Circulaire du Garde des Sceaux du 21 avril 2015 : la chasse aux pollueurs est ouverte

effet pour l'avenirPar

Yann Borrel (Green Law Avocat)

Une circulaire en date du 21 avril 2015 relative aux orientations de politique pénale en matière d’atteintes à l’environnement a été publiée au Bulletin officiel du ministère de la Justice n° 2015-04 du 30 avril 2015 (Partie N°1, NOR : JUSD1509851C). http://www.justice.gouv.fr/publication/circulaire_21042015_close.pdf

Cette circulaire a pour objet de fixer les grands principes qui doivent guider l’élaboration et la mise en œuvre d’une politique pénale en matière d’atteintes à l’environnement. Madame le Garde des Sceaux a justifié son édiction par les constats d’un déficit de répression des infractions au droit de l’environnement et d’une diminution régulière du nombre de condamnations, malgré la tendance générale à la pénalisation du droit de l’environnement.

La circulaire commentée retiendra notamment l’attention de ses lecteurs sur trois points.

Tout d’abord, il ressort de cette circulaire que Madame le Garde des Sceaux a souhaité renforcer la répression des atteintes à l’environnement, en favorisant la définition d’une politique pénale adaptée aux enjeux locaux. A cette fin, les parquets ont été invités à élaborer un état des lieux des enjeux environnementaux locaux en concertation avec les différentes administrations (services déconcentrés de l’Etat et établissements publics spécialisés tels que l’ONEMA).

Notons que les parquets ont également été invités à identifier les associations agréées de protection de l’environnement qui sont actives dans leur ressort, afin que ces dernières puissent les aider à mieux connaître les enjeux environnementaux locaux.

Ensuite, pour assurer la mise en œuvre de ces nouvelles orientations, Madame la Garde des Sceaux a invité les parquets à mieux se coordonner avec les administrations en charge des polices spéciales de l’environnement. L’objectif est d’assurer une meilleure coordination des réponses pénales et administratives. Dans ce but, la circulaire met notamment l’accent sur la nécessité pour les administrations spécialisées d’informer les parquets des suites administratives envisagées et des éventuelles propositions de transaction formulées dans les procédures judiciaires qui leur sont adressées.

Enfin, et surtout, Madame le Garde des Sceaux a souhaité définir une « véritable doctrine de réponse pénale » en matière d’atteintes à l’environnement. A cette fin, elle a énoncé les principes qui sont supposés guider le choix de la réponse pénale en matière d’atteinte à l’environnement.

Le premier principe correspond à la recherche systématique de la remise en état ou de la restauration du milieu. Selon la circulaire, « que des poursuites soient envisagées ou non, il convient de favoriser systématiquement la remise en état et la réparation du dommage, lorsqu’elles sont possibles, et ce avant jugement dans un souci d’efficacité ».

Le deuxième principe tient à ce que des poursuites soient engagées en cas d’atteintes graves et irréversibles à l’environnement ou en cas de manquement délibéré ou réitéré. Parmi les éléments d’appréciation de la gravité des faits qui devraient conduire les parquets à engager des poursuites, la circulaire mentionne l’importance du gain économique résultant de la violation de la règle environnementale et la violation d’une règle se rattachant au droit de l’Union européenne. Madame le Garde des Sceaux a attiré l’attention des parquets sur l’efficacité de l’ajournement avec injonction, au motif que cette mesure « constitue un moyen efficace d’obtenir une régularisation ou une remise en état avant le prononcé de la condamnation ».

Le troisième principe correspond à la mise en œuvre, de préférence, dans les autres cas que ceux évoqués précédemment, de mesures alternatives aux poursuites. Madame le Garde des Sceaux a rappelé que ces mesures comprennent la composition pénale, la médiation pénale, le classement sous condition de régularisation ou de travaux. Elle a ajouté que ces mesures devraient associer pédagogie, rétribution et réparation du préjudice environnemental. En cas de non-respect des prescriptions administratives, Madame le Garde des Sceaux a recommandé que les mesures alternatives aux poursuites ne soient mises en œuvre que de manière limitée et n’aboutissent pas à laisser perdurer une situation illégale.

Enfin, elle a précisé que les rappels à la loi devraient être limités aux situation régularisées et n’ayant entraîné aucun dommage à l’environnement.

La circulaire du 21 avril 2015 donne de précieuses indications sur les orientations de politique pénale en matière d’atteintes à l’environnement.

Reste à savoir si ces nouvelles orientations, qui traduisent la volonté des pouvoirs publics à améliorer l’efficacité de la répression, seront suivies d’effet dans la pratique. En toute hypothèse, la publication de la circulaire permet d’afficher la détermination des autorités à renforcer la lutte contre les atteintes à l’environnement, alors qu’une dizaine de procédures en manquement sont actuellement diligentées par la Commission européenne contre la France dans des matières relatives au droit de l’environnement (traitement des déchets, respect des espaces naturels etc.).