CAA Douai 9 juillet 2015, req. n° 14DA01189 : non-lieu in extremis dans le contentieux ICPE

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Par Maître Yann BORREL

(Green Law Avocat)

Dans l’affaire qui a donné lieu à la décision commentée (CAA Douai 9 juillet 2015, société Esso raffinage, req. n° 14DA01189), l’exploitant d’une raffinerie pétrolière, qui est soumise à la législation relative aux ICPE, avait été mis en demeure par le préfet de remédier à un dysfonctionnement qui affectait une partie de ses installations.

Les faits retracés dans l’arrêt ne permettent pas de trancher clairement la question de savoir si ce dysfonctionnement a été corrigé avant ou après que l’exploitant a saisi le Tribunal administratif d’une requête de plein contentieux à l’encontre de l’arrêté de mise en demeure. Toujours est-il que c’est seulement après la clôture de l’instruction que le préfet a constaté que l’exploitant avait remédié au dysfonctionnement critiqué et s’était mis en conformité avec les prescriptions de son arrêté d’autorisation. Toutefois, c’est seulement la veille de l’audience que le préfet a pris un arrêté abrogeant la mise en demeure. Dans une note en délibéré enregistrée au greffe du Tribunal postérieurement à l’audience, le préfet s’est prévalu de son arrêté d’abrogation. Néanmoins, le Tribunal n’a pas tenu compte de ce nouvel élément et a censuré l’arrêté de mise en demeure, au lieu de prononcer un non-lieu.

Ce jugement a été annulé par la Cour administrative d’appel de Douai. Dans son arrêt, la Cour a jugé que la production par le Préfet de son arrêté d’abrogation dans la note en délibéré constitue une « circonstance de droit nouvelle dont le préfet de la Seine-Maritime n’était pas en mesure de faire état avant la clôture de l’instruction, [rendant] sans objet les conclusions de plein contentieux dirigées contre l’arrêté initial ; qu’au demeurant, le juge administratif est tenu de relever d’office le moyen tiré de ce que des conclusions sont devenues sans objet » (cf. considérant n° 5).

Cette solution s’inscrit dans le droit fil de la jurisprudence du Conseil d’Etat en matière de non-lieu dans le plein contentieux des ICPE. En effet, il est établi « qu’il appartient au juge de plein contentieux des installations classées de se prononcer sur l’étendue des obligations mises à la charge des exploitants par l’autorité compétente au regard des circonstances de fait et de droit existant à la date à laquelle il statue ; qu’il doit, à ce titre, prendre en compte tout acte intervenant en cours d’instance ayant pour objet de modifier ou compléter l’arrêté autorisant l’installation » (CE 21 juin 2013, communauté d’agglomération du pays de Martigues, req. n° 352427). Le Conseil d’Etat juge ainsi qu’il n’y a pas lieu à statuer sur le recours de l’exploitant en cas de recours contre les mesures édictées par le préfet à son encontre, dès lors qu’il est mis un terme à ces mesures (CE 31 mai 1989, société Corse de pyrotechnie Socopy, req. n° 76236 et 76500 ; CE 5 juillet 2006, Sarl Entreprise H. Olivo, req. n° 259061).

Au cas présent, la particularité de cette affaire tient au fait que l’arrêté abrogeant la mise en demeure est intervenu après la clôture de l’instruction : cette circonstance n’a pas été jugée dirimante par la Cour. En effet, le juge administratif est tenu de rouvrir l’instruction, notamment lorsque la note en délibéré contient l’exposé « d’une circonstance de droit nouvelle ou que le juge devrait relever d’office » (cf. CE 29 octobre 2008, Havard, req. n° 281844). La Cour a jugé que tel était le cas en l’espèce. C’est donc in extremis que le non-lieu a pu être prononcé. Ceci a eu, semble-t-il, une incidence sur le fait que l’exploitant n’a pas obtenu le remboursement des frais irrépétibles qu’il avait sollicité, la Cour ayant estimé que l’Etat n’est pas, dans la présente affaire, la partie perdante.

Moralité en contentieux des I.C.P.E. rien ne sert de courir il faut conclure à point …