Création d’une ZAC et : attention aux avertissements de l’autorité environnementale sur la suffisance de l’étude d’impact! (TA Cergy-Pontoise, 6 mars 2018, n° 1610910)

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Par Maître Lou DELDIQUE, Avocat of counsel – GREEN LAW AVOCATS (lou.deldique@green-law-avocat.fr)

avec l’aide de Marine Geneau de Lamarlière, élève avocat

Par un récent jugement (TA Cergy-Pontoise, 6 mars 2018, n° 1610910, consultable ici: TA CERGY 6.03.18), le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé l’arrêté par lequel le Préfet du Val d’Oise avait approuvé la création de la ZAC dite du « Triangle de Gonesse ».

En effet, saisi d’un recours introduit par plusieurs associations de défense de l’environnement, le Tribunal a considéré que l’étude d’impact soumise au public était entachée d’insuffisances substantielles.

Rappelons que selon l’article R.122-5 du Code de l’environnement, l’étude d’impact décrit et analyse notamment :

  • le projet ;
  • l’état initial du site sur lequel celui-ci s’implante ;
  • les effets que ce projet est susceptible d’avoir ;
  • les mesures prévues pour éviter, réduire ou compenser les effets négatifs du projet sur l’environnement ou la santé humaine.

Le contenu de ce document doit par ailleurs être proportionné à la sensibilité environnementale de la zone, à l’importance et la nature des travaux, et à leurs incidences prévisibles sur l’environnement ou la santé humaine (voir par exemple : CE, 10 juill. 2006 n°289274 ou CE, 12 nov. 2007, n°296880).

Toutefois, par une jurisprudence bien établie, le Conseil d’Etat considère que « les inexactitudes, omissions ou insuffisances d’une étude d’impact ne sont susceptibles de vicier la procédure et donc d’entraîner l’illégalité de la décision prise au vu de cette étude que si elles ont pu avoir pour effet de nuire à l’information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l’autorité administrative » (CE, 14 oct. 2011, Société Ocreal, n° 323257)

 

 En l’espèce, plusieurs critiques adressées à l’étude d’impact par l’autorité environnementale avaient été reprises par les requérantes.

Le Tribunal a fait droit à l’argumentation de celles-ci en considérant que l’étude d’impact :

  • ne proposait pas d’analyse des apports d’énergie nécessaires ;
  • n’analysait pas suffisamment l’incidence du projet sur la qualité de l’air ;
  • n’évaluait pas les effets cumulés du projet avec celui de la création d’une nouvelle ligne de métro.

« Considérant, d’une part, qu’il ressort des pièces du dossier, que si l’étude d’impact analyse de manière complète les besoins énergétiques du projet, l’apport d’énergie nécessaire étant évalué de 29 à 82 GWh/an, le dossier ne précise pas de quelle façon cette production externe sera obtenue, alors que plusieurs installations de dimension importante seront très certainement nécessaires, ainsi que l’autorité environnementale l’a relevé dans son avis sur le projet litigieux en date du 2 mars 2016 ; qu’il apparait en outre, ainsi que le souligne l’autorité environnementale dans ses avis successifs, que les analyses de l’étude d’impact s’agissant de l’incidence du projet sur la qualité de l’air et, notamment, sur la question des émissions de CO2 induites par les déplacements de touristes par déplacements terrestres ou aériens, eu égard à la proximité de l’aéroport et dans la perspective de la création d’Europacity restent très insuffisantes ;

 

Considérant, d’autre part, qu’il ressort des pièces du dossier, ainsi que le met également en exergue l’autorité environnementale dans son avis actualisé du 22 mars 2017, rendu dans le cadre d’une procédure distincte, que l’étude d’impact n’a pas suffisamment procédé à l’évaluation des incidences environnementales du projet de zone d’aménagement concerté cumulées à celles des travaux de création de la ligne 17 du métropolitain, alors que ce dernier projet a lui-même fait l’objet d’une étude d’impact et que ces deux opérations d’aménagement sont liées, une station devant être construite au coeur de la zone ; que la circonstance que le calendrier de réalisation desdits travaux était incertain à la date de l’étude d’impact ne dispensait nullement le maître d’ouvrage d’apprécier ses effets potentiels cumulés à ceux des travaux de réalisation de la zone d’aménagement concerté litigieuse ; que la circonstance que ces carences soient pointées dans un avis réalisé postérieurement à l’étude d’impact n’interdit nullement au tribunal de le prendre en compte pour apprécier la suffisance de ladite étude ; »

Il a ensuite estimé qu’au regard de l’ampleur du projet, ces lacunes revêtaient nécessairement le caractère substantiel requis par la jurisprudence Ocreal :

 « Considérant que même si l’étude d’impact a été complétée à la suite de l’avis de l’autorité environnementale du 2 mars 2016, les réponses apportées ne permettent pas de pallier les lacunes relevées ; qu’eu égard à l’importance de l’impact potentiel sur l’environnement du projet litigieux, qui se traduit notamment par la suppression de 280 hectares de terres agricoles, les insuffisances de l’étude d’impact ont nécessairement, par leur importance et leur cumul, été de nature à nuire à l’information complète de la population et à exercer une influence sur la décision de l’autorité administrative ; »

Cette décision est intéressante car elle rappelle la nécessité pour le pétitionnaire de tenir compte des remarques de l’autorité environnementale mais aussi d’y répondre sans attendre de devoir le faire lors d’un contentieux (sur cette question, voir notre analyse ici).

Surtout, elle montre l’importance toute particulière que les juridictions administratives continuent à accorder à l’avis de celle-ci alors même que son fonctionnement est aujourd’hui remis en cause, dans certaines circonstances, par la jurisprudence du Conseil d’Etat (CE, 6 déc. 2017, n°400559, voir notre analyse ici).