Solarpark in Europa auf einem BergPar deux arrêts notables, la Cour administrative de Lyon (CAA Lyon, 25 mars 2014, n°11LY23465) et la Cour administrative d’appel de Marseille (CAA Marseille, 20 mars 2014, n°12MA02078) viennent apporter un éclairage intéressant sur la question de la constructibilité d’une centrale photovoltaïque en zone couverte par la Loi Montagne d’une part, et en zone NC (zone agricole) d’autre part.

  • Les centrales solaires ne constituent pas toujours une installation incompatible avec le voisinage des zones habitées au sens de la Loi Montagne (CAA Marseille, 20 mars 2014)

L’arrêt de la Cour administrative d’appel de Marseille du 20 mars 2014 vient s’inscrire dans une jurisprudence balbutiante relative à la constructibilité des centrales photovoltaïques au sol en zone de montagne (CAA Marseille, 20 mars 2014, n°12MA02078).

En l’espèce, le projet en cause consiste sur une surface de dix-huit hectares en l’édification de locaux techniques d’une surface de 400m² de SHON, de six citernes d’eau et en la fixation au sol sur châssis de 69 984 panneaux photovoltaïques dans le cadre de l’installation d’un parc solaire sur le territoire d’une commune couverte par la « Loi Montagne » (codifiée dans le code de l’urbanisme, art. L145-3 et suivants).

La Cour rappelle les dispositions de la Loi Montagne (article L145-3 en particulier du code de l’urbanisme) qui prévoit que « Sous réserve de l’adaptation, du changement de destination, de la réfection ou de l’extension limitée des constructions existantes et de la réalisation d’installations ou d’équipements publics incompatibles avec le voisinage des zones habitées, l’urbanisation doit se réaliser en continuité avec les bourgs, villages, hameaux, groupes de constructions traditionnelles ou d’habitations existants. »

La question était donc ici de savoir si les constructions autorisées par le PC pouvaient être qualifiée « d’installations ou d’équipements publics incompatibles avec le voisinage des zones habitées » dès lors que la centrale solaire n’était pas située en continuité avec les bourgs, hameaux et villages.

La société porteuse du projet soutenait que la centrale devait être ainsi qualifiée en invoquant le risque potentiel représenté par la présence d’un raccordement à un câble électrique de 20 000volts à partir du local des onduleurs et de raccords électriques entre les différents panneaux où le courant y circulant atteint jusqu’à 600 volts. Elle invoquait en outre une gêne visuelle pour le voisinage.

Cependant, après avoir retenu que les constructions autorisations constituaient bien une « urbanisation » au sens de la Loi Montagne, la Cour refuse ici de faire jouer la dérogation prévue pour les installations incompatibles avec le voisinage des zones habitées au regard des faibles nuisances de la centrale solaire:

« Ce projet constitue une urbanisation au sens de ces dispositions et qu’ainsi ces dernières lui sont opposables ; qu’il ressort des pièces du dossier que, eu égard à leur lieu d’implantation, ces constructions ne sont pas réalisées en continuité avec les bourgs, villages, hameaux, groupes de constructions traditionnelles ou d’habitations existants ; que néanmoins en vertu des mêmes dispositions il peut être dérogé à la règle d’urbanisation en continuité pour les installations ou équipements publics incompatibles avec le voisinage des zones habitées, dans les circonstances de l’espèce ; qu’en l’espèce, il est constant que le projet en cause doit occuper un espace très important ; que, toutefois, si la société bénéficiaire se prévaut du risque potentiel que représente la présence d’un raccordement à un câble électrique de 20 000 volts à partir du local des onduleurs et de raccords électriques entre les différents panneaux où le courant y circulant atteint jusqu’à 600 volts ainsi que d’une gêne visuelle pour le voisinage en raison de l’ampleur du projet, le risque n’est pas établi et la gêne invoquée est limitée en raison de la nature des installations en cause ; que dans ces conditions, ledit projet, contrairement à ce que soutient la société E…, ne saurait être qualifié d’installation ou d’équipement public incompatible avec le voisinage des zones habitées ».

Ainsi, premièrement, ce jugement est intéressant en ce qu’il confirme la position déjà retenue par le juge administratif à l’égard d’une centrale photovoltaïque au sol en la qualifiant d’ « opération d’urbanisation » au sens de la Loi Montagne (voir TA Montpellier, 24 févr. 2011, n° 1002299, Préfet de l’Hérault ; TA Marseille 14 févr. 2011, M. Désiré H., n° 1002643 pour la même qualification, mais au sens de l’article L. 146-4 C. urb. c’es à dire au sens de la Loi Littoral) .

Rappelons qu’en matière d’éoliennes déjà, le Conseil d’Etat avait considéré qu’un parc éolien constituait une opération d’urbanisation au sens de la Loi Montagne (Conseil d’Etat, 16 juin 2010, n°311840, JurisData n° 2010-009418 ; AJDA 2010, p. 1892, note I. Michallet ; JCP A 2010, 2333, note J.-L. Maillot ; Dr. adm. 2010, comm. 151, note C.-A. Dubreuil ; RJEP 2011, comm. 4, note D. Guihal).

Cette qualification rend consécutivement opposable aux centrales photovoltaïques au sol et aux éoliennes les dispositions du III de l’article L145-3 du code de l’urbanisme (interdisant sous certaines exceptions la construction en dehors des bourgs, villages et hameaux).

Deuxièmement, dans cet arrêt et contrairement à l’interprétation que vient de retenir la Cour administrative d’appel de Marseille s’agissant de la centrale solaire, le Conseil d’Etat avait estimé que la construction du parc éolien pouvait déroger à la règle de l’urbanisme en continuité en tant qu’il constituait une « installation ou équipement public incompatible avec le voisinage des zones habitées » : « que, dans les circonstances de l’espèce, eu égard à son importance et à sa destination, le parc éolien en cause doit être regardé comme pouvant bénéficier de la dérogation prévue par ces dispositions ». Cette solution avait ensuite été confirmée (CE, 13 juill. 2012, n° 345970, Assoc. Engoulevent : JurisData n° 2012-015663).

En effet, l’arrêt de la Cour administrative de Marseille refuse de faire déroger la centrale solaire à la règle d’urbanisation en continuité dans les zones couvertes par la Loi Montagne en considérant :

  • d’abord que la qualification d’installations incompatibles avec le voisinage des zones habitées est une appréciation in concreto, au cas par cas.
  • ensuite qu’en l’espèce, l’incompatibilité n’est pas caractérisée car le risque pour la sécurité avancé par la société bénéficiaire n’est pas établi et que la gêne visuelle doit être relativisée « en raison de la nature des installations en cause » :

Cette position à l’égard des parcs photovoltaïques est relativement neuve et la jurisprudence étant peu fournie. Les décisions allant dans ce sens, qui sont toujours étroitement liées aux faits de l’espèce, sont rares (voir TA Toulon, 1er déc. 2011, n°091233 : AJDA 2012, p. 1297 qui a considéré qu’il n’y avait pas lieu de faire jouer la dérogation à la règle de continuité du fait de la faiblesse des nuisances).

Ces décisions de jurisprudence relatives à l’interprétation de la Loi Montagne à l’égard des installations de production d’électricité conduisent une partie de la doctrine à souhaiter une refonte du texte afin d’intégrer ces nouveaux enjeux. C’est là une piste à ne pas écarter tant il devient délicat pour les opérateurs solaires et éoliens, par le mille feuille législatif et réglementaire, d’identifier les parties du territoire pouvant (avant même les évaluations environnementales qui seront réalisées) accueillir ce type d’activités.

Il ne pourra qu’être conseillé pour l’heure de veiller en zone de montagne à l’implantation des centrales en respectant la règle de continuité avec les bourgs, hameaux et villages, à moins d’être en capacité de justifier avec des pièces concrètes et probantes l’incompatibilité avec le voisinage des zones habitées.

Cet arrêt de la CAA de Marseille se prononce également à la marge sur le respect du POS de la commune qui en l’espèce, imposant l’alimentation en eau potable. Contrairement à ce que soutenait le bénéficiaire, la Cour considère que la formulation du POS rend obligatoire l’alimentation en eau potable même si la présence humaine est limitée.

Le second arrêt de la CAA de Lyon, rendu le 25 mars 2014, se prononce également sur cette question s’agissant de serres photovoltaïques en zone NC (agricole).

  • Des serres agricoles mêmes couvertes de panneaux solaires constituent une construction nécessaire à l’activité agricole en zone NC d’un POS (CAA Lyon, 25 mars 2014)

Rappelons que les zones NC(sous l’ancien zonage des POS) sont des zones de richesses naturelles à protéger en raison notamment de la valeur agricole des terres ou de la richesse du sol ou du sous-sol. Ces zones sont en principe inconstructibles et réservées à l’exploitation des richesses naturelles du sol ou du sous-sol. Elles sont en majeure partie consacrées aux activités agricoles, et seules sont admises les constructions directement liées et nécessaires aux exploitations.

La question de la constructibilité des centrales photovoltaïques en zones NC est récurrente, mais les solutions données par la jurisprudence sont délicates à comparer tant l’appréciation se fait au cas par cas, sans compter que le document d’urbanisme peut adopter ses propres formulations.

Ainsi, la Cour administrative de Nantes avait déjà dans un arrêt du 25 octobre 2013 (voir notre article du 8 novembre 2013) considéré que les panneaux photovoltaïques pouvaient être considérés comme constructions ayant un « lien évident avec l’agriculture » en se fondant sur les deux indices suivants :

  • l’usage futur des serres, que la SCEA compte dédier à la production de pommes de terre et de tomates ;
  • mais surtout, l’intérêt économique que présenteront les panneaux solaires pour le fonctionnement de l’exploitation agricole.

En l’espèce, la CAA de Lyon (CAA Lyon, 25 mars 2014, n°11LY23465) rejoint cette interprétation à l’égard d’un permis de construire portant sur la réalisation de serres de production maraîchère d’une superficie totale de 2,5 hectares, recouvertes à hauteur de 40% de panneaux photovoltaïques et situées en zone NC du plan d’occupation des sols. L’électricité n’était pas destinée à être revendue en totalité (seulement au surplus), et c’est là un indice loin d’être anodin.

Le Tribunal administratif de Nîmes avait annulé en première instance le permis de construire en considérant que le projet ne pouvait être réalisé dans la zone NC alors même que le règlement y admettait « les serres de production ». La Cour censure le Tribunal et rappelle que « la présence de panneaux photovoltaïques n’est pas, par elle-même, de nature à modifier la destination agricole de ce bâtiment ». C’est effectivement un rappel utile car l’implantation d’une centrale en toiture d’un bâtiment agricole ne justifie pas à elle seule le projet… et les administrations doivent malheureusement souvent se le voir souligner.

Une fois ce rappel effectué, le juge administratif s’attache à analyser l’utilité des bâtiments pour l’exploitation agricole au regard des faits de l’espèce. C’est là un contrôle in concreto du « lien évident » ou de la « nécessité » pour l’activité agricole et la construction comportant une centrale photovoltaïque. En l’espèce, plusieurs circonstances ont joué en faveur de l’exploitant :

–        La destination agricole des serres : En l’espèce, les magistrats prennent la peine de rappeler que le titulaire du permis de construire est « agriculteur, et plus précisément maraîcher, depuis de nombreuse années », et que les serres sont destinées « à la production agricole, notamment de salades, fraises, melons, tomates, aubergines et poivrons ».

–        La production d’électricité est une activité annexe de l’activité agricole, cette dernière restant l’activité principale. En l’espèce, les panneaux photovoltaïques permettent l’alimentation en électricité de l’exploitation, et « seul le surplus [est] destiné à être revendu ».

Par précaution, il sera recommandé aux porteurs de projet de justifier dans leur dossier de permis de construire de la nécessité des bâtiments pour l’exploitation agricole, car la charge de la preuve leur incombe. Des pièces non exigées par le code de l’urbanisme sont parfaitement légitimes à être versées au dossier afin de caractériser l’utilité des constructions et éviter de se voir opposer un refus de permis qui, même illégal, retardera de plusieurs années la réalisation du projet.

Stéphanie Gandet- Avocat associé

Camille Colas- master droit de l’environnement

Green Law Avocat