Moulins et projet de loi « patrimoine » : le Sénat résolu à sauver les moulins remarquables

Angles-sur-l'Anglin2Par Yann BORREL

On se souvient que lors de l’examen en première lecture du projet de la loi relatif à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine (dit projet de loi Patrimioine), le Sénat avait adopté un amendement dans le but d’éviter que les moulins protégés pour leur intérêt patrimonial ne soient effacés en raison de l’application des règles relatives à la restauration de la continuité écologique des cours d’eau.

Aux termes de cet amendement, la préservation du patrimoine hydraulique protégé serait devenue l’un des objectifs de la gestion de la ressource en eau définis à l’article L. 211-1 du code de l’environnement.

Par ailleurs, cet amendement a prévu que les mesures prises au titre de la préservation et la restauration de la continuité écologique des cours d’eau, en application de l’article L. 214-17 du code de l’environnement devraient être mises en œuvre dans le respect des objectifs de protection, de conservation et de mise en valeur du patrimoine, notamment hydraulique, protégé (cf. amendement n° COM-301 présenté par Mme Férat, rapporteur).

Supprimée par les députés en seconde lecture fin mars, la disposition traitant de la gestion équilibrée de la ressource en eau a été réintroduite par un amendement adopté en Commission de la culture au Sénat. Précisément, cet amendement a introduit un paragraphe III à l’article L. 211-1 du code de l’environnement qui énonce que

« La gestion équilibrée de la ressource en eau ne fait pas obstacle à la préservation du patrimoine hydraulique, en particulier des moulins hydrauliques et de leurs dépendances, ouvrages aménagés pour l’utilisation de la force hydraulique des cours d’eau, des lacs et des mers, protégé soit au titre des monuments historiques, des abords ou des sites patrimoniaux remarquables en application du livre VI du code du patrimoine, soit en application de l’article L. 151-19 du code de l’urbanisme » (cf. amendement n° COM-124 présenté par Mme Férat, rapporteur).

Sont donc concernés, les moulins qui sont protégés :

  • soit au titre des monuments historiques, des abords ou des sites patrimoniaux remarquables en application des nouvelles dispositions du livre VI du code du patrimoine ;
  •  soit par les règlements des P.L.U., étant rappelé que ces règlements peuvent identifier et localiser les éléments de paysage et délimiter les quartiers, îlots, immeubles, espaces publics, monuments, sites et secteurs à protéger, à mettre en valeur ou à requalifier pour des motifs d’ordre culturel, historique ou architectural et définir, le cas échéant, les prescriptions de nature à assurer leur préservation (cf. C. urb., art. L. 151-19).

Selon l’exposé des motifs de l’amendement, compte tenu de l’imbrication entre le principe de la gestion équilibrée de la ressource en eau et celui de la restauration de la continuité écologique, il serait indispensable de modifier tout à la fois les articles L. 211-1 et l’article L. 214-17 du code de l’environnement, faute de quoi la conservation des moulins à eau présentant un intérêt patrimonial ne serait pas assurée.

Il n’est pas évident que cet important ajout qui a été apporté à l’article L. 211-1 du code de l’environnement soit entériné par la Commission Mixte Paritaire et figure dans la version de la loi qui sera définitivement adoptée. En effet, les deux Chambres ne sont pas d’accord sur la manière de concilier le principe de gestion équilibrée de la ressource en eau avec l’impératif de la préservation du patrimoine protégé. A ceci, pourrait s’ajouter une difficulté supplémentaire, d’ordre strictement juridique : elle tient à la compatibilité de ces nouvelles dispositions avec les objectifs poursuivis par la Directive Cadre sur l’Eau en matière de bon état écologique des milieux aquatiques et plus précisément, en matière de qualité hydromorphologique (cf. Dir. n° 2000/60/CE du 23 octobre 2000 établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l’eau).

Affaire à suivre, donc.