fils électriquesLe contentieux du raccordement est générateur de nombreuses décisions du comité de règlement des différends et des sanctions, ce qui permet d’étoffer ce droit encore relativement nouveau.

Au-delà des vagues de saisine du Cordis par des producteurs d’électricité d’origine photovoltaïque, plusieurs décisions récentes de règlement de différend ont été l’occasion de préciser des règles de recevabilité d’une part, et des règles de fond d’autre part.

  • Sur la recevabilité, il a été précisé que la production de l’extrait Kbis par une société saisissant le Cordis étant une condition de recevabilité, mais qu’elle ne pouvait intervenir après l’audience en l’absence de demande en ce sens du Comité (Décision Cordis du 20 novembre 2013, JORF du 12 avril 2014).

Ainsi, premièrement, il a été encore une fois rappelé que le gestionnaire ne transmettant pas une offre de raccordement dans le délai de 3 mois à compter de la demande complète de raccordement, s’agissant des installations de production d’électricité, méconnaissait là la documentation technique de référence. Une telle décision est désormais constante de la part du CoRDIS, de la Cour d’Appel de Paris et de la Cour de cassation.

Mais dans la même décision du 11 décembre, le Comité a encore enjoint au gestionnaire de raccorder trois installations qui s’étaient indument vues opposer le décret du 9 décembre 2010 par le gestionnaire de réseau.

Ce dernier avait en effet considéré que le décret devait s’appliquer et avait stoppé la procédure de raccordement. Pourtant, ces installations avaient donné lieu non pas à une PTF (proposition technique et financière) mais à une convention de raccordement (PDR valant convention de raccordement). Le Comité expose qu’un tel document témoigne d’un stade contractuel bien plus avancé puisque le gestionnaire s’engage sur des conditions techniques, juridiques et financières. Il en déduit qu’une convention de raccordement acceptée, signée et le chèque d’acompte émis ne peut donner lieu à l’application du décret n°2010-1510 du 9 décembre 2010, que le refus de raccordement est injustifié et que le raccordement doit être opéré. Le délai de raccordement est consécutivement suspendu pendant la durée du litige.

« A la différence d’une proposition technique et financière, une convention de raccordement définit le coût et les délais de raccordement en application de l’article 4.8 de la procédure de traitement des demandes de raccordement applicable en l’espèce (référence ERDF-PRO-RES-21_E). La distinction entre proposition technique et financière et convention de raccordement est d’ailleurs faite à plusieurs reprises dans le texte même de la procédure de traitement.
Dès lors, la convention de raccordement ne se résume pas à une simple proposition technique et financière, mais se situe à un stade contractuel plus avancé.
Ces quatre conventions adressées par la société ERDF, signées avec le chèque d’acompte par la société Ecosoleil, s’inscrivent dans un dispositif contractuel plus complexe par lequel la société ERDF s’engage sur les conditions techniques, juridiques et financières permettant à une installation de production d’être raccordée au réseau public de distribution qu’elle gère.
Indépendamment des conditions d’achat, qui ne relèvent pas de la compétence du comité de règlement des différends et des sanctions, il résulte des dispositions précitées de l’article 3 du décret du 9 décembre 2010 qu’une convention de raccordement signée avant le 10 décembre 2010 doit être exécutée par la société ERDF. »

Il restera cependant à déterminer, devant la Cour d’appel, si la date charnière retenue (acceptation avant le 10 décembre 2010) est légalement justifiée…

Par ailleurs, dans une décision du 20 novembre 2013 publiée ce 12 avril 2014, le Comité a précisé dans quelles conditions pour être recevable, la saisine du Comité par une société inscrite au RCS devait donner lieu à la production d’un extrait Kbis datant de moins de trois mois.

Rappelons en effet que la procédure devant le Cordis, régie par un décret n°2000-894, est également encadrée par le règlement intérieur du Comité. A ce titre, l’article 7 de la décision du 20 février 2009 relative au règlement intérieur du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l’énergie prévoit que la « saisine […] doit indiquer :  ― si son auteur est une personne physique, ses nom, prénom, nationalité, profession et adresse, ou, si son auteur est une personne morale, sa dénomination ou raison sociale, sa forme, l’organe qui la représente légalement et l’adresse de son siège, ainsi que, le cas échéant, un extrait de moins de trois mois du registre du commerce et des sociétés ».

Dans le cas d’espèce, la société de production d’électricité n’avait non seulement pas produit d’extrait Kbis lors du dépôt de sa demande de règlement , mais ne l’avait pas non plus fait lors des différentes demandes émanant du Comité lors de l’instruction. La société ne l’avait finalement produit qu’APRES l’audience, et alors qu’aucun report de séance n’avait été sollicité, mais le Comité relève qu’aucune demande n’avait été faite lors de l’audience en ce sens. Dans ces circonstances, il a été considéré que la demande était irrecevable.

« Sur la recevabilité de la demande de la société E…:
La société ERDF soutient que la saisine de la société E….est irrecevable dès lors qu’elle ne contient pas d’extrait K bis de la société en méconnaissance des dispositions de l’article 7 du règlement intérieur du comité de règlement des différends et des sanctions.
La société E….soutient que la production d’un extrait K bis n’est pas prévue aux termes des dispositions du décret du 11 septembre 2000. Elle affirme que l’article 7 du règlement intérieur du comité de règlement des différends et des sanctions mentionne que le K bis de moins de trois mois n’est adressé que « le cas échéant ».
L’article 1er-1 du décret n° 2000-894 du 11 septembre 2000 modifié relatif aux procédures applicables devant la Commission de régulation de l’électricité, prévoit que la « saisine de la Commission de régulation de l’énergie comporte pour chaque différend :
― les nom, prénom, adresse, nationalité et profession de l’auteur de la saisine, ou, si l’auteur de la saisine est une personne morale, sa forme, sa dénomination ou sa raison sociale, l’adresse de son siège social et l’organe qui la représente légalement ».
Les articles 24 et 25 du même décret disposent que le « comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l’énergie adopte son règlement intérieur » qui fixe les « modalités de convocation, de déroulement des séances et de délibération ».
L’article 7 de la décision du 20 février 2009 relative au règlement intérieur du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l’énergie ajoute que la « saisine […] doit indiquer :
― si son auteur est une personne physique, ses nom, prénom, nationalité, profession et adresse, ou, si son auteur est une personne morale, sa dénomination ou raison sociale, sa forme, l’organe qui la représente légalement et l’adresse de son siège, ainsi que, le cas échéant, un extrait de moins de trois mois du registre du commerce et des sociétés ».
L’extrait du registre du commerce et des sociétés permet d’attester l’existence légale de la société, la mention « le cas échéant » réservant le cas des personnes morales non immatriculées au registre du commerce et des sociétés.
Aucun extrait du registre du commerce et des sociétés n’ayant été produit par la société E….jusqu’à la clôture des débats, en dépit de la demande qui lui a été faite, sa saisine est irrecevable.
La production, le 1er octobre 2013, par la société E…d’un tel extrait ne peut qu’être écartée, dès lors que le comité de règlement des différends et des sanctions n’a pas sollicité une telle production lors de l’audience. »

Si cette décision peut paraître sévère (notamment au regard du fait que l’extrait Kbis a finalement été produit), elle ne doit pas faire oublier que le Comité a pourtant une appréciation souple quand au moment de la production de cet extrait. En effet, il a été admis que l’extrait Kbis puisse être produit en cours d’instruction et non pas forcément à la date de l’introduction de la demande de règlement (décision du Comité du 20 novembre 2013, JORF 8 mars 2014, jurisprudence cabinet).

C’est là une vision « finaliste » qui est poursuivie, car comme l’explique de façon pédagogique le Comité dans sa décision commentée, « l’extrait du registre du commerce et des sociétés permet d’attester de l’existence légale de la société« . Dans ces circonstances, il est justifié d’accepter la production en cours d’instruction, et ce jusqu’à la clôture des débats. Dans le cas d’espèce, les débats ont été clos lors de l’audience, dont aucun report n’avait été demandé. C’est probablement ce qui explique qu’une production postérieure à l’audience n’ait pas été admise.

Stéphanie Gandet- avocat associé

Green Law Avocat