L’INSCRIPTION DE LA PRESERVATION DE L’ENVIRONNEMENT, DE LA BIODIVERSITE ET DU CLIMAT A L’ARTICLE 1ER DE LA CONSTITUTION

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Par Maître David DEHARBE (Green Law Avocats)

 

En mai dernier, le Gouvernement a présenté un projet de loi constitutionnelle « pour une démocratie plus représentative, responsable et efficace ». L’article 2 de ce projet de loi avait prévu d’inscrire « l’action contre les changements climatiques » au quinzième alinéa de l’article 34 de la Constitution (cf. L’inscription de l’action contre les changements climatiques à l’article 34 de la Constitution : simple révolution de papier ?).

 

Néanmoins, au cours des débats parlementaires, les députés ont fait évoluer le texte en faveur de l’inscription de la préservation de l’environnement, de la biodiversité et du climat à l’alinéa 1er du premier article de la Constitution. Dans sa version actuelle, cet alinéa dispose que « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. Son organisation est décentralisée ».

 

C’est ainsi qu’au début du mois de juin, la Commission du Développement Durable et de l’aménagement du territoire a adopté deux amendements identiques visant à inscrire la « préservation de l’environnement » à l’article 1er de la Constitution (cf. amendements n°CD38 et CD47) afin d’ériger cet objectif au rang de principe fondateur de notre République (cf. avis de la Commission du Développement Durable du 13 juin 2018, consultable ici). Par la suite, la Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République a adopté deux amendements (n°CL852 et CL1506) visant à étendre la portée de l’inscription à l’action de la France en faveur de « de la diversité biologique et contre le changement climatique » (cf. rapport du 4 juillet 2018, consultable ici). La Commission a adopté deux sous-amendements (n°CL1528 et CL1530) visant à modifier la formule « contre le changement climatique » au profit d’une formule au pluriel, afin de se conformer à la rédaction retenue par les textes de portée internationale qui écrivent en anglais « climate change », traduit en français par « changements climatiques », au pluriel. Dans le sillage de cette Commission, les députés ont adopté un amendement, au cours de la séance publique du 13 juillet 2018 (consultable ici), qui insère après la troisième phrase du premier alinéa de l’article 1er de la Constitution, la phrase ainsi rédigée : « Elle [La France] agit pour la préservation de l’environnement et de la diversité biologique et contre les changements climatiques » (cf. l’amendement n°328).

 

Il est permis de s’interroger sur la portée de cette inscription, dans l’hypothèse où elle serait retranscrite en l’état dans la loi qui sera adoptée. En effet, la détermination des principes fondamentaux de la préservation de l’environnement relève de la loi en vertu de l’article 34 de la Constitution (cf. décision n° 2008-211 L du 18 septembre 2008). A cet égard, il convient de rappeler que l’alinéa 1er du premier article de la Constitution énonce les grands principes sur lesquels la République française est fondée. De ce point de vue, l’inscription à cet alinéa de « la préservation de l’environnement et de la diversité biologique et contre les changements climatiques » aurait bien évidemment une portée symbolique, mais aussi, juridique.

 

En particulier, étant donné que cette inscription aurait pour effet de conférer une valeur constitutionnelle à la lutte contre les changements climatiques, le Conseil Constitutionnel aurait vocation à vérifier le respect de cet objectif par les dispositions qu’il serait appelé à contrôler, dans le cadre de son contrôle a priori, mais aussi, a posteriori. A cet égard, il convient de rappeler que les principes qui sont mentionnés à l’alinéa 1er du premier article de la Constitution sont repris dans la jurisprudence du Conseil Constitutionnel, y compris dans le cadre d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) (par exemple le principe de laïcité dans la décision n° 2012-297 QPC du 21 février 2013,qui le place au parmi les droits et libertés garantis par la Constitution).

 

Rappelons que lors de la séance des débats à l’Assemblée Nationale du 22 juillet 2018 (consultable ici), le Gouvernement a décidé de suspendre l’examen du texte jusqu’à nouvel ordre.

 

Affaire à suivre, donc.