drowning man & rescuer with lifebuoyCe n’est pas une surprise. Comme attendu, le Conseil d’Etat a annulé par un arrêt du 28 mai 2014 (CE_n°28052014vent_de_colere)  sans modulation dans le temps et sur conclusions conformes du  Rapporteur public, l’arrêté ministériel  de 2008 régissant le tarif d’achat de l’électricité éolienne terrestre.

La Haute juridiction a estimé que le mécanisme de tarif d’achat constitue une aide d’Etat et aurait dû par conséquent être notifié à la Commission européenne. Et c’est en ces termes que le Conseil d’Etat rejette, en tant que « juge communtaire de droit commun »,  lié par l’interprétation préjudicielle sollicitée de la CJUE, la demande de modulation : « Considérant qu’aux points 38 à 44 de son arrêt du 19 décembre 2013, la Cour de justice de l’Union européenne, saisie de conclusions tendant à ce qu’elle limite dans le temps les effets de son arrêt, a jugé qu’il n’existait dans l’affaire qui lui était soumise aucun élément, notamment aucun risque de troubles graves, de nature à justifier une dérogation au principe selon lequel les effets d’un arrêt d’interprétation, tel que celui qu’elle a rendu, remontent à la date de l’entrée en vigueur de la règle interprétée ; que les arrêtés attaqués encourant l’annulation, ainsi qu’il a été dit, pour méconnaissance du droit de l’Union tel qu’interprété par la Cour dans ce même arrêt, le rejet des conclusions dont elle était saisie quant à une limitation dans le temps des effets de son arrêt fait obstacle à ce que le Conseil d’État accueille des conclusions de même nature, tendant à la limitation dans le temps des effets de cette annulation« .

Ce considérant n’explique sans doute pas à lui seul pourquoi l’arrêt sera publié au Recueil Lebon.

Certes on peut y déceler la volonté du Conseil d’Etat de respecter strictement la chose interprétée sur renvoi préjudiciel ; pour autant la Haute juridiction se garde bien de prendre position (certain diraient de se mouiller …) sur  la question par les opérateurs éoliens du remboursement à l’Etat des avantages financiers générés par la perception de l’aide sur la période 2008-2014 et jugée contraire au droit communautaire. Tout se passant ici comme si le Conseil d’Etat en posant à la CJUE la question de la qualification de l’aide s’est bien gardé de l’interroger sur le remboursement de ces avantages … La « loyauté » du Conseil d’Etat au droit communautaire rencontre peut-être ici ses limites au grand soulagement des uns et attisant sans doute la « Colère » des autres …

Si la Haute Juridiction a pris garde de ne pas « se mouiller » sur la question du remboursement des aides, la Commission de Régulation de l’Energie (CRE) a, en revanche, fait savoir dès la publication de l’arrêt du Conseil d’Etat le 28 mai 2014 que l’annulation du tarif d’achat éolien n’ouvrirait pas droit au remboursement de la CSPE [http://www.cre.fr/documents/deliberations/communication/cspe]. Cette question est un peu différente de celle du remboursement par les opérateurs éoliens, puisque certains ont cru pouvoir déduire de l’inconventionnalité de l’aide le caractère automatiquement remboursable de la CSPE. Nous ne partagions pas ce point de vue optimiste et de nature à grever de façon autrement plus importante les finances publiques… Or, la CRE a rappelé que, selon une jurisprudence constante, l’annulation d’une aide d’Etat n’entraîne pas l’annulation de l’impôt qui la finance lorsqu’il n’existe pas de lien d’affectation contraignant entre l’impôt et l’aide. Et d’après la CRE, ce lien d’affectation contraignant ferait défaut entre la CSPE et l’aide perçue par les opérateurs éoliens [cf., notre analyse sur ce point : [https://www.green-law-avocat.fr/aides-detat-commission-declare-nouveau-regime-national-daides-en-faveur-du-secteur-eolien-terrestre-compatible]

Reste donc au gouvernement à prendre le nouvel arrêté tarifaire attendu par la filière (cela devrait être le cas dans quelques jours, la CRE et le Conseil supérieur de l’énergie en étant déjà saisis : communiqué de presse de Mme Ségolène ROYAL) et à tirer seul les conséquences de l’arrêt d’annulation …

Yann BORREL et Neda ARMBRUSTER