Autorisation environnementale : ce qui change pour les projets éoliens (Ordonnance du 27 janvier 2017)

Silhouette WindrderPar Lou DELDIQUE – GREEN LAW AVOCATS

Bien que les éoliennes soient particulièrement concernées par le nouveau régime de l’autorisation environnementale unique, il n’est pas évident, à la lecture de l’ordonnance et des décrets du 26 janvier 2017, d’identifier clairement les changements à prévoir.

C’est pourquoi nous avons recensé les différents impacts de la nouvelle réglementation sur les projets de parcs éoliens on shore.

Bien-sûr, le changement le plus important est la dispense de permis de construire prévue par le nouvel article R. 425-29-2 du code de l’urbanisme.

En effet, contrairement à ce qui était prévu pour les autorisations uniques délivrées sous l’empire du régime expérimental résultant de l’ordonnance n°2014-355 du 20 mars 2014, la nouvelle autorisation environnementale ne vaut plus permis de construire pour les éoliennes. Elle ne regroupe désormais que les autorisations suivantes :

–        L’autorisation ICPE ;

–        Les autorisations ou dérogations nécessaires au titre des espèces protégées ;

–        L’autorisation de défrichement prévue par le code forestier ;

–        L’autorisation d’exploiter une installation de production d’électricité en application de l’article L. 311-1 du code de l’énergie ;

–        Les autorisations requises au titre des obstacles à la navigation aérienne et des servitudes militaires (en application des articles L. 5111-6, L. 5112-2 et L. 5114-2 du code de la défense ; des articles L. 5113-1 du même code et L. 54 du code des postes et des communications électroniques ; de l’article L. 6352-1 du code des transports) ;

–        Les autorisations prévues lorsque le projet se situe aux abords de monuments historiques ou de sites patrimoniaux remarquables (autorisation prévue aux articles L. 621-32 et L. 632-1 du code du patrimoine).

La dispense de permis de construire devrait permettre de simplifier l’élaboration et l’instruction des dossiers de demande d’autorisation, mais elle va aussi bouleverser le contentieux éolien.

En effet, même si les éoliennes sont soumises à la réglementation ICPE depuis 2011, la majorité des décisions juridictionnelles étaient encore rendues en matière de permis de construire, et le contentieux de l’autorisation d’exploiter restait pour l’instant assez marginal (voir en ce sens notre analyse des premiers jugements rendus en matière ICPE).

En basculant totalement dans le droit de l’environnement, les projets éoliens sont désormais soumis à de nouvelles règles de procédure :

  • Le délai de recours est désormais

–        de deux mois à compter de la notification de la décision de refus pour le pétitionnaire,

–        et de quatre mois à compter de l’affichage de la décision en mairie ou de sa publication sur le site internet de la préfecture pour les tiers (C. envir., art.  R.181-50).

On remarquera également que le législateur a renoncé au délai spécifique que la Loi Macron avait instauré à l’article L. 514-6 pour les autorisations ICPE concernant les énergies renouvelables, tout en prévoyant que le délai de recours peut désormais être prorogé de deux mois en cas de recours gracieux, ce qui va à l’encontre de la jurisprudence administrative en matière d’installations classées  (CE, 21 déc. 2007, n° 280195 ; CE, 3 déc. 2003, n°242115 ; CE, 16 novembre 1998, n°182816 ; CAA Nancy, 07 février 2013, n°12NC00559 ; CAA Nantes, 10 oct. 1990, n°89NT00984 ; CAA Lyon, 23 juin 2016, n°14LY02399).

  • L’intérêt à agir des tiers sera apprécié différemment, puisqu’il devra être en lien avec la défense des intérêts protégés par la législation relative aux installations classées, à savoir la commodité du voisinage, la santé, la sécurité, la salubrité publiques, l’agriculture, la protection de la nature, de l’environnement et des paysages, l’utilisation rationnelle de l’énergie, ou la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique (C. envir., art. R. 514-3-1) : il ne suffira donc plus pour les riverains du projet de se prévaloir d’une atteinte aux conditions de jouissance de leur bien.

  • Le contentieux afférent à l’autorisation environnementale est un contentieux de pleine juridiction (C. envir., art. L. 181-17) : concrètement, cela signifie que le juge tiendra compte des règles de droit existant à la date du jugement, et non plus à la date de la décision contestée, et qu’il disposera de pouvoirs plus importants (notamment ceux prévus par l’article L. 181-18 : voir notre analyse sur ce point).

S’agissant du contenu du dossier de demande d’autorisation, le 12° de l’article D. 181-15-2 du code de l’environnement prévoit que des pièces spécifiques doivent être produites lorsque la demande concerne un parc éolien (sur les autres éléments du dossier, voir notre note du 1er févier 2017 ici). Ces documents, qui visent essentiellement à vérifier que le projet respecte les intérêts protégés par le code de l’urbanisme, sont les suivants :

–        Un document établissant que le projet est conforme aux documents d’urbanisme tels que le PLU de la commune d’implantation du projet ;

–        Une délibération favorable de l’organe délibérant de l’établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de plan local d’urbanisme ou du conseil municipal lorsqu’un projet de PLU a été  arrêté avant la date de dépôt de la demande d’autorisation et que les installations projetées ne respectent pas la distance d’éloignement de 500 mètres vis-à-vis des zones destinées à l’habitation définies dans le projet de plan local d’urbanisme ;

–        Si l’autorisation environnementale tient lieu d’autorisation au titre du code du patrimoine :

  • une notice de présentation des travaux envisagés indiquant les matériaux utilisés et les modes d’exécution des travaux ;
  • un plan de situation précisant le périmètre du site patrimonial remarquable ou des abords de monuments historiques ;
  • un plan de masse faisant apparaître les constructions, les clôtures et les éléments paysagers existants et projetés ;
  • deux documents photographiques permettant de situer le terrain respectivement dans l’environnement proche et le paysage lointain ;
  • des montages larges photographiques ou des dessins permettant d’évaluer dans de bonnes conditions les effets du projet sur le paysage en le situant notamment par rapport à son environnement immédiat et au périmètre du site patrimonial remarquable ou des abords de monuments historiques.

Notons encore qu’à moins que le pétitionnaire n’ait joint ces avis à son dossier de demande, l’article R. 181-32 du code de l’environnement prévoit que le Préfet saisit pour avis conforme (c’est-à-dire qui doit être suivi comme illégalité de l’avis) :

  • Le ministre chargé de l’aviation civile ;
  • Le ministre de la défense ;
  • L’architecte des Bâtiments de France si l’autorisation environnementale tient lieu des autorisations prévues par les articles L. 621-32 et L. 632-1 du code du patrimoine ;
  • Les opérateurs radars et de VOR dans les cas prévus par l’arrêté du 26 août 2011.

La rédaction de cet article peut porter à croire que la consultation de ces autorités se fait de manière systématique, ce qui est surprenant, puisque ces avis ne semblent nécessaires que si le projet se situe à proximité de certaines installations (radars, base aérienne…).

Par ailleurs, la section du code de l’environnement consacrée aux éoliennes (articles L. 553-1 et suivantes, et R. 553-1 et suivants) disparait, et les dispositions qui leur sont propres sont déplacées aux articles L. 515-44 et suivants, et aux articles R. 515-101 et suivants.

Ces règles, qui concernent les garanties financières (articles R. 515-101 à R. 515-104), la remise en état du site (articles R. 515-105 à R. 515-108) et la caducité de l’autorisation (article R.515-109), sont presqu’identiques à ce qui existait auparavant : l’article R. 515-109 précise simplement que la prorogation de la durée de validité de l’autorisation environnementale emporte celle de la validité de l’enquête publique, alors que l’ancien article R. 553-10 prévoyait que cette prorogation devait faire l’objet d’une demande spécifique.

En revanche, il convient de noter que l’assouplissement de l’exigence de démonstration des capacités techniques et financières résultant des articles L. 181-27 et R. 181-15-2 pourrait être particulièrement profitable : en effet, ces dispositions prévoient que le Préfet doit apprécier capacités que le pétitionnaire « entend mobiliser lors de la réalisation de son projet ».

D’après le rapport au Président de la République qui accompagnait l’ordonnance du 26 janvier 2017, cette mesure vise à tenir compte du fait que « de nombreux projets d’énergies renouvelables prennent la forme de sociétés de projet ad hoc dont les financements et les principaux contrats ne seront conclus et exécutés qu’au moment de la construction ».