« danthoniser » ne signifie pas toujours « sauver »

240_F_136663918_j6raITbS8ssvSybhGYRZurZxlpFjPYByPar Yann BORREL, Avocat of Counsel, GREEN LAW AVOCAT, yann.borrel@green-law-avocat.fr

Par un arrêt n°424600 en date du 12 juillet 2019 qui sera mentionné dans les tables du recueil Lebon [consultable ici], le Conseil d’Etat a annulé l’arrêté ministériel du 1er août 2018 relatif à la suspension de la chasse de certaines espèces de gibier en France métropolitaine (JORF n°0177 du 3 août 2018). La Haute Juridiction a motivé sa position en considération du fait que l’arrêté avait été pris au terme d’une procédure irrégulière et plus précisément, en méconnaissance de l’article L. 123-19-1 du code de l’environnement.

Pour rappel, cet article définit les conditions et limites dans lesquelles le principe de participation du public, prévu à l’article 7 de la Charte de l’environnement, est applicable aux décisions, autres que les décisions individuelles, des autorités publiques ayant une incidence sur l’environnement lorsque celles-ci ne sont pas soumises, par les dispositions législatives qui leur sont applicables, à une procédure particulière organisant la participation du public à leur élaboration.

Le cinquième alinéa du II du même article prévoit que le projet de décision ne peut être définitivement adopté avant l’expiration d’un délai permettant la prise en considération des observations et propositions déposées par le public et la rédaction d’une synthèse de ces observations et propositions. Sauf en cas d’absence d’observations et propositions, ce délai ne peut être inférieur à quatre jours à compter de la date de la clôture de la consultation. Ces dispositions sont toutefois inapplicables lorsque l’urgence, justifiée par la protection de l’environnement, de la santé publique ou de l’ordre public, ne permet pas l’organisation d’une procédure de participation du public (cf. C. env., art. L. 123-19-3).

La procédure d’adoption de l’arrêté ministériel en litige était soumise à la procédure de participation du public prévue par l’article L. 123-19-1 du code de l’environnement. Alors que la consultation du public s’était déroulée entre le 10 juillet et le 31 juillet 2018, l’arrêté avait été signé dès le 1er août 2018, sans qu’ait alors été rédigée la synthèse des 7 780 commentaires validés reçus pendant la consultation.

Le ministre avait argué de l’urgence qui s’attachait à la signature de l’arrêté en raison de l’imminence de la réouverture de la chasse pour les espèces en cause et s’était également prévalu de l’établissement d’une synthèse provisoire des 1000 premières observations du public. La Haute Juridiction a toutefois écarté ces arguments en jugeant que le Ministre n’avait fait valoir aucune circonstance objective, indépendamment du retard qui lui était imputable dans la préparation de l’arrêté, qui aurait justifié de déroger, d’une part, à l’obligation de respecter le délai minimum légal de quatre jours et d’autre part, à l’obligation d’établir une synthèse des observations et propositions recueillies lors de la consultation.

Après avoir rappelé le considérant de principe de l’arrêt Danthony et a. (CE 23 décembre 2011, n°335033, rec. Lebon, p. 649 et p. 653, GAJA 19ème édition, p. 966 et s.), le Conseil d’Etat a jugé, qu’en l’espèce, l’irrégularité ayant entaché la procédure d’adoption de l’arrêté avait privé les personnes ayant participé à la consultation de la garantie de voir leur avis dûment pris en considération à l’égard d’une décision ayant une incidence directe sur l’environnement (cf. considérant n° 6 de l’arrêté).

Cette solution est somme toute logique si l’on considère que l’exigence légale de participation du public nécessite non seulement que les autorités permettent au public de participer effectivement aux décisions ayant une incidence directe sur l’environnement (cf. à titre d’exemple : CE 29 janvier 2018, société Marineland, req. n° 412210 et 412256) mais également, que son avis soit pris en considération, à tout le moins formellement, moyennant la formalisation d’une synthèse des observations formulées lors de la phase de consultation.