Projet de loi de finances pour 2018 : les mesures en matière de fiscalité écologique

Taxe carbone nuage motsPar Yann BORREL, avocat of Counsel (Green Law Avocats)

Selon le Ministre de la Transition Ecologique et Solidaire, le « budget 2018 marque la volonté du Gouvernement de mettre concrètement en œuvre le Plan climat. D’abord à travers la place donnée à la fiscalité verte, dont la part dans la fiscalité de l’Etat progresse, et qui constitue un instrument puissant de lutte contre les émissions de gaz à effet de serre (accélération de la trajectoire de la taxe carbone) et contre la pollution de l’air (rapprochement de la fiscalité du diesel et de l’essence) (Communiqué de présentation, Projet de loi finance pour 2018, 27 septembre 2017, p. 3, [consultable ici]).

 

Outre ces mesures de hausse fiscale qui s’inspirent du principe « pollueur-payeur » (1°), le Projet de loi de finances pour 2018 (P.L.F 2018) et plusieurs amendements à ce P.L.F qui ont été présentés devant l’Assemblée Nationale prévoient un renforcement des aides fiscales en faveur du développement durable (2°).

 

 

1°.     Les mesures de hausse fiscale s’inspirant du principe « pollueur-payeur »

i) La hausse du prix du carbone

 

Le P.L.F 2018 fixe le prix du carbone à 30,50 € en 2017, à 44,60 € en 2018, pour atteindre progressivement 86,20 € en 2022 (P.L.F 2018, art. 9 , p.42). En prévoyant cette hausse du prix carbone, le P.L.F 2018 poursuit et amplifie la « trajectoire carbone » qui a été adoptée dans le cadre de la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte. Aux termes de l’article 1-VIII de cette loi, le Gouvernement s’est fixé pour objectif, pour la composante carbone qui est intégrée aux tarifs des taxes intérieures sur la consommation des produits énergétiques (T.I.C.P.E), d’atteindre une valeur de la tonne carbone égale à 56 € en 2020 et à 100 € en 2030 (cf. loi n° 2015-992, art. 1er, VIII).

 

ii) Le rapprochement de la fiscalité de l’essence et du gazole

 

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Selon l’exposé des motif du P.L.F 2018, ce dernier prévoit une convergence de la fiscalité applicable au gazole et à l’essence en quatre années, soit à l’horizon 2021 (P.L.F 2018, art.9, p.42). Durant cette période, le P.L.F 2018 va porter les

T.I.C.P.E applicables à ces carburants au même niveau.

 

À ce titre, le communiqué de présentation du P.L.F 2018 précise que le rattrapage s’établit à hauteur de + 2,6 c€ / l par an sur le diesel (Communiqué de présentation, P.L.F 2018, p.20).  Ce communiqué souligne que cette mesure est justifiée par la nécessité de lutter contre la pollution de l’air qui contribue à plus de 48 000 décès prématurés en France, en incitant les français à évoluer vers des véhicules moins polluants.

Par ailleurs, l’exposé général des motifs du P.L.F 2018 prévoit que cette mesure contribue à fixer le signal prix de la consommation des produits énergétiques carbonés et, ainsi, à réduire les émissions « carbone », conformément aux engagements de la France, dans le contexte des accords de Paris.

 

iii) L’absence de réforme de la composante « déchets » de la T.G.A.P

 

Il est à noter que le P.L.F 2018 ne comporte aucune disposition concernant la composante « déchets » de la Taxe Générale sur les Activités Polluantes (T.G.A.P) « déchets », contrairement à ce qui avait été annoncé durant la campagne présidentielle. 

 

À ce sujet, l’association Réseau Action Climat France a précisé dans un communiqué que « les taux de TGAP ne sont pas modifiés » (http://www.wwf.fr/vous_informer/actualites/?uNewsID=13721). De son côté, l’association Zero Waste « déplore que le PLF fasse « l’impasse sur la fiscalité des déchets », ne contenant « aucune réforme » de la taxe générale sur les activités polluantes applicable aux décharges et incinérateurs, une réforme promise par le candidat Macron » (cf. http://www.lefigaro.fr/flash-eco/2017/09/27/97002-20170927FILWWW00354-des-ong-saluent-l-augmentation-de-la-fiscalite-ecologique.php).

 

Rappelons que dans son programme de campagne, Emmanuel Macron avait précisé viser « 100% de plastique recyclé sur tout le territoire » d’ici 2025, grâce à la modernisation des centres de tri par l’augmentation progressive de la taxe générale sur les activités polluantes (sur l’incinération et l’enfouissement) » .

 

Lors des premiers débats parlementaires, un député a proposé de revoir la T.G.A.P sur l’enfouissement et l’incinération à la hausse. L’amendement prévoyait une hausse brutale de la T.G.A.P de 42 €/t en 2018 à 70 €/t en 2025 tout en compensant cette hausse pour les collectivités par une baisse de la T.V.A sur la prévention, la collecte séparée, le tri, la valorisation matière et organique des déchets à partir du 1er décembre 2018 (cf. Amendement n°I-CF-560, Assemblée nationale, séance 11 octobre 2017 en Commission des finances, p. 26). Cet amendement a été rejeté en commission des finances. Le Rapporteur général a justifié ce rejet par la nécessité que les tarifs de la T.G.A.P, en hausse depuis la loi de finances pour 2017, restent stables pour assurer une « visibilité aux acteurs économiques » (cf. Assemblée nationale, Rapporteur général, séance 11 octobre 2017 en Commission des finances, p. 26). De plus, le Rapporteur général a souligné le fait que cette nouvelle hausse de la TGAP ne pourrait pas être compensée par une baisse de la T.V.A, puisque cette mesure ne profiterait qu’aux collectivités publiques et en aucun cas aux entreprises. Un autre amendement prévoyant une hausse plus modérée de la T.G.A.P. a également été rejeté (amendement, n°I-1119).

 

En revanche, les députés ont adopté un amendement visant à supprimer la T.G.A.P pour les Installations classées pour la protection de l’environnement (I.C.P.E) (amendement n°I-1358). Selon l’exposé des motifs de cet amendement, cette suppression se justifie au regard des considérations suivantes :

 

– tout d’abord, le montant de T.G.A.P recouvré est insuffisant (19 M€ pour l’année 2016 contre 25M€ en 2014),

 

– ensuite, et parallèlement, le recouvrement représente une charge administrative trop importante pour les D.R.E.A.L,

 

– enfin, cette taxation pénalise des projets de développement d’activités nouvelles qui mériteraient d’être encouragées du point de vue de la protection de l’environnement.

 

2°.     Un renforcement des aides fiscales en faveur du développement durable

 

Le P.L.F pour 2018 prévoit de renforcer les aides fiscales dans les domaines suivants :

  • la rénovation énergétique grâce à la prolongation du crédit d’impôt pour la transition énergétique (C.I.T.E)concept coût investissement protection nature
  • Les aides fiscales en faveur du « gaz naturel pour véhicules » (GNV) et de biométhane (bioGNV)
  • Le financement des énergies vertes par la contribution au service public de l’électricité (C.S.P.E)

i) La prolongation du C.I.T.E

 

Ainsi qu’il ressort du communiqué de présentation du P.L.F 2018, le P.L.F prévoit une prolongation du C.I.T.E jusqu’au 31 décembre 2018 (Communiqué de présentation P.L.F 2018, p. 16), afin « de maintenir un mécanisme public accompagnement des contribuables dans la décision d’engager des travaux de rénovation énergétique des logements » (P.L.F 2018, art. 8, , p.40). Après cette date, le communiqué précise que le C.I.T.E devrait être remplacé par une prime qui serait versée aux ménages dont les revenus sont les plus modestes et ce, dès les travaux achevés.

 

Par ailleurs, le communiqué de présentation du P.L.F précise que l’assiette du C.I.T.E serait élargie, puisqu’elle comprendrait « les frais d’audit et d’accompagnement, les coûts pour des prestations de raccordement aux réseaux de chaleur, afin de généraliser l’accès au conseil indispensable pour réduire la précarité énergétique et pour de soutenir le développement de la chaleur renouvelable collective ». 

 

A l’inverse, plusieurs dépenses de rénovation ne seraient plus éligibles au C.I.T.E telles que :

 

– le crédit d’impôt pour les dépenses d’acquisition de matériaux d’isolation thermique des parois vitrées, de volets isolants et de portes d’entrée donnant sur l’extérieur (P.L.F 2018, art. 8, p.40)

 

– les dépenses d’acquisition de chaudières à haute performance énergétique les plus carbonées, celles utilisant le fioul comme source d’énergie (P.L.F 2018, art. 8, p.40).

 

Selon le communiqué de présentation du P.L.F, le C.I.T.E devrait viser « les meilleurs effets leviers et le meilleur rapport coût-bénéfice, en particulier sur les travaux les plus efficaces en économie d’énergie (l’isolation des combles ou le changement de chaudière) », ainsi que « la chaleur renouvelable (bois, biomasse, géothermie, pompe à chaleur, solaire thermique, réseau de chaleur) et les chaudières gaz à condensation) ».

 

ii) Les aides fiscales en faveur du GNV et de bioGNV

 

Pour soutenir fiscalement les utilisateurs de GNV et de bioGNV, les députés ont décidé, par plusieurs amendements, de geler les tarifs de la taxe intérieure sur la consommation des produits énergétiques applicables au GNV et au bioGNV. (amendements n°I-97, I-267, I-371, I-1114 et I-1143). Selon l’exposé des motifs de l’amendement n°I-97, ce mécanisme devrait permettre au GNV et au bioGNV d’être plus compétitifs que le gazole et d’inciter notamment les conducteurs de poids lourds à utiliser ces gaz comme alternative au gazole.

 

Toujours en matière de GNV et de bio GNV, un premier amendement a été déposé à l’Assemblée Nationale afin de prolonger jusqu’en décembre 2019 le dispositif de suramortissement pour l’achat de véhicules de 3,5 tonnes et plus roulant au GNV et au BioGNV (amendement n°I-487). Selon l’exposé des motifs de cet amendement, l’objectif est de « favoriser l’investissement des entreprises de transport routier utilisant des véhicules au gaz naturel plus respectueuses de l’environnement et de la qualité de l’air ». Néanmoins, les députés ont finalement décidé de ne proroger ce dispositif que de décembre 2017 à décembre 2018 (Assemblée nationale, Deuxième séance publique, samedi 21 octobre 2017, amendement I-487 rect., p.50)

 

iii) Le financement des énergies vertes par la C.S.P.E 

 

Comme l’exposé des motifs du P.L.F 2018 le souligne, la France s’est engagée auprès de la Commission européenne à rendre le financement des mécanismes de soutien aux énergies renouvelables électriques compatible avec le droit de l’Union Européenne (P.L.F 2018, art. 23, p.93).

 

La réalisation de cet engagement implique que la C.S.P.E soit rendue compatible avec les stipulations du Traité sur le fonctionnement de l’Union Européenne interdisant l’instauration de taxes d’effet équivalent à un droit de douane (Traité sur le fonctionnement de l’Union Européenne (TFUE), art. 30 et 110). La compatibilité de la C.S.P.E avec les stipulations du T.F.U.E fait débat dans la mesure où cette contribution ne finance pas l’électricité verte importée, mais uniquement celle produite en France.

 

Pour couper court à ce débat, le P.L.F 2018 prévoit qu’une part de la C.S.P.E, soit 42,7 M€, sera consacrée au financement de projets de développement d’interconnexions, pour soutenir l’électricité verte importée. Le communiqué de présentation du P.L.F 2018 confirme que la manne générée par la C.S.P.E ne serait pas utilisée pour le financement des énergies renouvelables (E.N.R) (Communiqué de présentation , P.L.F 2018, p.6). Selon ce communiqué, le financement des E.N.R serait pris en charge par une part des taxes intérieures sur la consommation des énergies fossiles, afin de ne pas peser davantage sur les consommateurs d’électricité.

 yann.borrel@green-law-avocat.fr