conseil d'état à ParisSi le Maire est normalement l’autorité compétente pour délivrer les autorisations d’urbanisme, l’article R. 422-2 du code de l’urbanisme prévoit dans certains cas une compétence dérogatoire du Préfet dans les communes dotées d’un PLU ou d’un document d’urbanisme en tenant lieu. Cette disposition s’applique notamment en matière de « projets réalisés pour le compte d’États étrangers ou d’organisations internationales, de l’État, de ses établissements publics et concessionnaires ».

Dans sa décision en date du 5 février 2014 (consultable ici), le Conseil d’Etat a précisé l’interprétation que doit recevoir cette notion.

En effet, saisi dans le cadre d’un référé suspension portant sur le permis de construire délivré à une communauté de communes en vue de la construction d’une gendarmerie, le Tribunal administratif de Nîmes avait considéré que le Préfet n’avait pas compétence pour délivrer une telle autorisation, dans la mesure où le projet ne pouvait être regardé comme réalisé « pour le compte de l’État » au sens de l’article R. 422-2.

Le juge des référés avait ainsi relevé que la communauté de communes était à la fois propriétaire du terrain d’assiette et des futures constructions, et maître de l’ouvrage de l’opération. La circonstance qu’une partie du projet, qui consistait à construire une gendarmerie, des logements de fonction pour les gendarmes et des bureaux destinés à la structure intercommunale, soit destinée à être mise à disposition de l’Etat dans le cadre d’un contrat de bail de neuf ans, ne suffisait pas, selon lui, à caractériser un projet « réalisé pour le compte de l’État. »

Le Conseil d’Etat invalide ce raisonnement et censure l’ordonnance pour erreur de droit:

« Considérant que, pour rejeter la demande dont il était saisi, le juge des référés a estimé que la commune de Bollène était dépourvue d’intérêt pour agir à l’encontre du permis de construire litigieux ; que, pour ce faire, après avoir relevé que la communauté de communes de Rhône-Lez-Provence était propriétaire du terrain d’assiette et des futures constructions et maître de l’ouvrage de l’opération, le juge des référés a jugé que la circonstance que deux des bâtiments objets de la demande de permis de construire déposée le 27 janvier 2012 par la communauté de communes de Rhône-Lez-Provence soient destinés à être mis à disposition de l’Etat, dans le cadre d’un contrat de bail de neuf ans, assorti du versement d’une subvention, en application des dispositions de l’article L. 1311-4-1 du code général des collectivités territoriales, à l’effet d’y installer une gendarmerie et des logements de fonction pour les gendarmes, ne permettait pas pour autant de les faire regarder comme étant réalisés pour le compte de l’Etat au sens des dispositions de l’article R. 422-2 du code de l’urbanisme ; qu’il en a déduit que l’instruction de la demande de permis de construire relevait exclusivement de la compétence du maire et que, par suite, le permis de construire litigieux devait être regardé comme ayant été délivré, dans son intégralité, par le maire, au nom de la commune ; qu’il résulte de ce qui a été dit au point 1 qu’en statuant ainsi, le juge des référés du tribunal administratif de Nîmes a entaché son ordonnance d’erreur de droit ; que la commune de Bollène est, par suite, et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de son pourvoi, fondée à en demander l’annulation ; »

En effet, la Haute Juridiction estime :

  • que le fait que l’État ne soit ni pétitionnaire, ni propriétaire est sans incidence sur la compétence du préfet pour délivrer l’autorisation demandée ;
  • que la compétence préfectorale définie à l’article R. 422-2 concerne toute demande d’autorisation d’utilisation du sol qui s’inscrit dans le cadre de l’exercice des compétences de l’État au titre d’une mission de service public qui lui est impartie.

 «  Considérant qu’il résulte des dispositions combinées du a) de l’article L. 422-2 et du a) de l’article R. 422-2 du code de l’urbanisme que le préfet est notamment compétent pour délivrer le permis de construire lorsque la construction envisagée est réalisée pour le compte de l’Etat ; que la notion de réalisation pour le compte de l’Etat, au sens de ces dispositions, comprend toute demande d’autorisation d’utilisation du sol qui s’inscrit dans le cadre de l’exercice par celui-ci de ses compétences au titre d’une mission de service public qui lui est impartie et à l’accomplissement de laquelle le législateur a entendu que la commune ne puisse faire obstacle en raison des buts d’intérêt général poursuivis ; que, dès lors, les circonstances que le demandeur de l’autorisation ne soit pas l’Etat lui-même et que celui-ci ne soit pas propriétaire du terrain d’assiette ou des constructions objets de la demande sont sans incidence sur la compétence du préfet pour délivrer l’autorisation demandée ;

On  retiendra donc de cette décision, qu’elle consacre une interprétation extensive de l’article R.422-2 a), puisqu’elle rejette le critère organique (Etat ou collectivité) au profit du critère matériel de la mission de service public.

Concrètement, cela signifie que le Préfet est également compétent même si le projet est mis en œuvre par un opérateur privé, dans la mesure où il participe d’une mission de service public.

Lou DELDIQUE

Green Law Avocat