Action en démolition : validation du nouveau régime restrictif par le Conseil constitutionnel (Décision n°2017-672 QPC du 10 novembre 2017)

ブルドーザーが森林を伐採している様子Par Maître Lou DELDIQUE, Avocat of counsel – GREEN LAW AVOCATS (lou.deldique@green-law-avocat.fr), avec l’aide de Lucie Marin, juriste stagiaire

Par une décision en date du 10 novembre 2017 (Décision n°2017-672 QPC du 10 novembre 2017, consultable ici), le Conseil constitutionnel a validé le nouveau régime juridique de l’action en démolition d’une construction illégalement édifiée qu’avait instauré la Loi Macron en 2015.

Rappelons en effet que ce texte avait modifié l’article L. 480-13 du Code de l’urbanisme de manière à restreindre sensiblement les possibilités d’obtenir la démolition d’une construction érigée conformément à un permis de construire annulé par le juge administratif, puisqu’une telle action ne peut désormais plus être engagée que si la construction se situe dans une zone présentant un enjeu paysager ou écologique particulier (cœur de parc national, réserve naturelle, site Natura 2000, aire de mise en valeur de l’architecture et du patrimoine etc. ; voir notre analyse ici).

En l’espèce, des associations avaient obtenu l’annulation d’un permis de construire une maison à usage d’habitation ; elles avaient ensuite assigné le pétitionnaire en démolition, mais les nouvelles dispositions de l’article L. 480-13 leur avaient été opposées pour refuser une telle démolition.

C’est dans ce contexte qu’un débat s’était engagé sur la constitutionnalité de ce texte.

Les associations requérantes considéraient ainsi qu’en empêchant l’action en démolition sur la majeure partie du territoire national, l’article L. 480-13 méconnaissait :

  • Le droit pour les tiers d’obtenir la « réparation intégrale » du préjudice causé par une construction illégale ;
  • Le droit à un recours juridictionnel effectif ;
  • Le principe de contribution à la réparation des dommages causés à l’environnement garanti par les articles 1er et 4 de la Charte de l’environnement ;
  • L’obligation de vigilance à l’égard des atteintes à l’environnement découlant des articles 1er et 2 de la Charte de l’environnement.

 

Jugée sérieuse, la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) avait été transmise par la Cour de Cassation le 12 septembre 2017 (Civ. 3ème, 12 septembre 2017, n°17-40.046).

Le Conseil constitutionnel rejette toutefois l’ensemble des griefs formulés.

Ainsi, s’agissant en premier lieu du droit à réparation et du droit à un recours juridictionnel effectif, il estime :

  • « qu’en interdisant l’action en démolition en dehors des zones qu’il a limitativement retenues, le législateur a entendu réduire l’incertitude juridique pesant sur les projets de construction et prévenir les recours abusifs susceptibles de décourager les investissements » et qu’il a donc poursuivi un objectif d’intérêt général ;
  •  que l’action en démolition demeure recevable dans plusieurs cas (lorsque la construction se situe dans l’une des zones énumérées par l’article L. 480-13 ou « sur le fondement du droit commun de la responsabilité civile lorsque la construction a été édifiée sans permis de construire ou en méconnaissance du permis délivré, [ou] lorsqu’elle l’a été conformément à un tel permis en violation, non d’une règle d’urbanisme ou d’une servitude d’utilité publique, mais d’une règle de droit privé » ;
  •  qu’une indemnisation des préjudices subis est toujours envisageable, notamment en engageant la responsabilité du constructeur ou celle de l’administration qui a délivré l’autorisation illégale.

Il précise surtout que  la démolition de la construction illégale ne constitue pas une mesure d’exécution de la décision d’annulation du permis : « la décision d’annulation, par le juge administratif, d’un permis de construire pour excès de pouvoir ayant pour seul effet juridique de faire disparaître rétroactivement cette autorisation administrative, la démolition de la construction édifiée sur le fondement du permis annulé, qui constitue une mesure distincte, relevant d’une action spécifique devant le juge judiciaire, ne découle pas nécessairement d’une telle annulation. Les dispositions contestées ne portent donc aucune atteinte au droit d’obtenir l’exécution d’une décision de justice. »

S’agissant des principes consacrés par la Charte de l’environnement, la décision rappelle qu’il est toujours loisible au législateur de définir les conditions dans lesquelles une action en responsabilité peut être engagée sur le fondement de la violation de l’obligation de vigilance à l’égard des atteintes à l’environnement, à condition toutefois de ne pas dénaturer la portée de cette action.

En l’espèce, le Conseil constitutionnel reconnait qu’ « en limitant l’action en démolition aux seules zones énumérées au a à o du 1° de l’article L. 480-13 du code de l’urbanisme, le législateur a privé la personne lésée par une construction édifiée en dehors de ces zones, conformément à un permis de construire annulé, d’obtenir sa démolition sur ce fondement », mais il considère que cette limitation reste proportionnée, pour les raisons énoncées ci-dessus :

« Toutefois, d’une part, le législateur a veillé à ce que l’action en démolition demeure possible dans les zones présentant une importance particulière pour la protection de l’environnement. D’autre part, les dispositions contestées ne font pas obstacle aux autres actions en réparation, en nature ou sous forme indemnitaire, mentionnées aux paragraphes 10 et 11 de la présente décision. En déterminant ainsi les modalités de mise en œuvre de l’action en démolition, le législateur n’a pas porté atteinte aux droits et obligations qui résultent des articles 1er, 2 et 4 de la Charte de l’environnement. Par conséquent, les griefs tirés de la méconnaissance de ces articles doivent être écartés. »

Cette décision sera de nature à rassurer les pétitionnaires et les organismes de financement, qui hésitent encore trop souvent à engager les travaux lorsque le permis de construire fait l’objet d’un recours. Elle ne concerne pas seulement les maisons individuelles mais toute construction soumise à permis de construire (industrie, unité de production d’énergie, lotissement, etc…).

En effet, les possibilités de régularisation de vices non substantiels, comme les conditions strictes à remplir pour les opposants afin d’obtenir la démolition sont autant de signaux favorables pour lutter contre des recours dilatoires.