Raccordement : compte tenu de l’application d’une nouvelle DTR, une demande de raccordement peut être exclue de la file d’attente en cas d’annulation du permis de construire (Cordis, 28 nov. 2016)

Ticket de queuePar Stéphanie GANDET et Fanny ANGEVIN

Le Comité de règlement des différends et des sanctions (CoRDiS) de la Commission de régulation de l’énergie a rendu une décision intéressante en date du 28 novembre 2016 n°02-38-16 publiée au JO du 26 janvier 2017.

Plus précisément, le litige soumis au CoRDiS soulevait la question de l’exclusion de la liste d’attente au raccordement au réseau de distribution d’électricité compte tenu de l’annulation du permis de construire relatif au projet éolien.

En effet, dans cette affaire, trois sociétés porteuses de parc éolien, en attente de raccordement, ont vu leurs permis de construire annulés par le Tribunal administratif de Montpellier, puis par la Cour administrative de Marseille. Suite à ces annulations, la société ERDF (devenue ENEDIS, gestionnaire du réseau) a indiqué aux sociétés demanderesses qu’elle devait mettre un terme à leurs demandes de raccordement et les sortir de la file d’attente.

 

  • En premier lieu, le CoRDiS apporte un éclairage intéressant au sujet du maintien de certaines procédures de traitement des demandes de raccordement (appelées communément « DTR ») applicables à des projets faisant l’objet de modification

Le CoRDiS rappelle d’abord que « l’ensemble des règles appliquées par le gestionnaire de réseaux publics de distribution d’électricité, et notamment la procédure de traitement des demandes de raccordement applicable au projet du demandeur, doivent être portées à la connaissance des utilisateurs de ces réseaux. » et que « c’est à cette condition qu’ils pourront faire valoir leurs droits lors de l’établissement des conventions relatives à leur raccordement et accès aux réseaux ou pour leur interprétation. ».

Toutefois, le Comité précise que la procédure applicable au traitement d’une demande de raccordement est la procédure en vigueur lors de l’envoi au demandeur, par le gestionnaire de réseaux, d’une proposition technique et financière de raccordement.

Il s’appuie pour cela sur la décision du 25 avril 2013 de la Commission de régulation de l’énergie qui avait rappelé que « Dans chaque nouvelle procédure, les gestionnaires de réseaux publics de distribution précisent leur date d’entrée en vigueur. La procédure applicable au traitement d’une demande de raccordement est la procédure en vigueur lors de l’envoi au demandeur, par le gestionnaire de réseaux, d’une proposition technique et financière de raccordement ».

Il en déduit en l’espèce que la demande de modification d’une PTF après sa réception peut conduire à appliquer au projet une nouvelle procédure de raccordement.

Cette précision qui n’allait pas de soi peut donc conduire à l’application de nouvelles règles de maintien en file d’attente alors même que la première demande de PTF, et même la première PTF avant modification date de plusieurs mois avant l’entrée en vigueur de la DTR.

Et c’est exactement ce que les sociétés porteuses des projets éoliens vont subir par voie de conséquence.

  • En second lieu, après avoir retenu la nouvelle procédure de traitement des demandes applicable à la date de la PTF modifiée, le CoRDiS fait valoir, en ce qui concerne le maintien en file d’attente des projets des sociétés demanderesses, que selon l’article 7.3.2. de la procédure alors applicable :

« La capacité d’accueil est remise à disposition d’autres projets dans les cas suivants :

  • à l’initiative du demandeur, s’il abandonne le dossier,
  • le cas échéant, en cas de modification de la demande de raccordement selon les modalités définies au chapitre 10,
  • […],
  • en cas d’annulation de l’autorisation d’urbanisme ou de l’autorisation administrative ».

Cette règle n’était probablement pas existante dans la DTR invoquée et souhaitée par les sociétés éoliennes, ce qui explique que le débat se soit d’abord cristallisé sur la question de savoir si le gestionnaire pouvait appliquer une nouvelle DTR alors que la PTF avait simplement été modifiée.

Le CoRDiS constate alors ensuite que les permis de construire des sociétés demanderesses ont été annulés par le Tribunal administratif de Montpellier, dont le jugement aurait éét confirmé en appel. Le CoRDiS indique que :

« La circonstance qu’il ait été fait appel de ce jugement n’a pas pour conséquence d’en suspendre l’exécution. Au surplus, la cour administrative d’appel de Marseille a, le 28 novembre 2014, annulé le jugement du 22 novembre 2012, puis, statuant par la voie de l’évocation, a également annulé les arrêtés. »

En outre, il résulte de ces éléments selon le CoRDiS que :

« Dès lors, les sociétés demanderesses ne disposant plus de l’autorisation d’urbanisme permettant, au titre de la procédure de traitement des demandes de raccordement, de réserver de la puissance de raccordement, la société Enedis a retiré à juste titre de la file d’attente de raccordement les trois projets éoliens. »

  • L’affaire ne s’arrête pas là puisque le CoRDiS fait même jusqu’à considérer que la circonstance que le Conseil d’Etat ait par la suite annulé l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Marseille et renvoyé l’affaire devant la même Cour ne permet pas la réintégration des trois projets éoliens dans la file d’attente de raccordement en les traitant comme étant entrés et restés en file d’attente depuis le 28 mai 2010.

Cette décision nous parait extrêmement sévère dans le contexte présenté dans cette affaire.

En effet, les demandes de raccordement ont été exclues de file d’attente alors même que potentiellement, les sociétés demanderesses vont pouvoir obtenir la censure des décisions de justice ayant annulé leurs permis de construire, aux termes de plusieurs voie de recours.

Il est possible qu’un recours soit intenté contre cette décision ; dans cette hypothèse, l’appréciation de la Cour d’appel de PARIS sera particulièrement intéressante à analyser.