SDAGE : le Conseil d’Etat valide la procédure de consultation du public prévue par le code de l’environnement (CE, 4 octobre 2017, n°412239)

Wassertropfen und Wellen mit grüner SpiegelungPar Me Lou Deldique, assistée de M. Maxence Temps (juriste stagiaire)

Le Conseil d’Etat a récemment refusé de transmettre une question prioritaire de constitutionnalité relative aux modalités de consultation du public dans le cadre de l’élaboration des schémas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) : il a en effet considéré que la procédure instaurée par l’article L.212-2 du code de l’environnement ne méconnaissait pas le droit à l’information ni le principe de participation du public et que la question n’était, dès lors, pas sérieuse (CE, 4 octobre 2017, n°412239, consultable ici).

En l’espèce, le comité de bassin Seine-Normandie avait, par une délibération du 5 novembre 2015, adopté le SDAGE du bassin de La Seine et des cours d’eau côtiers normands pour la période 2016-2021.

Cette décision avait été contestée par la Chambre départementale d’agriculture de Seine-et-Marne devant le Tribunal administratif de Paris.

Au cours de cette instance, l’organisme requérant a soulevé l’inconstitutionnalité des articles L.120-1 et L.212-2 du code de l’environnement au regard de l’article 7 de la charte de l’environnement. Il soutenait ainsi que la procédure de consultation du public définie par ces dispositions pour les SDAGE ne permettait pas la bonne information du public et ne mettait pas celui-ci en mesure de participer efficacement à l’élaboration du schéma, dans la mesure où le dossier soumis à consultation ne comprenait pas les avis des organismes dont la consultation est obligatoire.

En effet, dans sa version applicable au litige, l’article L. 212-2 prévoyait que le Comité de bassin (qui est l’organe en charge de l’élaboration du SDAGE) devait d’abord mettre le projet de schéma à la disposition du public, avant de consulter un certain nombre d’organismes (tels que le Comité national de l’eau, les conseils régionaux ou départementaux, les établissements publics territoriaux de bassin…) :

« Le comité de bassin organise la participation du public à l’élaboration du schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux. Un an au moins avant la date prévue de son entrée en vigueur, il met le projet de schéma directeur à la disposition du public, pendant une durée minimale de six mois, dans les préfectures, au siège de l’agence de l’eau du bassin et, éventuellement, par voie électronique, afin de recueillir ses observations. Les modalités de cette consultation sont portées à la connaissance du public quinze jours au moins avant le début de la mise à disposition du projet de schéma. / Le comité de bassin soumet le projet de schéma à l’avis du Comité national de l’eau, du Conseil supérieur de l’énergie, des conseils régionaux, des conseils départementaux, des établissements publics territoriaux de bassin, des chambres consulaires du Centre national de la propriété forestière, des organismes de gestion des parcs naturels régionaux et des établissements publics des parcs nationaux concernés. Ces avis sont réputés favorables s’ils ne sont pas rendus dans un délai de quatre mois suivant la transmission du projet. / Le comité de bassin peut modifier le projet pour tenir compte des avis et observations formulés »

Le public ne pouvait donc pas avoir connaissance des avis émis (en effet, contrairement aux schémas d’aménagement et de gestion des eaux (SAGE), les SDAGE ne font l’objet d’aucune enquête publique).

Saisi de cette question, le Tribunal administratif de Paris a accepté de transmettre la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) au Conseil d’Etat.

Rappelons que pour être transmise au Conseil constitutionnel, la QPC doit porter sur une disposition légale qui est applicable au litige et qui n’a pas encore été déclarée conforme à la Constitution. La question doit par ailleurs être sérieuse (article 61-1 de la Constitution).

En l’espèce, le Conseil d’Etat a considéré l’article L.212-2, ne méconnaissait pas le droit à l’information du public puisqu’il n’avait pas vocation à organiser l’accès du public aux avis émis par des instances ou organismes consulté.

 

Il a ensuite estimé que le principe de participation n’impliquait pas que la consultation du public intervienne après l’émission de ces avis :

« Considérant, d’autre part, que le droit du public de participer à l’élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement implique que la personne publique concernée mette à la disposition du public les éléments suffisants pour que la consultation puisse avoir lieu utilement ; qu’il n’impose pas que cette consultation ne puisse intervenir qu’une fois que tous les avis des instances techniques et scientifiques dont la consultation est obligatoire en vertu des textes aient nécessairement été rendus au préalable ; qu’ainsi, et eu égard à la marge d’appréciation dont dispose le législateur pour déterminer les modalités de mise en oeuvre de ce principe, les dispositions critiquées, en n’ayant pas imposé que la consultation du public n’intervienne qu’après que les organismes dont la consultation est obligatoire aient tous rendus leur avis, n’ont pas méconnu les dispositions de l’article 7 de la Charte de l’environnement ; que, par suite, la question soulevée, qui n’est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux ; »

 

Le Conseil d’Etat a donc considéré que la QPC ne présentait pas un caractère sérieux et il a refusé de la transmettre au Conseil Constitutionnel.

Notons que l’ordonnance n° 2016-1060 du 3 août 2016 a modifié l’article L. 212-2 du code de l’environnement et que celui-ci prévoit désormais que : « Le comité de bassin publie à l’issue de chaque phase de participation du public et au plus tard à la date d’adoption du schéma directeur, une synthèse des avis et observations recueillies et la manière dont il en a tenu compte. »