Urbanisme, espaces remarquables du littoral : les travaux d’édification et de réfection de clôtures font partie des aménagements légers autorisés (CE 4 mai 2016, n° 376049)

White Sheep Jumping Over The FencePar Lou DELDIQUE (GREEN LAW AVOCAT)

Par une récente décision (CE 4 mai 2016, n°376049, consultable ici), le Conseil d’Etat propose une lecture extensive de l’ancien article L. 146-6 du code de l’urbanisme (actuels articles L. 121-23 et L. 121-24), assouplissant ainsi le régime d’inconstructibilité des espaces remarquables du littoral.

Rappelons en effet que dans ces espaces, soit dans les zones identifiées comme constituant des paysages remarquables ou caractéristiques du patrimoine naturel et culturel du littoral, seuls les aménagements légers sont autorisés.

Or aux termes de l’article R.121-5 du code de l’urbanisme (ancien article R. 146-2), sont considérés comme des aménagements légers :

  • Les cheminements piétonniers et cyclables et les sentes équestres ni cimentés, ni bitumés, les objets mobiliers destinés à l’accueil ou à l’information du public, les postes d’observation de la faune ainsi que les équipements démontables liés à l’hygiène et à la sécurité tels que les sanitaires et les postes de secours ;
  • Les aires de stationnement indispensables à la maîtrise de la fréquentation automobile et à la prévention de la dégradation de ces espaces par la résorption du stationnement irrégulier ;
  • La réfection des bâtiments existants et l’extension limitée des bâtiments et installations nécessaires à l’exercice d’activités économiques ;
  • Les aménagements nécessaires à l’exercice des activités agricoles, pastorales et forestières ;
  • Les constructions et aménagements exigeant la proximité immédiate de l’eau liés aux activités traditionnellement implantées dans les zones de pêche, de cultures marines ou lacustres, de conchyliculture, de saliculture et d’élevage d’ovins de prés salés ;
  • Les aménagements nécessaires à la gestion et à la remise en état de monuments historiques, de sites inscrits ou classés.

En l’espèce, une société avait déposé une déclaration préalable en vue de la réfection d’une clôture autour de sa propriété, située sur le territoire de la commune de Saint-Tropez. Le maire ne s’étant pas opposé à cette déclaration, la Préfet du Var avait déféré sa décision au Tribunal administratif de Toulon.

Les premiers juges, considérant que les travaux projetés n’entraient pas dans le champ d’application de l’article R. 146-2 précité, avaient alors annulé l’autorisation. Cette appréciation semblait tout à fait juste, puisque la liste des travaux autorisés semble limitative, mais le Conseil d’Etat a choisi de faire prévaloir une interprétation pragmatique et extensive de la Loi Littoral.

En effet, la Haute Juridiction a considéré que :  « les dispositions de l’article L. 146-6 du code de l’urbanisme, en vertu desquelles les décisions relatives à l’occupation et à l’utilisation des sols préservent les espaces terrestres et marins, sites et paysages remarquables ou caractéristiques du patrimoine naturel et culturel du littoral, ne s’opposent pas à ce que, eu égard à leur objet et à leur nature, des travaux d’édification et de réfection de clôtures, qui doivent faire l’objet d’une déclaration préalable dans les espaces remarquables en application des articles L. 421-4 et R. 421-12 du même code, soient autorisés dans ces espaces, alors même qu’ils ne sont pas mentionnés au nombre des  » aménagements légers  » prévus à l’article R. 146-2 du code ; ».

 

L’arrêt précise ensuite que la Loi Littoral impose seulement à l’administration de s’assurer si les travaux projetés ne sont pas de nature à porter atteinte au site :

« [considérant] qu’il résulte seulement des dispositions citées au point 3 qu’il appartient à l’autorité administrative saisie d’une déclaration préalable, d’apprécier si ces travaux ne dénaturent pas le caractère du site protégé, ne compromettent pas sa qualité architecturale et paysagère et ne portent pas atteinte à la préservation des milieux ; qu’en statuant ainsi qu’il l’a fait, le tribunal administratif a retenu une interprétation inexacte du champ d’application des dispositions combinées des articles L. 146-6 et R. 146-2 du code de l’urbanisme et commis une erreur de droit ; qu’il suit de là que, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens du pourvoi dirigés contre les motifs par lesquels le tribunal a statué sur la légalité de l’arrêté attaqué au regard de l’article L. 146-6 du code de l’urbanisme, la SARL Mericea est fondée à demander, dans cette mesure, l’annulation du jugement attaqué ; »

Cette décision est intéressante, car la liste de l’ancien article R. 146-2 était jusque-là considérée comme limitative : en effet, le Conseil d’Etat avait déjà jugé que des aménagements n’y figurant pas ne pouvaient être vus comme des aménagements légers au sens de la Loi Littoral (CE, 20 oct. 1995, n°151282 : cas d’une aire de jeu et de sports ; CE, 27 juin 2005, n° 256668 : BJDU 2005. 238, concl. Chavaux, obs. Touvet; AJDI 2006. 21, chron. Gilbert et Simonet : cas d’une aire de stationnement ; voir aussi CE 20 mai 2011, n° 325552).

Notons toutefois qu’un arrêt de 2013 avait précisé que des aménagements nécessaires à la lutte contre l’incendie pouvaient être autorisés (non mentionnés par le texte de l’article R. 146-2) :

« Considérant que, si les dispositions de l’article R. 146-2 du code de l’urbanisme ne mentionnent pas, parmi les aménagements légers pouvant être implantés dans les espaces remarquables protégés par les dispositions de l’article L. 146-6, les aménagements nécessaires à la lutte contre l’incendie, elles n’ont ni pour objet ni pour effet d’interdire la réalisation de tels aménagements, à la condition qu’il s’agisse d’aménagements légers strictement nécessaires à cette fin ; » (CE 6 févr. 2013, n° 348278: Lebon T. 717 ; Envir. 2013, n° 27, obs. Sousse; AJDA 2013. 324 ; BJDU 2013. 177, concl. Lambolez, obs. Trémeau.)

L’arrêt commenté s’inscrit donc dans la continuité de cette décision, et confirme la volonté du juge de faire prévaloir une lecture constructive des dispositions applicables aux espaces remarquables du littoral, qui ne sauraient avoir pour effet de faire obstacle à la préservation ou à la protection du site en figeant toute forme d’évolution.