Annulation d’un refus de PC : à quel moment faut-il confirmer sa demande ?

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Par Maître Lou DELDIQUE – GREEN LAW AVOCATS

L’article L. 600-2 du code de l’urbanisme permet au pétitionnaire qui a obtenu l’annulation d’un refus de permis illégal de bénéficier des règles de droit applicables à la date de la décision initiale, et donc d’être protégé d’une évolution défavorable de celles-ci. Ainsi, dans l’hypothèse où un PLU hostile au projet a été adopté en cours de procédure, ses dispositions ne pourront être opposées au pétitionnaire lorsque l’administration réexaminera sa demande.

Le bénéfice de l’article L. 600-2 est soumis à deux conditions :

  • La décision d’annulation du refus doit être devenue définitive (voir en ce sens : CAA Paris, 18 septembre 2008, n° 06PA01300) ;
  • Et le pétitionnaire doit avoir confirmé sa demande auprès de l’administration dans un délai de 6 mois suivant la notification de l’annulation (et ce, même lorsque le juge a enjoint à l’administration de restatuer: CAA Marseille, 29 janvier 2010, n°07MA04472 ; CAA Marseille, 18 octobre 2013, n°12MA02154 ; CAA Marseille, 26 mai 2014, n° 12MA00113)

La jurisprudence a déjà eu l’occasion de préciser qu’en cas de recours en cassation, ce n’est que lorsque le Conseil d’Etat statue que la décision d’annulation devient définitive, et qu’il est alors possible de confirmer la demande (CE, 4 mars 2009, n°319974 ; CAA Versailles, 21 février 2013, n° 11VE00937).

La décision commentée (CE, 8 juin 2016, n° 388740, consultable ici) précise cette règle.

En l’espèce, les deux refus de permis de construire opposés aux pétitionnaires en 2003 et 2004 avaient été annulés par la Cour administrative d’appel de Lyon en 2008. La commune avait alors introduit un pourvoi en cassation, que le Conseil d’Etat avait refusé d’admettre le 8 décembre de la même année.

Souhaitant bénéficier des dispositions de l’article L. 600-2, les pétitionnaires avaient confirmé leur demande près de 3 ans plus tard, en 2011 : le maire ayant refusé d’appliquer les règles en vigueur à la date de son premier refus, le litige avait de nouveau été porté devant les juridictions administratives.

Les requérants soutenaient que leur confirmation n’était pas tardive, dans la mesure où la décision de non admission du pourvoi ne leur avait pas été notifiée : en effet, l’article R. 822-3 du code de justice administrative prévoit que dans cette hypothèse, la décision n’est notifiée qu’au requérant, et non au pétitionnaire.

Le Conseil d’Etat écarte cette interprétation littérale de l’article L. 600-2 et précise qu’en cas de recours en cassation, le délai de six mois court :

  • à compter de la date de notification de la décision du Conseil d’État rendue sur ce pourvoi ;
  • ou, s’il s’agit d’une décision de refus d’admission, à compter de la date à laquelle cette décision est communiquée pour information au pétitionnaire par le secrétariat du contentieux du Conseil d’État.

«  Considérant qu’aux termes de l’article L. 600-2 du code de l’urbanisme :  » Lorsqu’un refus opposé à une demande d’autorisation d’occuper ou d’utiliser le sol ou l’opposition à une déclaration de travaux régies par le présent code a fait l’objet d’une annulation juridictionnelle, la demande d’autorisation ou la déclaration confirmée par l’intéressé ne peut faire l’objet d’un nouveau refus ou être assortie de prescriptions spéciales sur le fondement de dispositions d’urbanisme intervenues postérieurement à la date d’intervention de la décision annulée sous réserve que l’annulation soit devenue définitive et que la confirmation de la demande ou de la déclaration soit effectuée dans les six mois suivant la notification de l’annulation au pétitionnaire  » ; que le délai de six mois prévu par ces dispositions court, dans le cas où l’annulation prononcée a fait l’objet d’un pourvoi en cassation, à compter de la date de notification de la décision du Conseil d’Etat ou, s’agissant d’une décision de refus d’admission du pourvoi en cassation qui, en application de l’article R. 822-3 du code de justice administrative, n’a à être notifiée qu’au requérant ou à son mandataire, à compter de la date à laquelle cette décision est communiquée pour information au pétitionnaire par le secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat ; »

Cette précision est importante, car une réitération tardive ou prématurée est dépourvue d’effet (CAA Lyon, 4 décembre 2012, n° 11LY01893), et l’administration est alors fondée à appliquer les règles d’urbanisme intervenues postérieurement à la date du refus (CAA Marseille, 17 déc. 2010, n° 09MA00938 ; Rép. min. n° 15668 : JO Sénat Q, 30 déc. 2010, p. 3369).

Une question demeure toutefois : si la communication pour information n’est pas assurée par lettre recommandée, comment peut-on savoir à quelle date le pétionnaire a eu connaissance de la décision de non admission (voir sur cette question l’analyse de M. DECOUT-PAOLINI, RDI 2016, p. 427) ?

En l’espèce, la solution était évidente, puisque les requérants avaient fait état de la décision du Conseil d’Etat dans le cadre d’une autre instance début 2009, témoignant ainsi d’une connaissance acquise de celle-ci. Les juges du palais Royal ont donc retenu cette date comme point de départ du délai de six mois :

« Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la décision de refus d’admission du 8 décembre 2008 prévoyait qu’une copie serait adressée pour information aux consorts A…et que ceux-ci ont, par un bordereau d’envoi daté du 29 janvier suivant, produit cette décision devant le tribunal administratif de Lyon dans le cadre d’une autre instance ; qu’en déduisant de ces circonstances que la décision de refus d’admission du 8 décembre 2008 avait été adressée aux consorts A…au plus tard le 29 janvier 2009 et qu’ainsi ceux-ci, ayant confirmé leur demande de permis de construire plus de six mois après cette information, n’étaient pas fondés à invoquer le bénéfice des dispositions précitées de l’article L. 600-2 du code de l’urbanisme, la cour administrative d’appel de Lyon n’a pas commis d’erreur de droit ; »

On ne saurait donc que recommander au pétitionnaire informé de la non admission du pourvoi de la partie adverse de réitérer sa demande au plus vite. Ce d’autant qu’il est toujours possible pour l’autorité d’urbanisme de se prononcer avant que le pétitionnaire ait pu confirmer sa demande, et donc en appliquant les règles de droit applicables à la date de sa nouvelle décision. Dans cette dernière hypothèse, l’autorité doit alors réexaminer la demande une fois qu’elle a reçu la confirmation au titre de l’article L. 600-2, et retirer ou abroger sa première décision (CAA Marseille, 29 janvier 2010, n°07MA04472)CAA Nancy, 22 mai 2014, n° 13NC02025), mais bien souvent, le nouvel acte intervient après l’expiration du délai de recours ouvert contre le premier, ce qui contraint le pétitionnaire à multiplier les instances…et complique inutilement les choses.