bio fuel power plantPar deux arrêtés ministériels en date des 9 et 11 octobre, tous deux publiés au Journal officiel du 18 octobre, le Gouvernement revient sur le dispositif réglementaire applicable aux installations de cogénération de moins de 12 MW qui peuvent bénéficier de l’obligation d’achat d’électricité (régi par les arrêtés du 3 et du 31 juillet 2001 jusqu’à présent).

Comme nous l’évoquions dans un précédent article, la CRE avait considéré, dans sa délibération du 12 septembre, que ce nouveau régime présentait l’inconvénient de ne pas être applicable aux installations existantes et de proposer des tarifs d’achat trop élevés.

Elle avait également émis quelques réserves sur la légalité de certaines dispositions de l’article 6 du projet d’arrêté. Les problèmes suivants avaient notamment été relevés :

–        Les dispositions qui prévoient l’application par avenant des nouvelles conditions tarifaires aux installations de cogénération dont le récépissé de dépôt de demande complète de contrat d’achat a été délivré avant la date de publication des arrêtés (donc avant le 19 octobre) ne pourront pas s’appliquer, dans la mesure où le contrat d’achat n’est par définition pas encore conclu (il ne l’est qu’à la date de sa signature : code de l’énergie, art. L. 314-7) et ne peut donc être modifié !

 –        La CRE soulignait que le projet d’arrêté était incompatible avec l’article L. 314-2 du code de l’énergie, en ce qu’il prévoyait la conclusion de nouveaux contrats pour des installations à l’efficacité énergétique supérieure à 10 % et bénéficiant déjà d’un contrat d’achat en cours, alors que l’article L. 314-2 du code de l’énergie dispose que de telles installations ne peuvent bénéficier qu’une seule fois d’un contrat d’achat.

La version définitive de l’arrêté du 11 octobre 2013 ne tient compte que de certaines de ces observations.

En effet, la contradiction avec l’article L. 314-2 du code de l’énergie a par exemple été supprimée, conformément à ce que proposait la CRE.

Mais, alors que la délibération du 12 septembre 2013 dénonçait des tarifs d’achat trop élevés (« d’un point de vue qualitatif, et au vu de l’ensemble des éléments analysés, le tarif proposé dans le projet d’arrêté présente des modalités de détermination de la prime fixe et de la prime à l’efficacité énergétique qui ne permettent pas à la CRE d’écarter l’existence d’une rentabilité excessive. »), le Gouvernement ne les a pas modifiés.

De même, s’il avait été précisé que les installations pour lesquelles un contrat d’achat était déjà signé ne pourraient juridiquement pas bénéficier des nouvelles conditions d’achat, dans la mesure où, en application de l’article L. 121-28 du code de l’énergie, « seule une modification contractuelle liée à la variation des prix des combustibles peut être appliquée aux contrats d’achat en vigueur », ce point n’a pas été révisé non plus.

Sur le fond, les arrêtés adoptés concernent tant les nouvelles installations que celles bénéficiant déjà d’un contrat d’achat. Leurs conditions d’achat ne sont toutefois pas modifiées de manière uniforme :

  • En ce qui concerne les contrats existants, seules changent la rémunération du gaz et la prime à l’efficacité énergétique (la part fixe de la rémunération et la rémunération proportionnelle restent les mêmes) ;
  • En ce qui concerne les nouveaux contrats (c’est-à-dire ceux dont la demande complète est postérieure au 19 octobre 2013), le calcul de la prime fixe tient compte d’un coefficient d’efficacité énergétique et d’une nouvelle définition de la disponibilité moyenne.

 Concrètement, le nouveau dispositif introduit les changements suivants :

  • Le rendement de référence, jusqu’alors fixé à 54%, passe à 56% pour les nouveaux contrats. Il reste cependant identique pour ceux signés avant le 19 octobre 2013.
  • L’article 4 de l’arrêté du 11 octobre permet désormais  à l’exploitant de choisir entre trois modes de fonctionnement différents pendant l’hiver tarifaire (« continu semaine pleine », « continu jours ouvrés » et « mise à disposition du système électrique »), et de modifier ce choix mensuellement.

La délibération de la CRE précitée synthétise ainsi ces alternatives :

Mode Période d’appel Période pendant laquelle la   puissance électrique PGH est garantie
Continu semaine pleine continue hiver tarifaire
Continu jours ouvrés du lundi 8 h au vendredi 20 h jours ouvrés de l’hiver tarifaire
Mise à disposition du système   électrique décision de production prise par   l’acheteur pour 24 h minimum avec un préavis de 15 h

La durée de l’hiver tarifaire est elle aussi modifiée : elle s’étend désormais du 1er novembre au 1er avril. Mais « le producteur peut également choisir de faire débuter l’hiver tarifaire n’importe quel jour du mois de novembre et, de même, peut choisir de faire se terminer l’hiver tarifaire n’importe quel jour du mois de mars. » (Article 2 de l’arrêté 11 octobre).

  • Un  plafonnement de la composante « rémunération en fonction du prix du gaz » dans le calcul du prix de l’électricité produite est également prévu :

« Pour les installations fonctionnant en mode « continu semaine pleine » ou « continu jours ouvrés », la rémunération de la part gaz est plafonnée quotidiennement par une valeur définie mensuellement pendant la période d’hiver. Ce plafond est calculable deux mois à l’avance et s’applique à l’ensemble des kWh d’électricité produits. Il est destiné à éviter que les cogénérations ne continuent à produire alors que le coût de l’approvisionnement est bien supérieur au prix de marché de l’électricité.

Le plafond est calculé comme la somme du prix de l’électricité et d’un « stock de spread sur l’hiver ». Ce stock est crédité à 80 €/MWh en début de période hivernale, puis consommé et recalculé chaque mois en fonction de l’écart constaté entre les prix du gaz et de l’électricité. La valeur de 80 €/MWh a été définie de telle sorte que le mécanisme de plafonnement soit effectif dès que les valeurs de spread de prix observées en 2012/13, majorées de 25 %, sont atteintes.

En complément, une valeur plafond du spread a été fixée à 40 €/MWh. Si le plafond est atteint, les installations d’une puissance électrique maximale installée inférieure à 1 MW peuvent être arrêtées momentanément ou ne plus fonctionner qu’à des fins d’autoconsommation (ces heures ne sont alors pas intégrées dans le calcul de la disponibilité servant au calcul de la prime fixe). » (Délibération de le CRE du 12 septembre 2013)

  • En ce qui concerne l’efficacité énergétique, la CRE relevait qu’ « une application stricte de la directive « efficacité énergétique » adoptée en décembre 2012 rendrait inéligible à l’avenant toutes les installations dont l’efficacité énergétique (Ep) est inférieure à 10% ». Le nouvel arrêté ne prévoit toutefois l’application de ce seuil qu’aux nouvelles installations.

 

  • En ce qui concerne l’été tarifaire, il avait été observé qu’une cogénération fonctionnant pendant cette période « se voyait appliquer des conditions tarifaires très défavorables sur l’ensemble de l’année » (délibération de la CRE du 12 septembre 2013). Le nouveau dispositif supprime ce désavantage en modifiant la rémunération de la part gaz, et en appliquant aux heures d’été une rémunération égale au prix de règlement des écarts positifs, qui vaut généralement 80 à 90 % du prix spot.

Lou Deldique

Green Law Avocat