Quelle place pour l’environnement dans le nouveau texte de la loi Montagne ? (loi n°2016-1888)

View over ski resort in French Alps

Par Stéphanie GANDET – Avocat associé au Barreau de Lyon

et Graziella Dode – Avocat au Barreau de Lille – Green Law Avocats

 

La loi n° 2016-1888 du 28 décembre 2016 de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne a été publiée le 29 décembre 2016 au Journal Officiel. Elle vient compléter les dispositions de la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne.

 

Le texte adopté aborde plusieurs thèmes, dont les intitulés semblent laisser a priori peu de place à l’environnement :

  • Prendre en compte les spécificités des territoires de montagne et renforcer la solidarité nationale en leur faveur, avec les objectifs suivants :

-Redéfinir les objectifs de l’action de l’Etat en faveur des territoires de montagne

-Moderniser la gouvernance des territoires de montagne

-Prendre en compte les spécificités des territoires de montagne lors de la mise en œuvre des services publics

 

  • Soutenir l’emploi et le dynamisme économique en montagne, avec les objectifs suivants :

-Favoriser le déploiement du numérique et de la téléphonie mobile

-Encourager la pluriactivité et faciliter le travail saisonnier

-Développer les activités agricoles, pastorales et forestières

-Développer les activités économiques et touristiques

-Organiser la promotion des activités touristiques

 

  • Réhabiliter l’immobilier de loisir par un urbanisme adapté, avec les objectifs suivants :

-Rénover la procédure des unités touristiques nouvelles

-Adapter les règles d’urbanisme aux particularités de certains lieux de montagne

-Encourager la réhabilitation de l’immobilier de loisirs

 

  • Renforcer les politiques environnementales à travers l’intervention des parcs nationaux et des parcs naturels régionaux

 

Pourtant, la montagne représente un formidable enjeu en terme d’équilibres à trouver entre les activités humaines et la protection des espaces. Les besoins énergétiques posent également la question de la cohabitation d’ouvrages de production d’électricité et leur admission en zone de montagne. L’hydroélectricité, en premier lieu, a toute sa place dans ses zones, mais les parcs éoliens et les centrales solaires soulèvent des interrogations juridiques que la loi montagne nouvelle ne règle pas de façon satisfaisante.

On rappelera ainsi que la Cour administrative d’appel de Lyon (CAA Lyon, 13 décembre 2016, n°15LY00920) a récemment confirmé l’annulation d’un permis de construire une centrale au sol dans une commune concernée par la Loi Montagne. Il avait été considéré que ce type de projet ne peut être regardé comme réalisé « en continuité avec des constructions existantes » et « n’est pas au nombre des équipements incompatibles avec le voisinage des zones habitées », en application de l’article L 145-3 du code de l’urbanisme dans sa version alors applicable. Il a précisé que « l’intérêt communal » invoqué par la délibération du conseil municipal prise sur le fondement du 4° de l’article L. 111-1-2 du code de l’urbanisme ne peut fonder une dérogation à la règle d’urbanisation en continuité en zone de montagne.

 

 A l’analyse, le renvoi à l’environnement apparaît en premier lieu dans la définition de la montagne, issue de l’article 1er de la loi du 9 janvier 1985 et modifiée par la loi du 28 décembre 2016 :

« La République française reconnaît la montagne comme un ensemble de territoires dont le développement équitable et durable constitue un objectif d’intérêt national en raison de leur rôle économique, social, environnemental, paysager, sanitaire et culturel. La montagne est source d’aménités patrimoniales, environnementales, économiques et sociétales.

Le développement équitable et durable de la montagne s’entend comme une dynamique de progrès initiée, portée et maîtrisée par les populations de montagne et appuyée par la collectivité nationale (…). Elle doit enfin répondre aux défis du changement climatique, permettre la reconquête de la biodiversité et préserver la nature et les paysages.

L’Etat, les collectivités territoriales et leurs groupements, dans le cadre de leurs compétences respectives, mettent en œuvre des politiques publiques articulées au sein d’une politique nationale répondant aux spécificités du développement équitable et durable de la montagne, notamment aux enjeux liés au changement climatique, à la reconquête de la biodiversité et à la préservation de la nature et des paysages ainsi que des milieux aquatiques, et aux besoins des populations montagnardes permanentes et saisonnières, en tenant compte des enjeux transfrontaliers liés à ces territoire. (…) »

 

Les principaux points saillants de la réforme en urbanisme:

Le changement climatique est mentionné dans le volet urbanisme de la loi. La « vulnérabilité de l’espace montagnard » face au changement climatique doit être prise en compte dans le développement touristique. Ainsi, un équilibre doit être trouvé entre les activités économiques et de loisirs, et le patrimoine bâti et les formules de gestion locative des constructions nouvelles doivent être utilisés « rationnellement ».

 

Une procédure simplifiée des unités touristiques nouvelles (UTN) est introduite dans le code de l’urbanisme. « Toute opération de développement touristique effectuée en zone de montagne et contribuant aux performances socio-économiques de l’espace montagnard » constitue une UTN, définit le nouveau texte. Il s’agit pour rappel d’une dérogation au principe d’une urbanisation en continuité de l’existant en montagne.

La création et l’extension des UTN sont prévues par les schémas de cohérence territoriale ou les plans locaux d’urbanisme selon qu’il s’agisse d’UTN structurantes ou locales. Un décret précisera les seuils de définition de ces unités.

La simplification de la procédure consiste en la suppression de l’autorisation préfectorale systématique : seules les UTN dites locales, situées dans les communes non couvertes par un SCOT, seront désormais soumises à autorisation préfectorale. Les communes dépourvues de PLU et non couvertes par un SCOT ne pourront plus déroger au principe de construction en continuité de l’existant. Ceci aura pour effet d’inciter les communes à adopter les documents de planification requis. Ces dispositions n’entreront en vigueur qu’au 1er janvier 2019.

Concernant les remontées mécaniques, l’autorisation d’exécution des travaux comprendra désormais une obligation de démontage et une obligation de remise en état des sites, dans un délai de trois ans à compter de l’arrêt définitif de l’installation. De plus, si une remontée mécanique n’est pas exploitée pendant plus de cinq années consécutives, l’exploitant pourra être mis en demeure de procéder à sa mise à l’arrêt définitive.

 

Politiques environnementales, massifs et ressource en eau

S’agissant des politiques environnementales visées, le stockage de l’eau est prôné dans le but de permettre un usage partagé de l’eau et de garantir l’irrigation, « élément essentiel de la sécurité de la production agricole et du maintien de l’étiage des rivières », et de subvenir aux besoins des populations locales.

Il est également précisé que la gestion équilibrée de la ressource en eau ne doit pas faire obstacle à la préservation du patrimoine hydraulique protégé au titre des monuments historiques ou pour des motifs d’ordre culturel, historique ou architectural (art. L. 151-19 du code de l’urbanisme), tels que les moulins hydrauliques et leurs dépendances, ainsi que les ouvrages aménagés pour l’utilisation de la force hydraulique des cours d’eau, des lacs et des mers.

D’autres dispositions relatives à l’environnement sont réparties dans le texte, telles que celles relatives au schéma interrégional d’aménagement et de développement de massif qui comprend notamment des volets relatifs aux mobilités, à l’eau, au climat, à l’air et à l’énergie, à la prévention et la gestion des déchets, à l’usage durable des ressources et aux continuités écologiques et affirment que ce schéma « prend en compte les orientations nationales pour la préservation et la remise en bon état des continuités écologiques mentionnées à l’article L. 371-2 du code de l’environnement et les schémas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux mentionnés à l’article L. 212-1 du même code, tout en veillant à ce qu’ils soient adaptés aux spécificités des zones de montagne ».

Les schémas d’aménagement et de gestion des eaux (SAGE) mentionnés à l’article L. 212-3 du code de l’environnement peuvent être adaptés aux spécificités des zones de montagne.

Par ailleurs, des prescriptions particulières peuvent être adoptées par les comités de massif sur tout ou pour partie des massifs notamment afin d’adapter, en fonction de la sensibilité des milieux concernés, les seuils et critères des études d’impact spécifiques aux zones de montagne fixés en application des articles L. 122-1 à L. 122-3 du code de l’environnement, ainsi que les seuils et critères d’enquête publique spécifiques aux zones de montagne fixés en application du chapitre III du titre II du livre Ier du même code, ou de désigner les espaces, paysages et milieux les plus remarquables du patrimoine naturel et culturel montagnard, notamment les gorges, grottes, glaciers, lacs, tourbières, marais, lieux de pratique de l’alpinisme, de l’escalade et du canoë-kayak ainsi que les cours d’eau de première catégorie, leurs abords, et définir les modalités de leur préservation.

Enfin, des mesures spécifiques en faveur de la forêt en montagne ont pour objectifs de faciliter l’accès aux massifs forestiers en vue de leur exploitation, d’encourager leur aménagement durable, de favoriser le reboisement et d’encourager l’entreposage et le stockage de bois sur des sites appropriés et la présence d’outils de transformation à proximité des zones d’exploitation du bois. Ces objectifs peuvent être pris en compte par les documents d’urbanisme. Des sanctions pénales sont également prévues en cas de coupes illicites et abusives de bois. Toutefois, ces sanctions ne concernent que les personnes morales, les collectivités et leurs représentants respectifs.

 

Malgré l’ensemble des éléments exposés, force est de constater que l’environnement semble faiblement pris en compte dans cet Acte II de la Loi Montagne.

Les dispositions le concernant sont éparpillées dans le texte et apparaissent davantage comme des objectifs déclarés que des mesures concrètes. Il conviendra de rester attentifs aux décrets d’application de la loi afin de prendre connaissance des mesures prises en pratique et d’analyser si celles-ci permettront d’atteindre les objectifs fixés.