Energie: réforme du mécanisme de compensation de charges de service public de l’énergie (décret du 18 février 2016)

Silvana ComugneroPar Stéphanie Gandet- Green Law Avocats

Un décret du 18 février 2016, publié el 19 février, vient modifier les règles applicables au mécanisme de compensation des charges de service public en matière d’électricité et de gaz.

De façon laconique, le décret annonce venir « modifier les modalités de détermination des charges imputables aux missions de service public assignées aux entreprises des secteurs de l’électricité et du gaz, la procédure de fixation du montant des charges à compenser par opérateur ainsi que les modalités de versement des compensations aux opérateurs qui supportent ces charges ».

Cela intéressera indubitablement les différents opérateurs sur le marché de l’électricité et du gaz.

Pris après une délibération de la CRE du 27 janvier 2016 portant avis sur le projet de décret relatif à la compensation des charges de service public de l’énergie, le décret procède en réalité à une refonte d’une partie du code de l’énergie relative au mécanisme de compensation des charges. Ainsi, sur un plan réglementaire:

  • les sous-sections 1 et 2 de la section 2 du chapitre Ier du titre II du livre Ier deviennent respectivement les sous-sections 3 et 4 de la même section
  • et les articles R. 121-22 à D. 121-44 deviennent les articles R. 121-44 à D. 121-66.

Ce décret d’inscrit dans la ligne de la loi de finances pour 2015, qui a introduit une réforme de la fiscalité énergétique, portant notamment sur le financement des charges de service public de l’électricité et du gaz.

Le décret fait apparaître que les charges sont désormais intégrées au budget de l’Etat via la création d’un compte d’affectation spécial (CAS) « Transition énergétique » correspondant aux recettes et aux dépenses liées au développement des énergies renouvelables.

Ce compte regroupe une part du produit de la taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité (TICFE) qui a vocation à remplacer la contribution au service public de l’électricité (CSPE), due par les seuls consommateurs. Le taux de la TICFE, renommée « contribution au service public de l’électricité »,  est fixé à 22,5 euros/MWh pour l’année 2016.

Comme le rappelle la CRE dans sa délibération, la CSPE, la CTSS et la contribution biométhane sont supprimées pour les consommations postérieures au 31 décembre 2015 (sachant que les dispositions précédentes s’appliquent pour une période transitoire permettant de solder les recouvrements de ces contributions et les dispositifs d’exonération dont peuvent bénéficier les consommateurs au titre de 2015).

Ces suppressions sont compensées en 2016 par une redéfinition de la taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité (TICFE) et une augmentation de la taxe intérieure sur la consommation de gaz naturel (TICGN).

S’agissant de la TICFE, renommée « contribution au service public de l’électricité », son taux est fixé à 22,5 €/MWh pour l’année 2016 ; il correspond au niveau qui aurait été celui de la CSPE pour 2016 en l’absence de réforme et en l’absence d’arrêté fixant le niveau de la contribution unitaire à une valeur différente de celle calculée par la CRE dans sa délibération du 15 octobre 2015 (2). La TICFE est étendue à l’ensemble des consommations d’électricité (3). Les électro-intensifs bénéficient toutefois de taux réduits, de 0,5 à 7,5 €/MWh, en fonction (i) de leur électro-intensivité, exprimée par le ratio entre leur consommation annuelle et leur valeur ajoutée, et (ii) de leur exposition au risque de fuite carbone au sens des règles du marché européen des quotas d’émission de CO2. Son produit, diminué de 2,043 Mds € reversés au budget général de l’Etat, est affecté au CAS « transition énergétique ».
Le taux de la TICGN est fixé à 4,34 €/MWhPCS en 2016. 2,16 % de son produit est affecté au CAS.
Pour l’année 2017, la LFR 2015 prévoit une stabilisation du taux de la TICFE et une augmentation de la TICGN, de la taxe intérieure sur les produits énergétiques (TICPE), qui frappe les produits pétroliers, et de la taxe intérieure sur la consommation de charbon (TICC). En outre, elle prévoit l’affectation de tout ou partie du produit de ces taxes sur des énergies carbonées au CAS « transition énergétique » qui finance essentiellement les énergies renouvelables électriques.
Ces taxes sont recouvrées par les douanes et reversées sur le CAS ou au budget général de l’Etat, lequel, en lien avec la CDC, assure les versements de compensation aux opérateurs supportant des charges. La CRE n’interviendra donc plus dans les opérations de recouvrement et de compensation des opérateurs, dès lors que l’ensemble des opérations relatives aux consommations antérieures au 31 décembre 2015 auront été soldées.

Du point de vue des compétences, le décret procède également à quelques ajustements. Il réaffecte aux douanes les missions précédemment assumées par la Commission de régulation de l’énergie (CRE) en matière de recouvrement des contributions. Le reversement aux opérateurs supportant des charges revient à la Caisse des Dépôts.