« Alvéoles d’enfouissement » : soumission à la taxe foncière et exemption de CFE

CUBE 3D FISCALITE

Par

Maître Yann BORREL (Green Law Avocat)

Le jugement commenté intéressera sans aucun doute les exploitants d’installations de stockage de déchets ménagers, en raison des clarifications qu’il apporte sur le régime de taxation applicable aux alvéoles d’enfouissement (TA Nantes 5 décembre 2014, SAS CET Bouyer-Leroux, req. n° 1306572).

Dans cette décision, le Tribunal administratif de Nantes a, en effet, jugé :
– d’une part, que les alvéoles d’enfouissement sont soumises à la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) sur le fondement du 5° de l’article 1382 du code général des impôts ;
– d’autre part, qu’elles sont exclues de la base imposable pour la cotisation foncière des entreprises définie à l’article 1467 du code général des impôts.
En ce qui concerne la soumission des alvéoles d’enfouissement à la TFPB :

Cette solution n’est pas nouvelle. En effet, préalablement au jugement rendu par le Tribunal administratif de Nantes le 5 décembre 2014, le Conseil d’Etat avait jugé que les alvéoles d’enfouissement exploitées par la SAS CET Bouyer-Leroux au sein de son centre de stockage de déchets ménagers dans le Maine-et-Loire sont soumises à la TFPB en tant qu’elles constituent un « terrain non cultivé employé à un usage industriel » au sens des dispositions du 5° de l’article 1381 du code général des impôts (CE 28 mai 2014, société CET Bouyer-Leroux, req. n° 365651, considérant n° 7).

Aux termes de ces dispositions, sont soumis à la taxe foncière sur les propriétés bâties, « 5° Les terrains non cultivés employés à un usage commercial ou industriel, tels que chantiers, lieux de dépôt de marchandises et autres emplacements de même nature, soit que le propriétaire les occupe, soit qu’il les fasse occuper par d’autres à titre gratuit ou onéreux ». Pour retenir la qualification de « terrain non cultivé employé à un usage industriel », le Conseil d’Etat a considéré que l’exploitant « procède à l’étalement et au compactage de déchets ultimes de classe II, non dangereux, au sein de cavités creusées dans le sol dénommées « alvéoles d’enfouissement » ; que ces alvéoles sont constituées d’un lit de graviers drainants surmonté d’une couche d’argile et de terre, étanchéifiée par membranes et comportant des drains de captage des lixiviats et des biogaz qui sont ensuite traités ou éliminés ; qu’une fois comblées, ces alvéoles sont recouvertes d’une couche de terre étanche puis plantées de végétaux » (CE 28 mai 2014, société CET Bouyer-Leroux, précité, considérant n° 3).

Plus précisément, sont assujetties à la TFPB les parcelles d’un centre de stockage de déchets en cours d’enfouissement, mais également les parcelles comblées et recouvertes de végétation dès lors qu’elles n’ont pas été rendues disponibles pour un autre usage, les parcelles donnant lieu à excavation en vue d’y enfouir ultérieurement des déchets, les parcelles sur lesquelles l’enfouissement des déchets est interdit par arrêté préfectoral et les parcelles sur lesquelles des matériaux sont extraits en vue de permettre l’enfouissement ultérieur de déchets (CE 6 mars 2006, SA Géode foncière, req. n° 259156, concl. L. Olléon, BDCF 2006).

Dans le considérant n° 3 de son jugement, le Tribunal administratif a repris à la lettre le raisonnement suivi par le Conseil d’Etat dans son arrêt du 28 mai 2014 et a jugé que les alvéoles d’enfouissement sont soumises à la taxe foncière sur les propriétés bâties sur le fondement du 5° de l’article 1382 du code général des impôts (TA Nantes 5 décembre 2014, SAS CET Bouyer-Leroux, précité, considérant n° 3).

En ce qui concerne l’exclusion des alvéoles d’enfouissement de la base imposable pour la cotisation foncière des entreprise.

C’est sur ce point que le jugement est le plus intéressant. L’on sait qu’en vertu de l’article 1467 du code général des impôts, la cotisation foncière des entreprises a pour base la valeur locative des biens passibles d’une taxe foncière situés en France, à l’exclusion des biens exonérés de taxe foncière sur les propriétés bâties en vertu des 11°, 12° et 13° de l’article 1382. Le 11° de l’article 1382 du code général des impôts exonère de la TFPB les « outillages et autres installations et moyens matériels d’exploitation des établissements industriels à l’exclusion de ceux visés aux 1° et 2° de l’article 1381 », étant souligné que le 1° de l’article 1381 soumet à la TFPB « les installations destinées à abriter des personnes ou des biens ou à stocker des produits ainsi que les ouvrages en maçonnerie présentant le caractère de véritables constructions tels que, notamment, les cheminées d’usine, les réfrigérants atmosphériques, les formes de radoub, les ouvrages servant de support aux moyens matériels d’exploitation ».

Il ressort de l’arrêt précité du Conseil d’Etat que les alvéoles d’enfouissement exploitées par la SAS CET Bouyer-Leroux « ne sont pas des ouvrages en maçonnerie et ne sont destinées ni à abriter des biens, ni à stocker des produits, mais ont pour objet de favoriser la transformation par décomposition et méthanisation des déchets qui y sont enfouis ». Par conséquent, ces installations n’entrent pas dans le champ d’application du 1° de l’article 1381 et bénéficient de l’exonération prévue par le 11° de l’article 1382 (CE 28 mai 2014, société CET Bouyer-Leroux, précité, considérant n° 4 ; cf. également, CE 28 mai 2014, société ETARES, req. n° 361146).

Le Tribunal administratif de Nantes a ainsi jugé que la valeur locative des alvéoles d’enfouissement est exclue de la base imposable à la taxe foncière sur les propriétés bâties sur le fondement du 1° de l’article 1381 du code général des impôts et, par suite, de la base imposable à la cotisation foncière des entreprises définie à l’article 1467 du code général des impôts.