Muck Spreading.On se souvient qu’en juin 2013, la France a fait l’objet d’un arrêt en constatation de manquement par la Cour de justice de l’Union européenne, faute d’avoir correctement transposé la directive n° 91/676/CEE du Conseil du 12 décembre 1991 concernant la protection des eaux contre la pollution par les nitrates d’origine agricole. En effet, alors que cette directive exige de la part des Etats membres qu’ils procèdent à une désignation complète des zones vulnérables, en raison de la présence de masses d’eau de surface et souterraines affectées, ou risquant d’être affectées, par des concentrations en nitrates supérieures à 50 mg/l et/ou de masses d’eau affectées, ou risquant d’être affectées, par des phénomènes actuels ou potentiels d’eutrophisation, la Cour a jugé que la France avait omis de désigner une dizaines de zones qui remplissent ces critères (CJUE 13 juin 2013, Commission européenne contre République française, C-193/12).

A la suite de cet arrêt, la France s’est engagée à revoir le mode de désignation des zones vulnérables en appliquant tous les critères fixés par la directive.

C’est dans ce contexte qu’un nouveau régime de désignation a été soumis à la consultation du public. Pour l’essentiel, ce nouveau régime procède à une refonte des dispositions des articles R. 211-75 à R. 211-77 du code de l’environnement, qui fixent les modalités et la procédure de désignation des zones vulnérables.

Il s’articule autour :

  •  d’une part, d’un projet de décret relatif à la désignation des zones vulnérables

http://www.consultations-publiques.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/Projet_de_decret_zones_vulnerables.pdf

  • d’autre part, d’un projet d’arrêté précisant les critères et méthodes de désignation :

http://www.consultations-publiques.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/projet_d_arrete_zones_vulnerables.pdf.

Sur le fond, on observera que le projet de décret tend à coller au plus près aux dispositions de la directive. A titre d’exemple, la référence aux zones vulnérables qui sont« menacées de pollution » a été abandonnée au profit de la référence aux zones vulnérables qui sont « susceptibles d’être polluées par les nitrates », dans le projet d’article R. 211-76, II. Cette formulation est plus proche de la rédaction retenue dans la directive pour la définition des eaux qui doivent être protégées contre un risque de pollution par les nitrates d’origine agricole.

En pratique, l’ensemble des modifications rédactionnelles devraient conduire à faire entrer dans la qualification de « zones vulnérables » des zones, qui jusqu’alors, étaient dispensées de cette qualification. A titre d’exemple, sont jusqu’ici définies comme menacées par la pollution, à l’article R. 211-76, II, « les eaux souterraines et les eaux douces superficielles, notamment celles servant au captage d’eau destinée à la consommation humaine, dont la teneur en nitrate est comprise entre 40 et 50 milligrammes par litre et montre une tendance à la hausse ». Dans le nouveau projet d’article, sont concernées « 1° Les eaux souterraines et les eaux douces superficielles, notamment celles servant aux captages d’eau destinée à la consommation humaine, dont la teneur en nitrate est comprise entre 40 et 50 milligrammes par litre et ne montre pas de tendance significative à la baisse ». Selon la notice de présentation du nouveau régime, l’objectif de cette modification rédactionnelle vise à « mieux prendre en compte le risque de pollution par les nitrates ».

De son côté, le projet d’arrêté a pour objet de préciser les critères et méthodes de désignation et les modalités de délimitation des zones vulnérables. On retiendra surtout que la teneur en nitrates retenue pour définir les « eaux atteintes par la pollution en nitrates » ou qui sont « susceptibles de l’être » doit être déterminée par le « percentile 90 » des concentrations en nitrates mesurées. Cette règle consiste à prendre en compte la valeur en-deçà de laquelle se situent 90% des résultats d’analyses réalisées au cours de la campagne de surveillance.

La refonte du régime aura donc vraisemblablement pour effet d’accroître le nombre de parcelles agricoles à classer parmi les zones vulnérables. Les agriculteurs concernés seront alors tenus de respecter les programmes d’actions en vue de la protection des eaux contre la pollution par les nitrates.

Pour mémoire, le programme d’action qui s’applique dans une région est constitué d’un socle national, complété et renforcé le cas échéant par un programme d’actions régional.

Le socle national est défini par un arrêté interministériel du 19 décembre 2011 modifié relatif au programme d’actions national à mettre en œuvre dans les zones vulnérables afin de réduire la pollution des eaux par les nitrates d’origine agricole. Quant aux programmes d’actions régionaux, ils sont définis par un arrêté pris par le Préfet de Région et doivent respecter les exigences posées par l’arrêté interministériel du 23 octobre 2013 relatif aux programmes d’actions régionaux en vue de la protection des eaux contre la pollution par les nitrates d’origine agricole.

En ce qui concerne la procédure de délimitation des zones vulnérables, il est expressément prévu à l’article R. 211-77 du code de l’environnement que le projet de délimitation fasse l’objet d’une procédure de participation du public qui est édictée à L. 120-1 du même code.

La mention expresse de ce régime pourrait surprendre dans la mesure celui-ci a, précisément, vocation à s’appliquer chaque fois que la question de la participation du public à l’élaboration d’une décision n’a pas été traitée par une législation particulière. Quoi qu’il en soit, cette mention répond sans doute à la volonté de sécuriser la procédure de délimitation des zones vulnérables.

La consultation est prévue pour durée jusqu’au 4 janvier 2015.

Voilà une affaire qui devrait faire couler encore beaucoup d’encre, à défaut de faire couler encore beaucoup de nitrates !

Yann BORREL

Green Law Avocat