C’est ce qu’a rappelé la Cour administrative d’appel de Bordeaux dans une décision du 24 janvier 2012 (CAA Bordeaux_5ème_chambre 24_01_2012_11BX00029).

 

En l’espèce, le requérant était un exploitant d’un élevage de gibier dont les voisins s’étaient plaint de le proximité avec leur habitation.

L’un des bâtiments d’élevage était en effet attenant à la maison d’habitation des riverains. L’Inspection des services vétérinaires, compétente en matière d’élevage, avati alors effectué une visite du site à la suite de laquelle un courrier de la directrice des services vétérinaires lui demandaitde mettre son exploitation en conformité, avant une certaine date, avec les dispositions de l’arrêté ministériel du 7 février 2005 fixant les distances minimales que doivent respecter les bâtiments d’élevage et leurs annexes à l’égard des habitations des tiers.

Un nouveau contrôle fut réalisé quelques semaines plus tard, qui montra que l’éloignement des animaux n’était pas réalisé comme l’exploitant semblait en avoir pris l’engagement. L’Inspection adressa alors un nouveau courrier qui, à lire la décision, contenait les mentions suivantes:

– le courrier rappelle que l’exploitant n’a pas respecté l’engagement qu’il avait pris de sortir, avant la date convenue, les oiseaux en démarrage du hangar litigieux,

– il prend acte à titre exceptionnel de ce retard,

– et invite l’exploitant à respecter les nouveaux délais qu’il a lui-même annoncés lors du contrôle.

– Mention importante: le courrier fait état de la possibilité de l’engagement ultérieur d’une procédure de mise en demeure et a été assorti de l’indication des délais et voies de recours,

 

C’est ce courrier que les exploitants ont attaqué devant le tribunal administratif de Pau tout d’abord, qui a rejeté leurdemande comme irrecevable au motif qu’elle constituait une mesure préparatoire ne faisant pas grief aux requérants.

La Cour administrative d’appel de Bordeaux, saisie en appel, confirme cette analyse, et juge que ce courrier « ne fait pas grief » aux exploitants:  

« Considérant que le courrier que la directrice départementale des services vétérinaires du Gers a adressé le 17 octobre 2008 à M. A se borne à constater que ce dernier n’a pas respecté l’engagement qu’il avait pris de sortir, avant la fin août ou le début de septembre 2008, les oiseaux en démarrage du hangar litigieux, prend acte à titre exceptionnel de ce retard, et invite l’exploitant à respecter les nouveaux délais qu’il a lui-même annoncés lors du contrôle ; qu’un tel courrier, même s’il fait état de la possibilité de l’engagement ultérieur d’une procédure de mise en demeure et s’il a été assorti de l’indication des délais et voies de recours, ne contient pas une décision faisant grief à M. A susceptible de faire l’objet d’un recours devant le tribunal administratif ; que, dans ces conditions, les époux A ne sont pas fondés à se plaindre du rejet pour irrecevabilité de leur demande de première instance » ;

 

Cet arrêt illustre l’analyse pragmatique du juge, qui ne s’attache pas aux dénominations d’un acte ni à ses mentions pour décider du régime juridique applicable. En l’espèce, ce que n’est pas parceque l’administration avait indiqué les voies et délais de recours que pour autant, le courrier était une « décision administrative » attaquable devant le juge administratif.

Au contraire, il s’interroge, même si cela aurait pu être plus explicite à la lecture de la décision, sur l’effet concret d’un tel courrier sur l’exploitant: ce courrier n’est pas une mise en demeure, il ne pourra fonder de sanction administrative en cas de méconnaissance, et le non respect de ce courrier ne constitue pas un délit comme l’est la méconnaissance d’un arrêté de mise en demeure une fois le délai imparti expiré.

Il faut donc toujours s’attacher à analyser les effets concrets de l’acte sur la situation juridique de l’itnéressé. Cette analyse peut être parfois malaisée, et il sera prudent, en cas de doute, d’introduire un recours par précaution, à défaut de rendre de l’acte définitif, et donc définitivement opposable.

Cette prudence est d’autant plus requise dans un domaine tel que celui de la police des ICPE où des échanges plus ou moins informels ont lieu entre exploitants et Inspection.

 

La Cour administrative d’appel de Bordeaux affine ici une jurisprudence en matière d’ICPE, marquée par le sceau du pragmatisme.

Le Tribunal administratif de Lille a par exemple, pour sa part, récemment annulé une télécopie du Secrétaire général d’une Préfecture annulant une réunion devant statuer sur la demande de modification de certaines prescriptions spéciales applicables à une installation classée. Or, cette décision a été fort justement vue comme l’arrêté par lequel le Préfet statue, conformément à l’article R512-52 du Code de l’environnement pour les installations déclarées, sur une demande de modification des prescriptions applicables… décision qui ne pouvait être prise qu’après consultation du CODERST, et non par simple télécopie sans autre formalité.

 

Stéphanie Gandet

Avocat au Barreau de Lille

Green Law Avocat