Compatibilité du PLU avec le SCOT : le Conseil d’Etat donne le mode d’emploi (CE, 18 décembre 2017, n°395216)

even if you are a suitable candidate, it may not be your vocationPar Maître Lou DELDIQUE, Avocat of counsel – GREEN LAW AVOCATS (lou.deldique@green-law-avocat.fr)

Par un arrêt en date du 18 décembre 2017 (CE, 18 décembre 2017, n°395216, consultable ici), le Conseil d’Etat a précisé la portée de l’obligation de compatibilité du plan local d’urbanisme (PLU) avec le schéma de cohérence territoriale (SCOT), ainsi que l’étendue du contrôle du juge sur ce point.

Rappelons que le rapport qu’un document d’urbanisme entretient avec les documents supérieurs peut être un rapport de compatibilité ou de simple prise en compte (CU, art. L. 131-1 et suivants), dans la mesure où le principe de libre administration des collectivités prévu à l’article 72 de la Constitution fait obstacle à ce qu’une obligation de conformité soit instaurée (Cons. const., 7 déc. 2000, n° 2000-436 DC).

En l’espèce, deux associations contestaient la délibération par laquelle le conseil municipal de la commune de Mesnil-en-Thelle avait approuvé la révision de son PLU. Elles soutenaient notamment que le plan méconnaissait les dispositions du SCOT du pays de Thelle, dont le document d’orientations générales (DOG), avait, afin de réduire le rythme de développement de l’habitat et de maîtriser l’urbanisation, limité à 1 % la croissance démographique annuelle dans chaque commune. En effet, la commune s’était fixé un objectif de création nouveaux logements qui dépassait ce plafond et même celui fixé pour les communes bénéficiant d’une dérogation.

Dans un premier temps, après avoir rappelé « qu’à l’exception des cas limitativement prévus par la loi dans lesquels les schémas de cohérence territoriale peuvent contenir des normes prescriptives,  [les SCOT] doivent se borner à fixer des orientations et des objectifs [et] que les plans locaux d’urbanisme sont soumis à une simple obligation de comptabilité avec ces orientations et objectifs », le Conseil d’Etat a précisé qu’ « il appartient aux auteurs des plans locaux d’urbanisme, qui déterminent les partis d’aménagement à retenir en prenant en compte la situation existante et les perspectives d’avenir, d’assurer, ainsi qu’il a été dit, non leur conformité aux énonciations des schémas de cohérence territoriale, mais leur compatibilité avec les orientations générales et les objectifs qu’ils définissent ; ».

Notons que cette solution s’inscrit dans la continuité d’une jurisprudence établie en matière d’autorisations d’exploitation commerciale (CE, 11 juillet 2012, n° 353880 ; CE 12 décembre 2012, n° 353496 ; CE, 1er mars 2013, n° 327864 ; CE, 27 juin 2013, n° 356548 ; CE, 7 oct. 2013, n° 365143 ;  CE, 15 janv. 2014, n° 365223 ; CE, 16 juil. 2014, n° 368382 et 368418 ; CE, 3 déc. 2014, n° 372885 ; CE, 17 déc. 2014, n° 368761 ;  CE, 17 déc. 2014, n° 367624 ; CE, 11 oct. 2017, n° 401807 et 401809), et qu’elle est conforme à la définition traditionnelle de l’obligation de compatibilité (« un document est compatible avec un document de portée supérieure lorsqu’il n’est pas contraire aux orientations ou principes fondamentaux de ce document et qu’il contribue, même partiellement, à sa réalisation » (Rép. Min. n°419, JO Sénat, 5 septembre 2002, M-C. Beaudeau).

Dans un second temps, l’arrêt définit les modalités du contrôle qu’exerce le juge sur cette obligation de compatibilité :

« pour apprécier la compatibilité d’un plan local d’urbanisme avec un schéma de cohérence territoriale, il appartient au juge administratif de rechercher, dans le cadre d’une analyse globale le conduisant à se placer à l’échelle de l’ensemble du territoire couvert en prenant en compte l’ensemble des prescriptions du document supérieur, si le plan ne contrarie pas les objectifs qu’impose le schéma, compte tenu des orientations adoptées et de leur degré de précision, sans rechercher l’adéquation du plan à chaque disposition ou objectif particulier ;

C’est donc une « lecture globale », et non « une lecture pointilleuse du DOO » (Jean-Philippe Strebler, Compatibilité du PLU avec le SCoT : le discours de la méthode, RDI 2018 p.125) qui doit prévaloir ici.

En l’espèce, le dépassement des seuils de croissance démographique fixés par le SCOT n’a pas été jugé incompatible avec ses objectifs et orientations, dès lors que ceux-ci avaient malgré tout été pris en compte par les auteurs du PLU :

«  Considérant que pour juger que, malgré ce dépassement des seuils maximum de croissance démographique, l’objectif de création de 15 logements par an n’était pas incompatible avec le schéma de cohérence territoriale, la cour a notamment relevé que les auteurs du plan local d’urbanisme ont, tout en respectant l’objectif de maîtrise de l’urbanisation, pris en compte les objectifs d’intérêt général propres à la commune que constituaient, dans un contexte de vieillissement de la population, le renouvellement et la diversification de l’habitat, que la vérification des objectifs démographiques reposait sur un mode de calcul neutralisant la densification du bâti existant et l’accueil de la population âgée, que le schéma laissait une autonomie aux communes dans la gestion et l’adaptation des plafonds, durant toute sa période d’application, qu’il était prévu que les auteurs du schéma accompagnent et contrôlent la bonne application des seuils démographiques à chaque étape de l’évolution du plan local d’urbanisme et durant l’ensemble de la période ; que la cour a également relevé que les auteurs du plan local d’urbanisme ont entendu inscrire ce document dans le cadre des orientations et objectifs du schéma de cohérence territoriale, en particulier en matière de maîtrise de l’urbanisation tout en mettant en oeuvre avec souplesse les seuils démographiques ; qu’en estimant, compte tenu de ces appréciations souveraines exemptes de dénaturation et dès lors que ces schémas ne peuvent légalement édicter, en dehors des exceptions expressément prévues par le législateur, de règles contraignantes opposables aux documents d’urbanisme, que le plan local d’urbanisme n’était pas sur ce point incompatible avec le schéma de cohérence territoriale, la cour n’a commis ni d’erreur de droit ni d’erreur de qualification juridique ; que son arrêt, qui est suffisamment motivé au regard de l’argumentation dont elle était saisie, est également exempt de contradiction de motifs, dès lors que, ainsi que l’a jugé à bon droit la cour, un dépassement, même sensible, des seuils de croissance démographique n’est pas par lui-même incompatible avec les orientations et objectifs du schéma ; »

Si elle apporte d’utiles précisions, cette décision confirme les interrogations que l’on peut avoir quant à l’utilité de certains documents de planification tel que le SCOT lorsque leur auteur prennent le risque par des formulations consensuelles de diluer leur vocation prescriptive ; même si l’appréciation du rapport de compatibilité au moyen d’une « analyse globale » n’en laissera pas moins jusqu’en cassation un certain suspens tant pour les juges du fond que pour les parties car le risque d’une censure pour dénaturation pour être rarissime n’en pas moins possible…