COVID 19, droit de l’urbanisme et délais : oubliez tout, c’était pour rire !

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Par Maître Lou DELDIQUE, avocat associé, GREEN LAW AVOCATS (lou.deldique@green-law-avocat.fr, 06 03 05 11 06)

Tel Pénélope, qui faisait et défaisait sa toile pour faire patienter ses prétendants, le Gouvernement français vient d’adopter une nouvelle ordonnance (ordonnance n° 2020-427 du 15 avril 2020 portant diverses dispositions en matière de délais pour faire face à l’épidémie de covid-19) qui modifie les délais d’instruction et de recours en matière d’urbanisme.

Ce texte, qui semble avoir été adopté pour répondre aux protestations des professionnels de la construction, défait littéralement le dispositif instauré par l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020, que nous avions commentée.

Le nouveau texte modifie le premier en créant quatre articles (les articles 12 bis à 12 quinquies) spécifique aux enquêtes publiques et aux procédures d’urbanisme. Le dernier de ces articles concerne les candidatures pour l’organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 et ne nous intéresse donc pas.

Voici ce que changent les trois autres articles.

L’article 12 bis prévoit que les délais de recours contre les autorisations d’urbanisme qui n’avaient pas expiré au 12 mars 2020 recommencent à courir non pas un mois après la fin de l’état d’urgence sanitaire (le 25 juin 2020), mais dès la fin de celui-ci, soit le 24 mai 2020 :

« Les délais applicables aux recours et aux déférés préfectoraux à l’encontre d’une décision de non-opposition à une déclaration préalable ou d’un permis de construire, d’aménager ou de démolir, qui n’ont pas expiré avant le 12 mars 2020 sont, à cette date, suspendus. Ils recommencent à courir à compter de la cessation de l’état d’urgence sanitaire déclaré dans les conditions de l’article 4 de la loi du 23 mars 2020 susvisée pour la durée restant à courir le 12 mars 2020, sans que cette durée puisse être inférieure à sept jours.

Le point de départ des délais de même nature qui auraient dû commencer à courir durant la période comprise entre le 12 mars 2020 et la date de cessation de l’urgence sanitaire est reporté à l’achèvement de celle-ci ».

Le texte précise encore que ces délais ne sont que suspendus : ce n’est ainsi pas un nouveau délai de deux mois qui court, mais uniquement le temps qui restait au 12 mars 2020, avec un minimum de 7 jours.

Quant aux délais qui auraient commencé à courir pendant la période d’urgence sanitaire, ils recommencent à courir dès le 24 mai 2020.

L’article 12 ter prévoit que les délais d’instruction impartis aux services instructeurs pour examiner les demandes d’autorisations et de certificats d’urbanisme recommenceront donc à courir dès le 24 mai 2020 : à nouveau, ils ne sont que suspendus.

Le même mécanisme est prévu pour les demandes d’avis et d’accords.

Les collectivités vont donc devoir immédiatement reprendre les instructions en cours, et on imagine déjà qu’il y aura une vague d’autorisations tacites (et certainement de retraits de celles-ci si elles sont illégales ! ) à la fin de la période.

Le délai d’instruction des demandes déposées entre le 12 mars et le 24 mai 2020 commencera lui à courir après cette date.

« Les délais d’instruction des demandes d’autorisation et de certificats d’urbanisme et des déclarations préalables prévus par le livre IV du code de l’urbanisme ainsi que les procédures de récolement prévues à l’article L. 462-2 du même code, qui n’ont pas expiré avant le 12 mars 2020 sont, à cette date, suspendus. Ils reprennent leur cours à compter de la cessation de l’état d’urgence sanitaire déclaré dans les conditions de l’article 4 de la loi du 23 mars 2020 susvisée.

Le point de départ des délais de même nature qui auraient dû commencer à courir pendant la période comprise entre le 12 mars 2020 et la date de cessation de l’urgence sanitaire est reporté à l’achèvement de celle-ci.

Les mêmes règles s’appliquent aux délais impartis aux collectivités territoriales et à leurs établissements publics, aux services, autorités ou commissions, pour émettre un avis ou donner un accord dans le cadre de l’instruction d’une demande ou d’une déclaration mentionnée à l’alinéa précédent ».

L’article 12 quater prévoit un mécanisme similaire à ce qui a été exposé plus haut pour les procédures de préemption :

« Les délais relatifs aux procédures de préemption, prévues au titre Ier du livre II du code de l’urbanisme et au chapitre III du titre IV du livre Ier du code rural et de la pêche maritime, à l’issue desquels une décision, un accord ou un avis de l’un des organismes ou personnes mentionnés à l’article 6 peut ou doit intervenir ou est acquis implicitement et qui n’ont pas expiré avant le 12 mars 2020, sont, à cette date, suspendus. Ils reprennent leur cours à compter de la cessation de l’état d’urgence sanitaire déclaré dans les conditions de l’article 4 de la loi du 23 mars 2020 susvisée pour la durée restant à courir le 12 mars 2020.


Le point de départ des délais de même nature qui auraient dû commencer à courir pendant la période comprise entre le 12 mars 2020 et la date de cessation de l’urgence sanitaire est reporté à l’achèvement de celle-ci ».

On l’aura compris, le Gouvernement a donc purement et simplement supprimé le mois de latence (dit « mois tampon ») initialement prévu à la fin de l’état d’urgence sanitaire…

Si l’on peut comprendre les préoccupations légitimes des pétitionnaires et des professionnels du monde de la construction, on ne peut en revanche que déplorer ce rétropédalage qui ne manquera pas d’induire de nombreuses personnes en erreur et donc d’accroitre significativement l’insécurité juridique en cette période déjà difficile.

Si vous êtes concernés par ces questions, toute l’équipe de GREEN LAW AVOCATS se tient à votre disposition pour les évoquer… en espérant que le Gouvernement ne changera pas encore d’avis !