Toiture en panneaux solairesPar une intéressante décision en date du 25 octobre 2013, la Cour administrative d’appel de Nantes a retenu une interprétation extensive de la notion de « lien évident avec l’agriculture » (arrêt consultable ici: CAA de Nantes, 25 octobre 2013, n°12NT00936).

La qualification d’un « lien », ou du « caractère nécessaire » d’une construction avec l’activité agricole est en effet régulièrement l’objet de discussions jurisprudentielles, qui s’expliquent notamment par la variabilité des termes adoptés par les différents POS et PLU.

En l’espèce, le Maire d’une commune avait délivré un certificat d’urbanisme négatif à une SCEA souhaitant construire des serres équipées de panneaux photovoltaïques au motif que les dispositions du POS ne permettaient pas l’édification de tels bâtiments. En effet, le POS n’autorisait ici que les constructions « à usage agricole liées et nécessaires à l’exploitation et à l’activité agricole ou ayant un lien évident avec l’agriculture » en zone NC, et le Maire avait considéré que les bâtiments projetés ne remplissaient pas cette condition.

Se ralliant à cette interprétation, le Tribunal administratif de Nantes avait rejeté la demande d’annulation introduite par la SCEA : le jugement est néanmoins annulé par la juridiction d’appel, qui estime que le lien évident avec l’activité agricole est au contraire avéré.

Le raisonnement de la Cour est particulièrement intéressant. Ainsi, se livrant à un examen in concreto,  elle fonde son appréciation sur les deux indices suivants :

  • l’usage futur des serres, que la SCEA compte dédier à la production de pommes de terre et de tomates ;
  • mais surtout, l’intérêt économique que présenteront les panneaux solaires pour le fonctionnement de l’exploitation agricole.

 « Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que M. A…, gérant de la SCEA X., a déposé le 20 juillet 2009 une demande de certificat d’urbanisme en vue de la création d’une unité agricole de maraîchage, complétée par une activité de production d’énergie solaire à partir de panneaux photovoltaïques installés sur les serres de l’exploitation ; que les serres seront utilisées pour la production en rotation de pommes de terre et de tomates sur une superficie de 1,49 hectares représentant un tiers du chiffre d’affaires global de l’exploitation agricole, lequel s’élèverait à 690 000 euros pour une superficie de 10 hectares ; que les panneaux solaires, installés sur les toitures des serres, exploités en location par la société D. , dont M. A… est l’actionnaire, en contrepartie d’un loyer annuel de 45 000 euros, réduiront les effets négatifs des radiations solaires tout en produisant de l’énergie, dont une partie sera utilisée pour le chauffage des installations, et permettront, complétée par des récupérateurs d’eau, la production de légumes en évitant notamment le traitement des cultures par apport de chaux ; que les serres dont la construction est envisagée, ont par suite un  » lien évident avec l’agriculture  » au sens des dispositions précitées de l’article NC1 du règlement du POS ; qu’en délivrant un certificat urbanisme négatif pour ce projet le maire de Paulx a, par suite, entaché sa décision d’une erreur d’appréciation au regard de ces dispositions ; »

On notera que dans un arrêt du 4 octobre 2012, la Cour administrative d’appel de Bordeaux avait  déjà considéré que les revenus assurés par la production d’électricité peuvent justifier l’installation d’une centrale photovoltaïque en zone agricole lorsque l’exploitation connait des problèmes de rentabilité :

« Considérant, en second lieu, que la MINISTRE DE L’ECOLOGIE, DU DEVELOPPEMENT DURABLE, DES TRANSPORTS ET DU LOGEMENT fait valoir notamment que les travaux en cause impliquent l’abandon de la culture de la canne à sucre sur les parcelles concernées, et que la culture du géranium qu’il est prévu d’y mener n’occupera que la moitié de la parcelle ; qu’il ressort toutefois des pièces du dossier que l’exploitation agricole à laquelle le projet entend se substituer connaît des problèmes de rentabilité ; que sur la superficie totale de la parcelle, qui est de 5 hectares, la moitié doit être affectée à la culture du géranium pour la production d’huiles essentielles ; que l’autre moitié, recouverte par les panneaux solaires, doit être affectée à l’entreposage du géranium à l’abri des intempéries, d’autant plus nécessaire compte tenu du temps requis pour la récolte, faiblement mécanisée, de cette plante ; que la production attendue est de 120 kilogrammes d’huiles essentielles par an ; que la conjonction de cette culture avec la production d’énergie renouvelable par l’entremise des panneaux solaires doit assurer la rentabilité de l’exploitation agricole ; que dans ces conditions, en accordant tacitement le permis de construire sollicité, le préfet de la Réunion n’a pas commis d’erreur d’appréciation au regard de l’exigence, prévue par le règlement d’urbanisme, que le projet n’altère pas la production agricole ; qu’ainsi, contrairement à ce que soutient la ministre et comme le tribunal administratif l’a jugé, le permis tacite en cause n’était pas illégal à ce titre ; que dès lors, le préfet de la Réunion n’a pu légalement le retirer pour ce motif ; » (CAA Bordeaux, 4octobre 2012, n°11BX01853)

Pour rappel, la question du lien des constructions avec l’activité agricole se pose de manière récurrente en matière d’urbanisme, en raison de l’inconstructibilité de principe des zones NC ou agricoles (Rép. Min., Q n° 72935, JOAN 15 novembre 2005, p. 10512 ; Rép. Min.,  Q n°31836, JO Sénat 20 décembre 2001, p. 4040). Et si le juge administratif tend à favoriser une appréciation concrète, notamment en matière de construction de logements destinés à accueillir l’exploitant (CE, 7 nov. 2012, n°334424 ; CE, 26 oct. 2011, n°328241 ; CE, 15 février 1991, n° 85 672), les autorités administratives sont souvent réticentes à autoriser des bâtiments équipés de panneaux solaires.

Aussi, cette décision nous semble marquer un assouplissement de la notion de lien avec l’activité agricole, et on ne peut que saluer l’appréciation pragmatique de la Cour, qui devrait faciliter l’installation de panneaux solaires pour  bon nombre d’exploitants en fonction de ce qu’admet le POS ou le PLU applicable à la zone.

 Lou DELDIQUE

Green Law Avocat