu une interprétation stricte de l’article R. 600-3, en considérant que l’achèvement à prendre en compte était nécessairement un achèvement déclaré en application de l’article R. 462-1 du Code de l’urbanisme (CAA Bordeaux, 27 juin 2013, n°11BX02356, 18 décembre 2012, n°11BX02835 ;  CAA Marseille, 27 septembre 2012, n°10MA04041 ; CAA Bordeaux, 30 juin 2011, n°10BX02875), le Conseil d’Etat nuance cette appréciation et distingue deux situations :

  • celle des travaux achevés avant le 1er octobre 2007 ;
  • celle des travaux achevés à compter du 1er octobre 2007.

1. Concernant les autorisations relatives à des travaux achevés avant le 1er octobre 2007 :

Le Conseil d’Etat rappelle que l’article R. 462-1 du code dans sa version issue du décret du 5 janvier 2007 (D. n°2007-817, 11 mai 2007, art. 26) n’est pas applicable aux travaux terminés avant le 1er octobre 2007. La date d’achèvement des travaux ne peut donc logiquement être déterminée en application de cette disposition.

 

Cette circonstance emporte une importante conséquence en matière de preuve, puisque le juge en déduit que tant le bénéficiaire de l’autorisation que le requérant qui introduit sa demande d’annulation après le 1er octobre 2007 peuvent établir la date d’achèvement des travaux par tous moyens (factures de téléphone, d’eau et d’électricité, déclaration établie en matière de taxe foncière indiquant la date d’achèvement des travaux…).

 

« Considérant que lorsqu’une action introduite à compter du 1er octobre 2007 est dirigée contre une autorisation de construire relative à des travaux achevés avant le 1er octobre 2007, auxquels les dispositions de l’article R. 462-1 du code issues du décret du 5 janvier 2007 ne sont pas applicables, le bénéficiaire de l’autorisation, comme le requérant qui en demande l’annulation, peut, pour l’application de l’article R. 600-3, établir devant le juge la date d’achèvement des travaux par tous moyens ; »

 

2. Concernant les autorisations relatives à des travaux achevés à compter du 1er octobre 2007 :

 

La Haute Juridiction rappelle que dans cette hypothèse, les dispositions des articles R.600-3 et R. 462-1 sont bien applicables, mais souligne que l’irrecevabilité du recours intenté plus d’un an après la déclaration d’achèvement de travaux ne peut être soulevée que si le bénéficiaire de l’autorisation produit devant le juge l’avis de réception de la déclaration, étant précisé que le requérant peut démontrer l’inexactitude de ladite déclaration par tous moyens :
« Considérant qu’il résulte de la combinaison de ces dispositions que, lorsqu’une autorisation de construire relative à des travaux achevés à compter du 1er octobre 2007 est contestée par une action introduite à compter de la même date, celle-ci n’est recevable que si elle a été formée dans un délai d’un an à compter de la réception par le maire de la commune de la déclaration attestant l’achèvement et la conformité des travaux ; qu’une telle tardiveté ne peut être opposée à une demande d’annulation que si le bénéficiaire de l’autorisation produit devant le juge l’avis de réception de la déclaration prévue par les dispositions précitées de l’article R 462-1 du code de l’urbanisme ; que, pour combattre la présomption qui résulte de la production par le bénéficiaire de cet avis de réception, le demandeur peut, par tous moyens, apporter devant le juge la preuve que les travaux ont été achevés à une date postérieure à celle de la réception de la déclaration ; »

 

La transmission de la déclaration fait donc naître une présomption simple d’achèvement des travaux.

 

Toutefois, si le bénéficiaire de l’autorisation contestée n’est pas en mesure de produire la preuve de cette déclaration, il ne pourra soulever la tardiveté du recours (voir en ce sens : CAA Marseille, 1re ch., 27 sept. 2012, n° 10MA04041).

 

En l’espèce, c’est la première de ces deux hypothèses qui se présentait au juge, puisque les travaux étaient finis depuis 2005 : la preuve de leur achèvement pouvait donc être apportée par tous moyens.

 

La Cour administrative d’appel avait certes retenu cette solution en se fondant sur un faisceau d’indices tels que des factures ou la déclaration relative à taxe foncière,  mais elle l’avait fait  au visa des articles R. 600-3 et R. 462-1, dont on a dit qu’ils étaient inapplicables ratione temporis (CAA Marseille, 23 février 2012, n°10MA01543). Son arrêt était donc entaché d’erreur de droit sur ce point.

 

« Considérant, en premier lieu, qu’en se fondant, pour l’application de l’article R. 600-3 du code de l’urbanisme, sur les dispositions de l’article R. 462-1 du même code, dans leur rédaction issue du décret du 5 janvier 2007, pour juger que la preuve de la date d’achèvement des travaux litigieux pouvait être apportée par le bénéficiaire de l’autorisation par tous moyens, alors qu’il ressortait des pièces du dossier qui lui était soumis et qu’il n’était pas contesté devant elle que la construction avait été achevée avant le 1er octobre 2007, la cour administrative d’appel de Marseille a commis une erreur de droit

 

Considérant, toutefois, qu’il résulte de ce qui a été dit au point 4 que, dès lors que les dispositions de l’article R. 462-1 du code de l’urbanisme, dans leur rédaction issue du décret du 5 janvier 2007, n’étaient pas applicables, le bénéficiaire de l’autorisation de construire pouvait, pour l’application de l’article R. 600-3, établir devant le juge la date d’achèvement des travaux par tous moyens ; que ce motif de pur droit doit être substitué au motif erroné retenu par l’arrêt attaqué ; »

 

On retiendra de cet arrêt que, pour un permis de construire portant sur des travaux achevés au 1er octobre 2007, la déclaration d’achèvement régulièrement transmise semble désormais être la seule condition de mise en œuvre de l’article R. 600-3 du code de l’urbanisme.

 

Par conséquent, on ne saurait trop conseiller aux bénéficiaires d’autorisations de veiller à déclarer l’achèvement des travaux dans les plus brefs délais, et à garder une preuve de l’accomplissement de cette formalité, notamment si l’affichage n’a pas été effectué de manière régulière. En cas de recours ultérieur, une telle preuve pourrait en effet revêtir une importance cruciale !

 

Lou DELDIQUE, avocat au barreau de Lille

Green Law Avocat