Installations photovoltaïques / contrat de crédit affecté : la nullité du bon de commande ne peut être couverte par les événements intervenus postérieurement (CA Paris, 15 déc.2016)

The Signature of Business Contract on the green BackgroundPar Aurélien BOUDEWEEL – Green Law Avocats 

Par un arrêt en date du 15 décembre 2016, la Cour d’appel de PARIS (CA PARIS Pôle 4, chambre 9, 15 décembre 2016, n°15/07483) confirme un jugement de première instance qui prononce la nullité d’un contrat de crédit signé par les particuliers pour financer leur installation photovoltaïque peu importe que les consommateurs aient accepté les travaux ou signé l’attestation de fin de travaux.

Rappelons que le crédit affecté est celui qui est consenti par un organisme de crédit à un consommateur lors de la conclusion d’un contrat de vente ou prestation de services afin de financer cette opération commerciale.

Une double relation contractuelle se noue entre le professionnel, l’établissement de crédit et le consommateur : ces deux relations contractuelles sont interdépendantes aux termes des articles L. 311-30 et suivants du code de la consommation.

En l’espèce, un particulier avait commandé, après un démarchage par une société, la livraison et la pose d’un système solaire photovoltaïque. L’acquisition s’est opérée au moyen d’un contrat de crédit affecté.

Les particuliers avaient assigné la société installatrice de panneaux photovoltaïques, et la banque en vue d’obtenir l’annulation ou la résolution du contrat de crédit.

Saisie du litige, la juridiction de premier degré avait prononcé la nullité du contrat d’achat de l’installation photovoltaïque et le contrat de crédit affecté en découlant.

La Cour d’appel de PARIS confirme cette appréciation en jugeant :

« Considérant que la société BANQUE S. ne peut utilement soutenir que cette nullité relative aurait été couverte, du fait, d’une part, de la reproduction sur le document remis à madame R. des dispositions de l’article L123-23 du Code de la consommation ce qui lui aurait permis d’avoir connaissance du vice affectant ce contrat, et, d’autre part, de son intention de réparer le vice, intention qui se manifesterait par sa signature du bon de commande, le non exercice de son droit de rétractation, son acceptation de la livraison et de l’installation du matériel, comme la signature de l’attestation de fin de travaux’;

Qu’en effet, la reproduction de l’article L123-3 dans des caractères d’une taille qui les rends presque illisibles, non pas au-dessous du formulaire de rétractation, comme le soutient la société appelante, mais sans encadré et au milieu d’une page entièrement rédigée de textes dans les mêmes caractères de très petite taille, ne saurait permettre de considérer que madame R., consommateur profane, retraitée âgée de 72 ans vivant seule, aurait pu lui permettre de déceler les infractions commises à ces dispositions impératives’; qu’il en va de même de la mention, également rédigée en petit caractères, indiquant «’je déclare être d’accord et reconnais avoir pris connaissance des conditions générales de vente et des articles L121-23 à L121-26 du Code de la consommation’»’;

Que cette solution s’impose d’autant plus du fait de l’équivoque entretenue sur la réelle nature du document qu’elle signait indiquant en tête, en très gros caractères, la mention’: «’Demande de candidature au programme’: MAISON ECOLO’», équivoque confortée par la mention manuscrite ajouté dans la rubrique «’observations’»’: «’Sous réserve d’acceptation du programme  » maison verte » nul et caduc en cas de refus’», ce qui rend particulièrement crédibles les affirmations de madame R., aux termes desquelles elle indique avoir cru signer un dossier de candidature, et non un bon de commande, et que si sa candidature était retenue, l’installation serait gracieuse, puisqu’aucune modalité de règlement n’était indiquée’;

Que, dans ces conditions, en l’absence de connaissance exacte des vices affectant le contrat de vente, ni la signature du bon de commande, ni l’absence de rétractation, non plus que le fait de ne pas s’être opposée à la réalisation des travaux – ce que d’ailleurs elle affirme avoir fait, en vain compte tenu de son âge et des menaces proférées à son encontre – ou d’avoir signé l’attestation de fin de travaux, ne sont de nature à établir la volonté de couvrir la nullité du contrat’;

Considérant que c’est donc à juste titre que le tribunal a prononcé la nullité du contrat principal ainsi que celle du contrat de crédit affecté, qui y est attachée de plein droit en application des dispositions de l’article L.311-32 du Code de la consommation (…)».

Cet arrêt de la Cour d’appel de PARIS rappelle l’interdépendance du contrat principal et du contrat de crédit affecté.

Il confirme d’autres jurisprudences qui sanctionnent les irrégularités du bon de commande par une nullité juridique (CA DOUAI, 8ème chambre, 1ère section, 15 septembre 2016, n°15/06760, CA ORLEANS, chambre civile, 10 octobre 2016, n°15/01838).

On retiendra surtout que selon la Cour ne couvrent pas la nullité encourue en cas de non-respect des dispositions du Code de la consommation les arguments suivante :

  • L’absence de rétractation intervenue de la commande ;
  • La livraison de l’installation,
  • La réalisation des travaux,
  • La signature du PV de réception
  • Le paiement de l’installation.

Rappelons également que les contrats conclus à la suite d’un démarchage, comme en l’espèce, sont soumis à un formalisme encore plus protecteur du consommateur depuis l’adoption de l’ordonnance n°2016-301 du 14 mars 2016 et de son décret n°2016-884 du 29 juin 2016 qui sont venus réformer plusieurs dispositions du Code de la consommation.

On retiendra que le nouvel article L221-5 du code de la consommation (ancien article L121-21) prévoit que préalablement à la conclusion d’un contrat de vente ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes :

  • Les informations prévues aux articles L. 111-1 et L. 111-2 ; 2° Lorsque le droit de rétractation existe, les conditions, le délai et les modalités d’exercice de ce droit ainsi que le formulaire type de rétractation, dont les conditions de présentation et les mentions qu’il contient sont fixées par décret en Conseil d’Etat ;
  • Le cas échéant, le fait que le consommateur supporte les frais de renvoi du bien en cas de rétractation et, pour les contrats à distance, le coût de renvoi du bien lorsque celui-ci, en raison de sa nature, ne peut normalement être renvoyé par la poste ;
  • L’information sur l’obligation du consommateur de payer des frais lorsque celui-ci exerce son droit de rétractation d’un contrat de prestation de services, de distribution d’eau, de fourniture de gaz ou d’électricité et d’abonnement à un réseau de chauffage urbain dont il a demandé expressément l’exécution avant la fin du délai de rétractation ; ces frais sont calculés selon les modalités fixées à l’article L. 221-25 ;
  • Lorsque le droit de rétractation ne peut être exercé en application de l’article L. 221-28, l’information selon laquelle le consommateur ne bénéficie pas de ce droit ou, le cas échéant, les circonstances dans lesquelles le consommateur perd son droit de rétractation ;
  • Les informations relatives aux coordonnées du professionnel, le cas échéant aux coûts de l’utilisation de la technique de communication à distance, à l’existence de codes de bonne conduite, le cas échéant aux cautions et garanties, aux modalités de résiliation, aux modes de règlement des litiges et aux autres conditions contractuelles, dont la liste et le contenu sont fixés par décret en Conseil d’Etat.

Aux termes de l’article L221-18 du Code de la consommation le consommateur dispose dorénavant d’un délai de quatorze jours pour exercer son droit de rétractation d’un contrat conclu à distance, à la suite d’un démarchage téléphonique ou hors établissement, sans avoir à motiver sa décision.