ecoPar un arrêt du 7 mars 2014 (CE, 7 mars 2014, n°374288), le Conseil d’État avait transmis au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) portant sur les schémas régionaux « climat, air et énergie » (SRCAE) ainsi que sur les schémas régionaux éoliens (SRE).

Le Conseil constitutionnel vient de déclarer une partie du dispositif législatif relatif aux SRCAE inconstitutionnel au regard de l’article 7 de la Charte. Analyse.

Les SRCAE, qui sont élaborés conjointement par le préfet de région et le président du conseil régional après consultation des collectivités territoriales concernées et de leurs groupements, contribuent, aux termes de l’article L. 122-1 du code de l’environnement, à définir  les orientations régionales en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre, de lutte contre la pollution atmosphérique, d’amélioration de la qualité de l’air, de maîtrise de la demande énergétique, de développement des énergies renouvelables et d’adaptation au changement climatique. Le schéma régional éolien (SRE) constitue un volet annexé à ce document, et a vocation à définir les parties du territoire favorables au développement de l’énergie éolienne.

En l’espèce, plusieurs associations opposées au développement de l’éolien industriel avaient, dans le cadre d’un recours en excès de pouvoir dirigé contre le schéma régional éolien d’Ile-de-France adopté par préfet de la région Ile-de-France le 28 septembre 2012, soulevé l’inconstitutionnalité des dispositions légales afférentes à ces deux types de schémas régionaux (articles L. 222-1 à L. 222-3 du code de l’environnement, dans leur rédaction issue de la loi « Grenelle II »).

Les requérants soutenaient :

  • d’une part, que ces articles méconnaissaient le principe de participation du public prévu à l’article 7 de la Charte de l’environnement, en prévoyant des modalités de participation du public lors de l’élaboration des SRCAE et des SRE insuffisantes ;
  • d’autre part, qu’en ne fixant pas les critères à partir desquels sont délimitées les « parties du territoire favorables au développement de l’énergie éolienne », le législateur avait méconnu l’étendue de sa compétence, ce qui affectait l’exercice du droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé et de voir les autorités administratives prévenir les atteintes qui pourraient être portées à cet environnement.

Le Conseil constitutionnel, dans sa décision n° 2014-395 QPC du 7 mai 2014 (consultable ici), leur a donné partiellement raison, en déclarant contraire à la Constitution le premier alinéa de l’article L. 222-2 du code de l’environnement, mais en confirmant la constitutionnalité des articles L. 222-1 et L. 222-3, ainsi que du surplus de l’article L. 222-2.

Ainsi, concernant la méconnaissance invoquée du principe de participation, après avoir rappelé que les SRCAE et les SRE sont des « décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement » auxquelles les dispositions de l’article 7 de la Charte de l’environnement sont donc applicables, les Sages du Palais Royal ont jugé que la procédure de participation du public prévue n’avait pas été définie de manière suffisamment précise par le législateur.

 En effet, l’alinéa 1er de l’article L. 122-2 prévoit simplement que le projet de SRCAE fait l’objet, « pendant une durée minimale d’un mois, d’une mise à la disposition du public sous des formes, notamment électroniques, de nature à permettre sa participation », et renvoie à un décret en Conseil d’État le soin de fixer les conditions et limites de cette participation.

Or il résulte d’anciennes décisions constitutionnelles (Décision n° 2008-564 DC du 19 juin 2008, Loi relative aux organismes génétiquement modifiés, cons. 49) que seul le législateur est compétent pour définir les conditions et limites du principe de la participation du public, ainsi que cela avait déjà été précisé en matière d’information du public dans une décision de 2008 sur la loi relative aux OGM.

Aussi, constatant qu’en l’espèce, aucune autre disposition législative ne permettait de pallier cette lacune, les SRCAE n’étant notamment pas soumis à une procédure d’enquête publique, la Haute Juridiction juge que le législateur a « méconnu l’étendue de sa compétence », et donc l’article  7 de la Charte de l’environnement :

« Considérant, en second lieu, que les dispositions du premier alinéa de l’article L. 222-2 du code de l’environnement prévoient que le projet de schéma régional du climat, de l’air et de l’énergie fait l’objet, pendant une durée minimale d’un mois, d’une mise à la disposition du public sous des formes, notamment électroniques, de nature à permettre sa participation ; qu’en vertu du second alinéa de l’article L. 222-3, les modalités d’application de ces dispositions sont fixées par un décret en Conseil d’État ;

Considérant qu’en fixant la durée minimale pendant laquelle ce schéma est mis à la disposition du public et en déterminant la forme de cette mise à disposition, qui doit être faite notamment par voie électronique, le législateur s’est borné à prévoir le principe de la participation du public sans préciser « les conditions et les limites » dans lesquelles doit s’exercer le droit de toute personne de participer à l’élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement ; qu’il a renvoyé à un décret en Conseil d’État le soin de fixer ces « conditions et limites » ; que ni les dispositions contestées ni aucune autre disposition législative n’assurent la mise en œuvre du principe de participation du public à l’élaboration des décisions publiques en cause ; qu’en adoptant les dispositions contestées sans fixer les conditions et limites du principe de la participation du public, le législateur a méconnu l’étendue de sa compétence ; que, par suite, la première phrase du premier alinéa de l’article L. 222-2 du code de l’environnement doit être déclarée contraire à la Constitution ; »

 

En revanche, le second grief, tiré de la méconnaissance de l’article 34 de la Constitution, qui confie au législateur le soin de fixer les principes fondamentaux de la préservation de l’environnement, a été écarté.

Le Conseil constitutionnel écarte le reproche fait aux articles L. 222-1 et L. 222-3 du code de l’environnement, au motif que le législateur, s’il n’a pas fixé les critères à partir desquels sont délimitées les parties du territoire favorables au développement de l’énergie éolienne, n’a néanmoins pas dévolu cette tache au pouvoir réglementaire :

 « Considérant qu’en prévoyant que le schéma régional éolien définit, en cohérence avec les objectifs issus de la législation européenne relative à l’énergie et au climat, les parties du territoire favorables au développement de l’énergie éolienne, sans fixer les critères de détermination de ces parties du territoire, le législateur n’a pas habilité l’autorité administrative à fixer des règles qui mettent en cause les principes fondamentaux de la préservation de l’environnement ; que, par suite, le grief tiré de ce qu’en adoptant la dernière phrase du 3° de l’article L. 222-1 du code de l’environnement, le législateur aurait méconnu l’étendue de sa compétence doit en tout état de cause être écarté ; »

La portée de l’abrogation du premier alinéa de l’article L.222-2 (déclaré inconstitutionnel) doit toutefois être nuancée, puisqu’elle ne prendra effet qu’au 1er janvier 2015, le Conseil constitutionnel estimant que « la remise en cause des effets produits par les dispositions déclarées contraires à la Constitution aurait des conséquences manifestement excessives ».

Le législateur bénéficie par conséquent de plus de 6 mois pour tirer les conséquences de cette décision, et  « apprécier les suites qu’il convient de donner à cette déclaration d’inconstitutionnalité » (pour d’autres exemples d’abrogation, voir les décisions n° 2010-108 QPC du 25 mars 2011, Mme Marie-Christine D. ; 2010-112 QPC du 1er avril 2011, Mme Marielle D.; 2011-190 QPC du 21 octobre 2011, M. Bruno L. et autres).

Deux possibilités s’offrent dès lors à lui :

  • il peut ainsi substituer aux dispositions inconstitutionnelles un dispositif spécial de participation du public pour l’élaboration des SRCAE,
  • ou laisser produire tous ses effets à l’abrogation, ce qui aurait pour effet de rendre applicable l’article L. 120-1 du code de l’environnement, qui organise et encadre les modalités de participation du public pour « les décisions, autres que les décisions individuelles, des autorités publiques ayant une incidence sur l’environnement lorsque celles-ci ne sont pas soumises, par les dispositions législatives qui leur sont applicables, à une procédure particulière organisant la participation du public à leur élaboration ».

Enfin, le Conseil précise que les schémas adoptés avant sa décision sur le fondement des dispositions déclarées contraires à la Constitution « ne pourront être contestés sur le fondement de cette inconstitutionnalité », dans la mesure où le nombre de SRCAE et de SRE adoptés selon la procédure actuelle est déjà très élevé…. comme pour la décision relative au classement des cours d’eau (voir notre commentaire ici au sujet de cette décision du 23 mai 2014), les effets de la déclaration d’inconstitutionnalité demeureront donc limités.

Lou DELDIQUE

Green Law Avocat