Un nouveau mode de financement des projets de méthanisation : le recours au financement participatif

action de groupePar Stéphanie Gandet- Avocat associé- Green Law Avocats

Avec l’aide de Franklin Lamouroux- stagiaire juriste

Dans sa politique de soutien aux déploiements des biomasses, le Ministère de la Transition Ecologique et Solidaire, par l’intermédiaire de son secrétaire d’Etat, annonçait en 2017 les prédictions intéressantes suivantes : « deux fois plus de centrales biométhanes en service d’ici la fin de l’année 2018 » (Les échos, Coralie Schaub, Gaz renouvelable : tous les feux sont au vert, 10 mai 2017).

Sans avoir à attendre cette déclaration, un grand nombre de projets commence à voir le jour.

Se pose alors la problématique du financement.

En effet, cette typologie de projet représente de lourds investissements de développement, d’études, de construction, et de raccordement. Monsieur Christophe Bellet, responsable projet Biométhane de GRDF, rappelle cette réalité qui pèse sur ces projets de « taille moyenne » nécessitant un raccordement de 3km pour un montant de 300 000 euros, soit 10 % de l’investissement initial de certains projets.

A l’aune de ces observations, le Ministère à la Transition Ecologique et Solidaire pose les jalons d’un nouveau cadre incitatif sur le plan financier.

 En 2018, un cadre règlementaire clair devrait voir le jour, notamment s’agissant de la prise en charge du coût du raccordement. Ainsi l’arrêté du 30 novembre 2017 relatif au niveau de prise en charge des coûts de raccordement à certains réseaux publics de distribution de gaz naturel des installations de production de biogaz, en application de l’article L. 452-1 du code de l’énergie prévoit que les coûts de raccordement des installations de production de biogaz aux réseaux publics de distribution de gaz naturel sont pris en charge à 40 % par les gestionnaires du réseau de distribution.

Cette disposition concerne les réseaux publics de distribution de gaz naturel dès lors que le distributeur alimente plus de 100 000 clients. Les gestionnaires de réseau concernés sont ceux de l’article L.111-61 du code de l’énergie et le raccordement de la commune doit avoir été fait avant 2003.

Une réfaction similaire est prévue pour le réseau de transport selon la délibération de la Commission de régulation de l’énergie du 14 décembre 2017.

Le financement à hauteur de 40 % des connexions au réseau offre la capacité d’améliorer le modèle économique ou la rentabilité du projet tel qu’initialement imaginé : c’est une nouvelle stimulante pour les acteurs du secteur.

Seulement, les nouveaux projets qui voient le jour souffrent toujours de leurs coûts et nécessitent, en dépit d’une aide de l’Etat importante, une autre source de financement. On observe donc chez certains acteurs un intérêt nouveau pour les modes de financement participatif.

  • Le financement participatif : un instrument récent adaptable et adapté aux besoins actuels

De nombreux acteurs du secteur vont donc chercher la contribution des épargnants, plus connue sous le nom de « crowfunding » ou financement participatif.

Ce mode alternatif de financement, dérogeant au monopole bancaire prévu à l’article L. 511-5 du code monétaire et financier, se définit comme « un mode de financement sans l’aide des acteurs traditionnels du financement, notamment bancaires, qui repose sur l’appel à un grand nombre de personnes pour financer un projet » (D. 2016, B. François, Admission sur les marchés financiers, offre au public de titres financiers, placement privé et financement participatif).

Après une crise des financements en 2008, le financement participatif a pu voir le jour grâce à la révolution numérique, au développement des réseaux sociaux et des communautés internet. Sa popularité croissante regroupe un certain nombre d’opérateur de plateformes collaboratives agissant en tant qu’intermédiaire en financement participatif ou conseiller en investissement participatif.

Cette activité de financement bénéficie, aujourd’hui, en France, d’un cadre normatif précis dans le code monétaire et financier suite à la loi d’habilitation n°2014-1 du 2 janvier 2014 (L. n°2014-1, 2 janv. 2014 habilitant le gouvernement à simplifier et sécuriser la vie des entreprises : JO  janv. 2014, p. 50), à une ordonnance n°2014-559 du 30 mai 2014 (Ord. n° 2014-559, 30 mai 2014 relative au financement participatif : JO 31 mai 2014, p. 9075) et son décret d’application n° 2014-1053 du 16 septembre 2014 (voir le commentaire de l’ACPR et de l’AMF du 30 septembre 2014).

L’ensemble du dispositif est entré en vigueur depuis le 1er octobre 2014 (D. n° 2014-1053, 16 sept. 2014 relatif au financement participatif : JO 17 sept. 2014).

Cette réglementation s’est donnée pour objectif de doter le financement participatif d’un cadre juridique censé assurer son développement dans des conditions sécurisées, le mot d’ordre étant la protection de l’investisseur.

La législation actuelle distingue donc aujourd’hui 5 types de « crowdfunding » :

  • le financement participatif par don (« donation-based crowdfunding »),
  • le financement participatif par récompense (ou don contre don) (« reward-based crowdfunding »),
  • le financement participatif par prêt (« debt-based crowdfunding »)
  • le financement participatif par souscription de titres (« equity-based crowdfunding »)
  • le financement par souscription de « minibons »

Ces financements se distinguent par la finalité recherchée.

En effet, Il reviendra à l’initiateur du projet de déterminer la nature de son besoin et l’urgence de celui-ci mais aussi, et surtout, la part que prendra cet investissement dans le cours de ces affaires.

Dans le premier cas de figure, l’obligation qui pèse sur la société à l’initiative de cette sollicitation des investisseurs est mince ; Il s’agit, ici, d’une simple donation du contributeur qui, dans un objectif non lucratif mais intéressé, contribue à un projet auquel il attache une valeur morale propre à ses intérêts. Cette typologie se distingue du financement par prêt qui, lui, tend à générer une obligation de remboursement, couplé ou non d’un intérêt, à la société initiatrice.

Bien que le taux d’intérêt reste plus favorable que celui déterminé par le marché bancaire, la somme prêtée demeure néanmoins plafonnée dans une certaine limite : le montant prêté ne peut excéder 1000 euros par prêteur et par projet lorsque le crédit est accordé à titre onéreux et 4000 euros lorsqu’il n’est pas stipulé d’intérêts. Il est en outre requis que les montants collectés reçoivent une utilisation précise consistant en « un achat ou un ensemble d’achats de biens ou de prestations de service concourant à la réalisation d’une opération prédéfinie en termes d’objet, de montant et de calendrier » (Ord. n° 2014-559, 30 mai 2014 relative au financement participatif : JO 31 mai 2014, p. 9075, art. 17), ce qui exclut les financements de trésorerie, de besoin de fonds de roulement, l’achat de stocks, ou le refinancement d’une dette contractée antérieurement.

Ce plafond contraignant, créé par le législateur, ne se retrouve pas dans le financement par souscription de titres.

Celui-ci offre donc aux sociétés en recherche de nouveaux investisseurs un financement intéressant. La prise en participation de ces sociétés/particuliers dans le capital social de la société porteuse peut se révéler d’une grande aide ; ainsi, dans le cadre de mécanismes classiques de droit des sociétés, rien n’empêche, par la suite, à cette société d’investir d’importantes sommes d’argent par le biais d’une convention de prêt d’actionnaire se matérialisant par une augmentation subséquente du compte courant d’actionnaire.

On obtient alors un spectre d’action plus important pour l’investisseur ainsi que pour la société qui, elle, pourra drainer des fonds plus importants pour son projet.

En marge de cette activité traditionnelle de prise de participation au capital sociale d’une société, est entré en vigueur depuis le 1er octobre 2016, un dispositif de souscription de « minibons » (Ord. n° 2016-520, 28 avr. 2016 : JO 29 avr. 2016).

Cette méthode de prêt, tombée en désuétude chez les commerçants, est relancée par les plateformes de crowdlending. Ces « minibons » permettent d’ouvrir le financement de projets par opération de prêt tant aux personnes physiques qu’aux sociétés, sans qu’une affectation des fonds levés à un projet déterminé ne soit exigée et, sans qu’il y est besoin de limiter, dans une certaine mesure, le montant prêté par projet et par prêteur. La présente ordonnance a ainsi introduit aux articles L. 511-6 et L. 511-7 du Code monétaire et financier deux nouvelles dérogations au monopole bancaire.

Les investisseurs concernés par la souscription de « minibons » sont des personnes physiques agissant à des fins non professionnelles ou commerciales, ou des sociétés agissant à titre accessoire. Par cette Ordonnance, le législateur inclut dorénavant la possibilité aux plateformes de « crowdlending » de pouvoir émettre des bons de souscriptions sans limite d’un plafond commun ; l’objectif du législateur étant de limiter la souscription au regard de l’activité des investisseur – celui se plafonnant  à un million d’euros. Ce plafonnement étant largement discuté, il devrait faire l’objet d’un décret d’application postérieur le révisant.

Un léger bémol ressort cependant de cette méthode de financement. La maturité de ces bons, limitée à 5 ans, augmente l’exposition du sponsor du projet. En effet, il ne percevra des revenus que beaucoup plus tard, son investissement dans le projet est ainsi freiné et certains investisseurs, friands d’une participation plus généreuse, se détourneront de cette approche.

  • L’essor de nouvelles plateformes adaptées aux besoins des projets de méthanisation en cours

Cette nouvelle capacité de financement offre aux porteurs de projet de production d’énergie des perspectives intéressantes en ce qu’elle permet aux sociétés de s’inscrire dans une démarche d’intérêt général et solidaire.

En ligne directe avec ce qui précède, certaines plateformes, labélisées « conseiller en financement participatif » par l’AMF (CIP), proposent aux porteurs de projet – comme c’est le cas ici – de regrouper l’effort des épargnants au sein d’un même carrefour. L’intérêt de ces plateformes réside alors dans la pluralité des services qu’elles offrent autant aux investisseurs qu’aux initiateurs du projet.

La société Lendosphère par exemple, plateforme prépondérante dans le secteur du financement participatif dédiée aux énergies renouvelables, s’impose aujourd’hui sur ce secteur donné avec une offre multiple ainsi qu’une activité de conseil appropriée aux projets qui lui sont présentés. Ces activités se tournent autant vers le crowdfunding que le crowdlending, dans laquelle elle compte une autre gamme de financement depuis peu : la souscription de « minibon ».

Comme on le voit aujourd’hui avec des projets comme celui du biogaz Arsème, à Montaut (Greenunivers, J.-P Pié, Le financement participatif fait son entrée dans la méthanisation, 6 novembre 2017), le choix de l’intermédiaire en financement participatif nécessite une réflexion mûre et avertie. L’intérêt pour les porteurs de ces projets est de s’orienter vers la plateforme conseillère la plus à même d’orienter sa demande de financement.

Dans le cadre du projet mentionné, les porteurs du projet se proposent ici de découper le financement en plusieurs étapes clés. Dans un premier temps, la sollicitation de l’aide populaire concerne uniquement son raccordement au réseau de Transport Infrastructures Gaz France (TIGF), nécessaire à la société, afin de lancer son activité. Son coût est important puisque cette première étape de financement se monte à pas moins de 800.000 €.

Dans un souci de protection des prêteurs, le législateur invite les porteurs de projet, par la multitude de type de financements offerts, à diversifier leurs financements. C’est donc aux plateformes et aux conseilleurs financiers d’amener les opérateurs à effectuer le meilleur choix possible.

Cette popularité croissante des projets dans le cadre des énergies renouvelables conduit donc de nombreux acteurs sur le marché à initier des projets sur ce mode de financement. Ainsi, il ne fait donc aucun doute que l’implication de la société civile par le biais du financement participatif présente un potentiel très important dans ces secteurs de production d’énergie, et notamment dans le secteur de la méthanisation.