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Par une question du 20 novembre 2012 (n°11575), Marie-Jo Zimmermann, députée UMP de la Moselle, a interrogé la Ministre de l’égalité des territoires et du logement sur la possibilité pour l’administration d’augmenter la distance d’éloignement autour d’une ferme malgré l’existence d’une carte communale. En effet, alors que ladite carte communale prévoyait une distance d’éloignement de 50 mètres, l’administration a décidé de la porter à 100 mètres au motif que l’exploitation agricole avait augmenté son nombre de bovins.

La question portait sur la régularité d’une telle modification : la députée s’étonnait ainsi qu’elle soit intervenue sans enquête publique ni consultation de la municipalité, et ce plus de deux ans après l’adoption de la carte communale.

Il n’est pas précisé quelle autorité administrative a procédé à la modification du périmètre de protection sanitaire. Toutefois,  l’allusion à l’augmentation du nombre d’animaux laisse penser que l’exploitation était soumise au régime ICPE. En effet, le type de réglementation s’appliquant aux installations d’élevage est déterminé en fonction de la quantité d’animaux présents sur le site.

Dans le cas d’espèce évoqué par Mme Zimmermann, il y a donc fort à parier que l’augmentation du nombre d’animaux a entrainé un changement de régime ICPE, en considération duquel le préfet aurait adopté des prescriptions complémentaires impliquant une modification de la distance d’éloignement.

C’est pourquoi la réponse de la Ministre revient sur l’articulation entre la réglementation ICPE ou le règlement sanitaire départemental (qui s’applique pour toute exploitation agricole comprenant moins de 50 bovins) et les documents d’urbanisme.

Elle rappelle tout d’abord que les prescriptions fixées par le RSD ou le préfet en matière d’ICPE font partie des éléments dont il est tenu compte lors de l’appréciation d’une demande de permis de construire. En effet, en application de l’article L. 111-3 du code rural, un principe de réciprocité s’applique en matière de distance d’implantation : l’exploitation agricole ne peut s’implanter à moins d’une certaine distance des habitations, et aucune nouvelle habitation ne peut ensuite être construite dans le même périmètre.

Par conséquent, si la distance d’éloignement fixée par ces dispositions est plus contraignante que celle résultant de documents d’urbanisme tels qu’une carte communale, le citoyen introduisant une demande de permis de construire une habitation peut se les voir opposer (CE, 7 janv. 2004, n°229101, Nouque).

Néanmoins, le principe d’indépendance des législations en matière d’urbanisme et d’installations classées, affirmé de manière constante par le Conseil d’Etat, implique que les prescriptions du RSD ou de l’arrêté ICPE ne s’imposent pas en tant que telles à l’autorité administrative lorsqu’elle établit les documents d’urbanisme. De même, les prescriptions urbanistiques desdits documents n’ont pas de caractère contraignant pour le préfet, qui peut tout à fait augmenter la distance d’implantation autour d’une exploitation agricole, en considération des risques qu’elle comporte.

L’apport de la réponse du 19 mars 2013 est de préciser que la commune peut traduire les conséquences d’une modification du périmètre de protection sanitaire par le préfet en modifiant ses documents d’urbanisme. Elle n’y est pas obligée, mais, comme le dit la Ministre, cela est « souhaitable », afin d’assurer une meilleure information des citoyens et une plus grande cohérence des différents régimes.

Il est intéressant de remarquer que l’article L. 124-2 du code de l’urbanisme impose déjà la compatibilité de la carte communale avec certaines normes supérieures, et prévoit que l’adoption ou la modification de l’un des documents qu’il énumère après l’entrée en vigueur de la carte communale doit entrainer la modification de cette dernière dans un délai de trois ans :

 « [les cartes communales] doivent être compatibles, s’il y a lieu, avec les dispositions du schéma de cohérence territoriale, du schéma de secteur, du schéma de mise en valeur de la mer, de la charte du parc naturel régional ou du parc national, ainsi que du plan de déplacements urbains et du programme local de l’habitat. Elles doivent également, s’il y a lieu, être compatibles avec les orientations fondamentales d’une gestion équilibrée de la ressource en eau et les objectifs de qualité et de quantité des eaux définis par les schémas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux en application de l’article L. 212-1 du code de l’environnement ainsi qu’avec les objectifs de protection définis par les schémas d’aménagement et de gestion des eaux en application de l’article L. 212-3 du même code. Lorsqu’un de ces documents est approuvé après l’approbation d’une carte communale, cette dernière doit, si nécessaire, être rendue compatible dans un délai de trois ans. »

La réponse ministérielle semble s’inspirer de ce mécanisme de compatibilité en recommandant la révision de la carte communale pour adapter les distances d’éloignement qu’elle prescrit autour des bâtiments agricoles à celles prescrites par le préfet en matière d’installations classées.

Lou DELDIQUE – Elève avocate chez Green Law avocat