Photovoltaïque : une nouvelle étape en faveur de l’autoconsommation avec le projet d’ordonnance

Silvana ComugneroPar Stéphanie GANDET – avocat associé

Il est un fait que l’autoconsommation de l’électricité peine à se développer en France. Les freins sont multiples, mais le flou juridique est évidemment une cause de frilosité et d’insécurité pour les producteurs.

C’est dans ce contexte que la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte a, dans son article 119 I. 3° a autorisé le Gouvernement à prendre par ordonnance toute mesure afin de « mettre en place les mesures nécessaires à un développement maîtrisé et sécurisé des installations destinées à consommer tout ou partie de leur production électrique, comportant notamment la définition du régime de l’autoproduction et de l’autoconsommation, les conditions d’assujettissement de ces installations au tarif d’utilisation des réseaux publics de distribution d’électricité et le recours à des expérimentations » (loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte).

Une nouvelle étape est en passe d’être franchie avec le projet d’ordonnance relatif à l’autoconsommation qui a donné lieu respectivement à un avis du Conseil Supérieur de l’Energie et du Conseil d’Etat en juin dernier, et qui devrait paraître sous peu (en l’état, le projet est ainsi prévu: projet-ordonnance-autoconsommation-collective-turpe-cse).

L’autoconsommation y est définie comme « le fait, pour un producteur, de consommer lui-même et sur un même site tout ou partie de l’électricité produite par son installation » (futur article L 315-1 du code de l’énergie dans sa version prévue par le projet d’ordonnance).

Le projet d’ordonnance définit également l’autoconsommation collective comme étant la vente d’électricité effectuée entre un ou plusieurs consommateurs finals et un ou plusieurs producteurs, liés entre eux dans une structure pouvant prendre diverses formes, et dont les points de soutirage et d’injection sont situés sur une même antenne basse tension du réseau public de distribution (futur article L 315-2 du code l’énergie).

De premiers éléments existent déjà en droit positif, mais ils semblent partiels et non encore adaptés à la réalité technique et économique des installations pouvant s’inscrire dans un cadre d’autoconsommation. Ainsi, fiscalement, une exonération de TIFCE est prévue depuis la loi NOME et introduite à l’article 266 quinquies C du code des douanes ainsi rédigé: « « 5.L’électricité est exonérée de la taxe [TIFCE] mentionnée au 1 lorsqu’elle est […] 4° Produite par de petits producteurs d’électricité qui la consomment pour les besoins de leur activité. Sont considérées comme petits producteurs d’électricité les personnes qui exploitent des installations de production d’électricité dont la production annuelle n’excède pas 240 millions de kilowattheures par site de production ; »

De même, si le gestionnaire de réseau ENEDIS (ex-ERDF) a élaboré en mars 2016 un modèle de convention de raccordement pour des installations en autoconsommation totale (http://www.enedis.fr/actualites/une-convention-simplifiee-pour-lautoconsommation), il apparait que cette convention prévoit l’absence d’injection, alors qu’il est justement plus intéressant pour un certain nombre de centrales de pouvoir injecter le surplus.

Sur ce point, une réponse ministérielle n°21366 publiée hier 7 juillet 2016 rappelle l’engagement  du Gouvernement en faveur de l’autoconsommation :

« Le développement de l’autoconsommation est une priorité de la transition énergétique pour la croissance verte. L’article 119 de la loi transition énergétique a habilité le Gouvernement à légiférer par ordonnance pour « mettre en place les mesures nécessaires à un développement maîtrisé et sécurisé des installations destinées à consommer tout ou partie de leur production électrique ». Afin de simplifier les démarches pour les installations en autoconsommation et d’accélérer le développement de l’autoconsommation, le ministère de l’environnement, de l’énergie et de la mer, chargé des relations internationales sur le climat, a saisi le Conseil d’État sur un projet d’ordonnance qui crée un cadre et des mesures spécifiques pour l’autoconsommation. Cette ordonnance prévoit notamment une dérogation à l’obligation d’être rattachée à un périmètre d’équilibre pour les installations de petites tailles en autoconsommation avec injection du surplus. Grâce à cette nouvelle disposition législative, les petites installations pourront injecter sans dispositif de comptage leur surplus dans le réseau. Il va de soi que dans cette hypothèse, l’électricité ainsi injectée au réseau ne pourra être valorisée, et sera cédée gratuitement au gestionnaire du réseau. Dans ce cadre Enedis a revu, à la demande du ministère de l’environnement, de l’énergie et de la mer, les dispositions envisagées concernant le raccordement et l’injection des auto-producteurs. »

Le projet d’ordonnance opère des avancées sur plusieurs points.

Outre qu’il prévoit que la Commission de régulation de l’énergie établisse des tarifs spécifiques d’utilisation des réseaux publics d’électricité (« TURPE ») pour les consommateurs participant à des opérations d’autoconsommation individuelles ou collectives (article L 315-3 en projet du code de l’énergie),

  • le producteur en autoconsommation pourra compléter son alimentation en faisant appel au fournisseur de son choix (article L 315-4 du code de l’énergie en projet);
  • le producteur en autoconsommation pourra également, en cas de surplus (l’hypothèse n’est pas anodine) , injecter sur le réseau l’électricité en la vendant à un tiers, ou, à défaut, en la cédant gratuitement au gestionnaire du réseau public sur lequel il est raccordé. Cependant, cette possibilité ne sera permise que pour des installations d’une puissance ne dépassant pas un certain seuil, qui reste à définir (article L 315-5 du code de l’énergie en projet).

 

Des dispositifs contractuels inédits vont devoir être mis en place par les acteurs (producteurs et gestionnaires de réseaux en premier lieu), qui devront s’adapter au nouveau contexte réglementaire à venir avec les décrets d’application de l’ordonnance.