Attention antenne relaisLes décisions autorisant l’implantation d’antenne-relais sont fréquemment déférées à la censure des juridictions administratives par des riverains inquiets de leurs effets sur la santé humaine. Toutefois, l’invocation du principe de précaution étant généralement vouée à l’échec en raison de l’extrême réticence des juges à l’égard de cette notion, c’est bien souvent sous l’angle du pur droit de l’urbanisme que ces recours aboutissent.

Une récente décision (jurisprudence cabinet) du Tribunal administratif de Lille (TA Lille, 4 juillet 2013, n°1006555) rappelle ainsi l’articulation entre les différents régimes d’autorisation auxquels les antennes-relais sont soumises, à savoir, pour les constructions nouvelles,  la déclaration préalable de travaux ou le permis de construire (Rép. min. no 1562 : JO Sénat Q, 27 août 2009, p. 2050 ; Rép. min. no 7026 : JO Sénat Q, 15 avr. 2010, p. 953).

Un opérateur de téléphonie mobile avait déposé une demande de déclaration préalable pour la construction d’un relais de téléphonie composé d’une antenne de 25 mètres de hauteur sur une dalle de béton de 3,5 mètres sur 4 mètres, et d’armoires techniques sur une dalle de béton de 4 mètres sur 4,2 mètres. L’autorité administrative ne s’y étant pas opposée, des riverains contestaient sa décision devant le Tribunal administratif.

Les requérants soutenaient notamment que la construction était trop importante pour pouvoir être dispensée de permis de construire. En effet, il résulte des dispositions de l’article R. 421-1 du code de l’urbanisme que seules les constructions nouvelles remplissant les conditions énoncées aux articles R. 421-9 à R. 421-12 du même code peuvent bénéficier du régime plus souple de la déclaration préalable. Or, dans sa version applicable au litige, l’article R. 421-9 prévoyait qu’une construction d’une hauteur supérieure à 12 mètres (ce qui était le cas en l’espèce) ne pouvait excéder une surface hors œuvre brute de 2 m2 sans qu’un permis de construire soit requis.

L’opérateur affirmait cependant que les constructions projetées (un pylône d’une part, et la dalle supportant les armoires techniques d’autre part) étaient divisibles, et qu’on ne pouvait donc cumuler leurs surfaces respectives pour vérifier si les conditions d’application de l’article R. 421-9 étaient réunies.

La juridiction a rejeté cette interprétation, dans la lignée d’un arrêt du Conseil d’Etat en date du 20 juin 2012 (CE, 20 juin 2012, n°344646), qui avait déjà jugé que le pylône supportant une antenne-relais et ses locaux techniques entretiennent un lien fonctionnel, et que leurs surfaces doivent donc être cumulées, dans la mesure où l’ensemble formé peut être regardé comme une construction unique :

 «  Considérant […] que les antennes relais de téléphonie mobile dont la hauteur est supérieure à douze mètres et dont les installations techniques nécessaires à leur fonctionnement entraînent la création d’une surface hors oeuvre brute de plus de deux mètres carrés n’entrent pas, dès lors qu’elles constituent entre elles un ensemble fonctionnel indissociable, dans le champ des exceptions prévues au a) et au c) de l’article R. 421-9 du code de l’urbanisme et doivent faire l’objet d’un permis de construire en vertu des articles L. 421-1 et R. 421-1 du même code ;

 Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Orange France a déposé une seule déclaration préalable à la mairie de Nîmes le 20 mars 2009 en vue de construire une antenne relais de téléphonie mobile composée, d’une part, d’un pylône de radiotéléphonie d’une hauteur de 18 mètres reposant sur une dalle enterrée d’une surface de 9 mètres carrés, et, d’autre part, d’installations techniques sur une dalle de béton clôturée de palissades en bois d’une surface de 10,5 mètres carrés ; que les surfaces de plancher cumulées du pylône et du local technique sont créatrices d’une surface hors œuvre brute supérieure à deux mètres carrés ; qu’en jugeant que la construction projetée relevait du régime de la déclaration préalable, aux motifs que la construction du pylône pouvait être dissociée de celle du local technique, que le pylône relevait du c) de l’article R. 421-9 du code de l’urbanisme, que le local technique relevait du a) du même article et que les dispositions de l’article R. 421-9 ne font pas obstacle à ce que, par une même déclaration préalable, l’autorité compétente autorise plusieurs constructions sur le fondement d’alinéas différents de cet article, sans rechercher s’il existait un lien fonctionnel entre les deux ouvrages leur conférant le caractère d’une seule construction pour l’application des dispositions du c ) de l’article R. 421-9 du code de l’urbanisme, le tribunal administratif de Nîmes a commis une erreur de droit ; que, dès lors, M. D. ET AUTRES sont fondés à demander, pour ce motif, l’annulation du jugement qu’ils attaquent » (CE, 20 juin 2012, n°344646)

Ainsi, après avoir relevé qu’un lien fonctionnel rendait l’antenne-relais indissociable des installations techniques prévues, et que la surface hors œuvre brute de l’ensemble ainsi formé excédait 2 m2, le Tribunal administratif a considéré que le projet aurait dû faire l’objet d’une demande de permis de construire. Par conséquent, la décision de non-opposition du Préfet du Nord était entachée d’illégalité (sur ce point, voir : CE, 24 mai 1993, n°110289 ; CAA  Lyon, 20 décembre 2001, n°96LY01298) :

«  Considérant […] que les antennes-relais de téléphonie mobile dont la hauteur est supérieure à douze mètres et dont les installations techniques nécessaires à leur fonctionnement entraînent la création d’une surface hors œuvre brute de plus de deux mètres carrés n’entrent pas, dès lors qu’elles constituent entre elles un ensemble fonctionnel indissociable, dans le champ d’application des exceptions prévues au a) et au c) de l’article R. 421-9 du code de l’urbanisme et doivent faire l’objet d’un permis de construire en vertu des articles L. 421-1 et R. 421-1 du même code ; qu’il ressort des pièces du dossier que la société X. a déposé une seule déclaration préalable à la mairie de Louvingies-Quesnoy en vue de construire une antenne-relais de téléphonie mobile composée, d’une part, d’un pylône de radiotéléphonie d’une hauteur de 25 mètres reposant sur une dalle enterrée, et, d’autre part, d’installations techniques sur une dalle de béton
avec clôture en pourtour du site ; que les surfaces de plancher cumulées du pylône et du local technique sont créatrices d’une surface hors œuvre brute supérieure à deux mètres carrés ; qu’en raison du lien fonctionnel entre les deux ouvrages, leur conférant le caractère d’une seule construction pour l’application des dispositions du c) de l’article R. 421-9 du code de l’urbanisme, Mme Y. et autres sont fondées à soutenir que les travaux projetés par la société X. ne relevaient pas du régime de la déclaration préalable ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que l’arrêté du 24 février 2009 par lequel le préfet du Nord ne s’est pas opposé à la déclaration préalable de travaux déposée par la société X. en vue de l’implantation d’un relais de radiotéléphonie sur le territoire de la commune de Louvingies-Quesnoy est entaché d’illégalité et doit, par suite, être annulé ; »

On notera que depuis le 1er mars 2012, date d’entrée en vigueur du décret n°2012-274 du 28 février 2012, les conditions à remplir pour pouvoir bénéficier du régime de la déclaration préalable ont changé : il ne s’agit aujourd’hui plus d’évaluer la surface hors œuvre brute, mais l’emprise au sol ou la surface de plancher, qui ne peuvent excéder cinq mètres carrés.

Aussi, ne peuvent désormais faire l’objet d’une déclaration préalable que les antennes-relais qui remplissent les critères cumulatifs suivants :

–     Ne pas dépasser 12 mètres de hauteur ;

–     Ne pas avoir une surface de plancher supérieure à 5 mètres carrés ;

–     Ne pas avoir une emprise au sol supérieure à 5 mètres carrés.

 

Le raisonnement tenu par la juridiction reste toutefois aisément transposable, et il y a fort à parier qu’elle aura bientôt l’occasion de faire application des nouvelles dispositions de l’article R. 421-9 dans des litiges relativement similaires : en effet, la mise en place du nouveau système de télécommunication GSM-Rail, qui implique notamment l’érection d’antennes-relais, vient juste de débuter dans la région Nord-Pas-de-Calais.

Lou DELDIQUE, Elève avocate (Green Law Avocat)