Urbanisme : le permis obtenu par fraude peut être retiré sans délai (CE, 9 octobre 2017, n°398853)

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Par

Lou DELDIQUE (Green Law Avocats)

Par une récente décision (CE, 9 octobre 2017, n°398853, consultable ici), le Conseil d’Etat a précisé qu’un permis de construire obtenu par fraude pouvait être retiré à tout moment par l’administration.

En l’espèce, la société pétitionnaire avait déposé sa demande d’autorisation alors que la promesse de vente conclue avec le propriétaire du terrain en vue de la construction d’un immeuble était devenue caduque et qu’elle n’avait donc plus qualité pour ce faire. Le service instructeur n’ayant pas été informé de cette circonstance, le permis avait été délivré, puis retiré quelques mois plus tard.

Statuant en cassation sur le recours introduit à l’encontre de la décision de retrait, le Conseil d’Etat, après avoir rappelé qu’il n’appartient pas à l’autorité d’urbanisme de vérifier la qualité du pétitionnaire lorsque celui-ci dépose sa demande (C. Urb., art. R. 431-5 ; Rép. min. n° 51235 : JOAN Q, 6 juill. 2010, p. 7645 : voir par exemple : CE, 19 juin 2015, n° 368667 ; CE, 28 nov. 2014, n° 366103 ; CE, 17 oct. 2014, n° 360968 ; CE, 13 déc. 2013, n° 356097 ; CE, 15 févr. 2012, n° 333631 ;   CAA Marseille, 20 juin 2013, n° 11MA02050 ; CAA Lyon, 18 déc. 2012, n° 12LY00657), a dit pour droit :

  • Que « lorsque l’autorité saisie d’une demande de permis de construire vient à disposer, au moment où elle statue, sans avoir à procéder à une mesure d’instruction lui permettant de les recueillir, d’informations de nature à établir son caractère frauduleux, il lui revient de refuser la demande de permis pour ce motif » (voir aussi : CE, 23 mars 2015, n° 348261 ; CE, 19 juin 2015, n° 368667 ; CAA Douai, 2 juin 2016, n° 14DA00882

  • Et que « si postérieurement à la délivrance du permis de construire, l’administration a connaissance de nouveaux éléments établissant l’existence d’une fraude à la date de sa décision, elle peut légalement procéder à son retrait sans condition de délai ».

 

Enfin, La Haute juridiction précisé que la fraude doit être considérée comme caractérisée « lorsqu’il ressort des pièces du dossier que le pétitionnaire a eu l’intention de tromper l’administration sur sa qualité pour présenter la demande d’autorisation d’urbanisme ».

 

Or tel était bien le cas en l’espèce, puisque la société pétitionnaire savait, à la date du dépôt de la demande de permis de construire, que la promesse de vente dont elle était bénéficiaire était caduque et qu’une autre promesse avait été signée par le propriétaire avec une autre société : l’existence de la fraude était donc acquise (pour d’autres exemples de fraude reconnue par le juge administratif, voir : CE, 6 déc. 2013, n° 354703 ;  CE, 25 juill. 2013, n° 359652 ; CE, 6 juin 2014, n° 371097 ; CAA Marseille, 7 juill. 2014, n° 12MA04858).

 

Cette décision est intéressante parce qu’elle crée une exception à la règle posée par l’article L. 424-5 du code de l’urbanisme, qui prévoit que : « Le permis de construire, d’aménager ou de démolir, tacite ou explicite, ne peut être retiré que s’il est illégal et dans le délai de trois mois suivant la date de cette décision. Passé ce délai, le permis ne peut être retiré que sur demande explicite de son bénéficiaire ».

 

On ne manquera toutefois pas de relever que l’analyse du Conseil d’Etat est en adéquation avec les règles générales du retrait des actes administratifs (à savoir des actes autres que les autorisations d’urbanisme), puisque l’article L. 241-2 du code des relations entre le public et l’administration prévoit qu’ « un acte administratif unilatéral obtenu par fraude peut être à tout moment abrogé ou retiré », consacrant ainsi une ancienne jurisprudence du Conseil d’Etat (CE, 17 juin 1955, Silberstein, n°13558).

lou.deldique@green-law-avocat