Permis de construire, PLU et loi Littoral : le Conseil d’Etat donne le mode d’emploi (CE, 31 mars 2017, n° 392186)

Top View of Umbrellas in a Mediterranean French BeachPar Maître Lou DELDIQUE (Green Law Avocats)

lou.deldique@green-law-avocat.fr

Par un arrêt en date du 31 mars 2017 (CE, 31 mars 2017, n° 392186, consultable ici), le Conseil d’Etat rappelle que la loi Littoral est directement opposable aux autorisations d’urbanisme, et ce même en présence d’un PLU.

En l’espèce, le maire d’une commune littorale avait refusé de délivrer un permis de construire en invoquant l’incompatibilité du projet avec l’article L. 146-4, I du code de l’urbanisme (actuel article L. 121-8), qui pose la règle d’une urbanisation « soit en continuité avec les agglomérations et villages existants, soit en hameaux nouveaux intégrés à l’environnement » sur l’ensemble du territoire communal.

Considérant que cette disposition n’était pas applicable en raison de l’existence d’un PLU classant la parcelle d’implantation du projet en zone constructible, la société pétitionnaire avait porté le litige devant les juridictions administratives : sa demande avait toutefois été rejetée par le Tribunal administratif, puis par la Cour administrative d’appel.

Statuant en sa qualité de juge de cassation, le Conseil d’Etat a dit pour droit que :

  • la légalité d’une autorisation d’urbanisme doit être appréciée au regard des dispositions du code de l’urbanisme particulières au littoral (sauf si la commune est couverte par une directive territoriale d’aménagement (DTA) : dans cette hypothèse, c’est ce document qui doit prévaloir) ;
  • et que le respect des règles du PLU ne suffit pas à assurer cette légalité.

«  Il résulte de ces dispositions qu’il appartient à l’autorité administrative chargée de se prononcer sur une demande d’autorisation d’occupation ou d’utilisation du sol mentionnée au dernier alinéa de l’article L. 146-1 du code de l’urbanisme, de s’assurer, sous le contrôle du juge de l’excès de pouvoir, de la conformité du projet avec les dispositions du code de l’urbanisme particulières au littoral. Dans le cas où le territoire de la commune est couvert par une directive territoriale d’aménagement définie à l’article L. 111-1-1 du même code, ou par un document en tenant lieu, cette conformité doit s’apprécier au regard des éventuelles prescriptions édictées par ce document d’urbanisme, sous réserve que les dispositions qu’il comporte sur les modalités d’application des dispositions des articles L. 146-1 et suivants du code de l’urbanisme soient, d’une part, suffisamment précises et, d’autre part, compatibles avec ces mêmes dispositions.


Eu égard, d’une part, au seul rapport de compatibilité prévu par l’article L. 111-1-1 du code de l’urbanisme entre les documents d’urbanisme qu’il mentionne et entre ces documents et les règles spécifiques à l’aménagement et à la protection du littoral et, d’autre part, au rapport de conformité qui prévaut entre les décisions individuelles relatives à l’occupation ou à l’utilisation du sol et ces mêmes règles, la circonstance qu’une telle décision respecte les prescriptions du plan local d’urbanisme ne suffit pas à assurer sa légalité au regard des dispositions directement applicables des articles L. 146-1 et suivants de ce code.


Aux termes du I de l’article L. 146-4 du code de l’urbanisme, désormais repris à l’article L. 121-8 du même code :  » L’extension de l’urbanisation doit se réaliser soit en continuité avec les agglomérations et villages existants, soit en hameaux nouveaux intégrés à l’environnement (…) « . Il résulte de ces dispositions, éclairées par les travaux préparatoires de la loi du 3 janvier 1986 relative à l’aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral dont elles sont issues, que le plan local d’urbanisme d’une commune littorale peut prévoir l’extension de l’urbanisation soit en continuité avec les agglomérations et villages existants, c’est-à-dire avec les zones déjà urbanisées caractérisées par un nombre et une densité significatifs de constructions, soit en délimitant une zone destinée à l’accueil d’un hameau nouveau intégré à l’environnement. Toutefois, l’exigence de continuité étant directement applicable aux autorisations d’occupation ou d’utilisation du sol, l’autorité administrative qui se prononce sur une demande d’autorisation d’urbanisme dans une commune littorale doit vérifier, à moins que le terrain d’assiette du projet soit situé dans une zone destinée à l’accueil d’un hameau nouveau intégré à l’environnement, si, à la date à laquelle elle statue, l’opération envisagée est réalisée  » en continuité avec les agglomérations et villages existants « , et ce alors même que le plan local d’urbanisme, en compatibilité avec les orientations des schémas de cohérence territoriale et des schémas de secteur ou, en l’absence de ces schémas, avec les dispositions particulières au littoral du code de l’urbanisme, le cas échéant précisées, sous les réserves précédemment indiquées, par une directive territoriale d’aménagement ou par un document en tenant lieu, aurait ouvert à l’urbanisation la zone dans laquelle se situe le terrain d’assiette. »

En l’occurrence, le Conseil d’Etat relève que le terrain d’assiette du projet était situé à l’extrémité d’un lieu-dit composé d’un nombre limité de constructions et dépourvu de services ou d’équipements collectifs : il s’agissait donc d’un hameau et non d’un village. Par suite, la construction projetée ne pouvait être considérée comme s’inscrivant dans la continuité d’un village existant, ou dans un « hameau nouveau intégré à l’environnement » au sens de la loi Littoral, et le maire avait eu raison de refuser le permis.

Notons que cette décision marque l’abandon de la jurisprudence Commune de Porto-Vecchio (CE, 9 novembre 2015, n° 372531 ; voir aussi : CAA Marseille, 6 avril 2016, n°15MA03273 et 16MA00078), dont on avait pu déduire que le PLU faisait écran entre la loi Littoral et l’autorisation d’urbanisme (TA Grenoble, n° 1505405, 29 sept. 2016 ; TA Rennes, ord., 3 mai 2016, n° 1601541 ; voir aussi : obs. M. Revert sur CE, 12 oct. 2016, n° 387308, Lebon ; AJDA 2016. 1949 ; RDI 2016. 658, obs. P. Soler-Couteaux), sauf en cas d’incompatibilité du document d’urbanisme avec celle-ci   (TA Caen, 9 mars 2017, n° 1600161 ; TA Grenoble, 26 mai 2016, n° 1405832).

Certes, la solution du 31 mars 2017 a le mérite de réaffirmer la portée de la loi Littoral, et notamment de l’article L. 146-1 alinéa 5 du code de l’urbanisme (actuel article L. 121-3) qui précise qu’en l’absence de DTA, les dispositions spécifiques aux espaces littoraux sont applicables à toute personne « pour l’exécution de tous travaux, constructions, défrichements, plantations, aménagements, installations et travaux divers, la création de lotissements, l’ouverture de terrains de camping ou de stationnement de caravanes, l’établissement de clôtures, l’ouverture de carrières, la recherche et l’exploitation de minerais et les installations classées pour la protection de l’environnement » (sur ce point, voir : Pierre Soler-Couteaux, « Dans les communes littorales, la conformité des autorisations d’urbanisme au principe de continuité s’apprécie directement au regard des dispositions de la loi littoral », RDI 2017, p. 311).

Elle ne simplifie toutefois pas les choses pour le pétitionnaire, qui devra systématiquement vérifier que son projet respecte le document d’urbanisme et la loi Littoral, sans pouvoir présumer que le premier intègre les règles de la seconde…