Clause filet – évaluation environnementale : le décret du 25 mars 2022 est paru

Par Stéphanie GANDET – avocat associé, et Marie KERDILES – avocat- GREEN LAW AVOCATS

Le décret n° 2022-422 du 25 mars 2022 relatif à l’évaluation environnementale des projets est paru.

Il instaure la clause filet par un texte paru au JORF n°0072 du 26 mars 2022, entré en vigueur le lendemain.

Le texte met en place un dispositif permettant de soumettre à évaluation environnementale des projets susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement et la santé humaine mais situés en deçà des seuils de la nomenclature « étude d’impact » (nomenclature annexée à l’article R. 122-2 du code de l’environnement).

Il concernera potentiellement des projets de construction, industriels, agricoles, d’infrastructures, d’aménagement dont l’ampleur est réduite, et explique en tout cas qu’ils n’atteignent par les seuils de la nomenclature étude d’impact.

Pour autant, le nouveau texte prévoit la possibilité de les soumettre à un « examen au cas par cas » qui peut les conduire à devoir faire l’objet d’une évaluation environnementale.

C’est ce qui a été appelé communément la « clause filet ».

Contexte :

Cette notion avait déjà été évoquée dans le rapport établi en 2015 par Jacques Verdier président du groupe de travail relatif à la « Modernisation de l’évaluation environnementale ». Plus récemment, le Conseil d’Etat dans le cadre de sa décision n°425424 du 15 avril 2021 (voir notre article du 16 avril 2021) avait enjoint le Gouvernement de remédier à la situation qui l’avait conduit à annuler le décret n° 2018-435 du 4 juin 2018 « en tant qu’il ne prévoit pas de dispositions permettant qu’un projet susceptible d’avoir une incidence notable sur l’environnement pour d’autres caractéristiques que sa dimension puisse être soumis à une évaluation environnementale. » L’arrêt avait enjoint au Premier ministre de prendre, dans un délai de 9 mois à compter de la notification de la présente décision, les dispositions permettant qu’un projet susceptible d’avoir une incidence notable sur l’environnement ou la santé humaine pour d’autres caractéristiques que sa dimension, notamment sa localisation, puisse être soumis à une évaluation environnementale.

Le Gouvernement a dû finalement s’y résoudre.

Dispositif de la clause filet:

Un nouvel article R.122-2-1 dispose désormais que :

« I. – L’autorité compétente soumet à l’examen au cas par cas prévu au IV de l’article L.122-1 tout projet, y compris de modification ou d’extension, situé en deçà des seuils fixés à l’annexe de l’article R. 122-2 et dont elle est la première saisie, que ce soit dans le cadre d’une procédure d’autorisation ou d’une déclaration, lorsque ce projet lui apparaît susceptible d’avoir des incidences notables sur l’environnement ou la santé humaine au regard des critères énumérés à l’annexe de l’article R. 122-3-1.

II. – L’autorité compétente pour la première demande d’autorisation ou déclaration déposée relative au projet informe le maître d’ouvrage de sa décision motivée de soumettre le projet à examen au cas par cas, au plus tard quinze jours à compter du dépôt du dossier de cette demande ou déclaration. Le maître d’ouvrage saisit l’autorité en charge de l’examen au cas par cas dans les conditions prévues aux articles R.122-3 et R.122-3-1 »

III. – Le maître d’ouvrage peut, de sa propre initiative, saisir l’autorité chargée de l’examen au cas par cas dans les conditions prévues aux articles R. 122-3 et R. 122-3-1, de tout projet situé en deçà des seuils fixés à l’annexe de l’article R. 122-2. » ;


Les dispositions du décret sont applicables aux premières demandes d’autorisations ou déclarations d’un projet déposées à compter de sa date d’entrée en vigueur le 27 mars 2022.

Quelques sources de complexité sont à déceler.

Le texte prévoit d’en confier l’instruction à l’autorité compétente chargée de la première procédure d’autorisation ou de déclaration relative à un projet pouvant en nécessiter plusieurs. Il s’agit donc à une autorité distincte de l’autorité environnementale (contrairement aux préconisations du rapport Verdier).

Cette autorité décide – dans un délai de 15 jours à compter du dépôt du dossier d’autorisation ou de déclaration – de soumettre ou non le projet à examen au cas par cas. L’instruction du dossier de cas par cas est alors assurée par l’autorité chargée du cas par cas. Le décret prévoit également la faculté pour le porteur de projet de saisir, de sa propre initiative, l’autorité chargée de l’examen au cas par cas.

Il précise également l’articulation de ce nouveau dispositif avec les modalités d’instruction (délais, suspension) des autres demandes qui concernent le projet, et en particulier en droit de l’urbanisme.

Les porteurs de projet en dessous des seuils de la nomenclature « étude d’impact » doivent donc s’attendre à des examens plus approfondis des dossiers même les moins impactants, et devront en tout état de cause veiller à anticiper, en démontrant en quoi ils ne sont pas susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement ou la santé humaine.

Il n’est pas certain que ce dispositif soit source de simplification et donc de gage de meilleure protection de l’environnement dans un contexte où la production d’énergie renouvelable, en particulier, souffre d’un retard considérable.