Urbanisme: contrôle du classement d’une parcelle en zone agricole (CE, 4 mars 2016, n°384795)

Par Lou DELDIQUE, Green Law Avocats

Par un arrêt en date du 4 mars 2016 (CE, 4 mars 2016, n°384795, consultable ici), le Conseil d’Etat rappelle à quelles conditions les auteurs d’un PLU peuvent procéder au classement d’une parcelle en zona A.

En l’espèce, le PLU adopté en 2010 par la commune de M… avait classé une parcelle des requérants en zone agricole : or ces derniers contestaient la pertinence de ce zonage, en faisant notamment valoir que leur terrain se situait au sein d’une partie urbanisée de la commune, et qu’il comportait déjà une construction.

Considérant que, dans ce contexte, le classement de la parcelle était entaché d’erreur manifeste d’appréciation, la Cour administrative d’appel de Marseille avait fait droit à ce moyen :

 « Considérant que si la parcelle xxx appartenant à M. et Mme A. est située dans la plaine agricole de Saint Pierre, il ressort des plans et photos produits qu’elle est contiguë à un des deux hameaux de S… classés en zone UC ; que cette parcelle supportant déjà une habitation est en outre dans le même compartiment de terrain que les autres constructions du hameau, délimité par des voies publiques ; que son exclusion du secteur UC se fait au prix d’un découpage artificiel ne révélant aucune cohérence en l’absence de valeur agricole de cette parcelle bâtie ; que M. et Mme A. sont par suite également fondés à soutenir que le classement de leur parcelle en zone agricole est entaché d’une erreur manifeste d’appréciation ; » (CAA Marseille, 18 juillet 2014, n° 12MA03760)

Cette solution a été confirmée en cassation. En effet, le Conseil d’Etat, après avoir rappelé que l’article R. 123-7 du code de l’urbanisme (actuel article R. 151-22) permet de classer en zone A « les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison du potentiel agronomique, biologique ou économique des terres agricoles (…) », considère que c’est précisément ce critère du potentiel agricole du terrain qui doit être pris en compte :

« Il ressort des pièces du dossier et notamment des documents graphiques du PLU que la parcelle n° XXX d’une surface de 680 mètres carrés appartenant à M. et Mme B… se situe, à la différence de leur autre parcelle n° AAAA , à l’intérieur d’une partie urbanisée de la commune. Il n’est pas établi, ni même allégué, que cette parcelle qui supporte déjà une construction et ne faisait pas l’objet d’une exploitation agricole, présente un potentiel particulier pour un tel usage. Dans ces conditions, et alors même que la commune a entendu préserver la vocation agricole de la plaine de S…. environnant la parcelle en cause, le classement de cette parcelle en zone agricole est entaché d’une erreur manifeste d’appréciation. »

En d’autres termes, le classement en zone A ne peut se déduire de la seule proximité de terres agricoles ou uniquement résulter d’un parti d’aménagement défini par la commune : encore faut-il que la parcelle présente des caractéristiques (présence d’une activité agricole, potentiel agronomique des terres…) de nature à justifier ce choix.

Notons que cette solution semble invalider la position de la Cour administrative d’appel de Bordeaux, qui avait jugé que n’était pas entaché d’erreur manifeste d’appréciation le classement en zone A de parcelles ne faisant pas l’objet d’une exploitation agricole mais « insérées dans un secteur à dominante rurale et de caractère agricole », et ce « quelle que soit la valeur agricole des terres » (CAA Bordeaux, 30 déc. 2005, n° 02BX02119).

Surtout, on ne peut que faire un parallèle avec le classement de parcelles en zone naturelle (N).

En effet, l’article R. 151-24 du code de l’urbanisme (ancien article R. 123-8) est rédigé de la même manière que l’article R. 151-22, puisqu’il précise que peuvent être classés en zone naturelle et forestière, les secteurs de la commune, équipés ou non, qui doivent être protégés en raison notamment de la qualité des sites, milieux et espaces naturels, des paysages et de leur intérêt, notamment du point de vue esthétique, historique ou écologique.

Dans un arrêt de 2013, le Conseil d’Etat avait d’ailleurs précisé qu’un tel classement suppose de prendre en compte le parti d’aménagement retenu par la commune, mais aussi l’intérêt écologique des terrains :

« [il] appartient aux auteurs d’un plan local d’urbanisme de déterminer le parti d’aménagement à retenir pour le territoire concerné par le plan, en tenant compte de la situation existante et des perspectives d’avenir, et de fixer en conséquence le zonage et les possibilités de construction ; [ils] peuvent être amenés, à cet effet, à classer en zone naturelle, pour les motifs énoncés à l’article R. 123-8, un secteur qu’ils entendent soustraire, pour l’avenir, à l’urbanisation ; » (CE 25 sept. 2013,  Cne d’Ornaisons, n° 352616: AJDA 2013. 2526 ; voir aussi : CAA Lyon, 15 févr. 2011, n°09LY02118).

Rappelons que le classement en zone A ou N des parcelles peut avoir d’importantes conséquences car il en résulte une inconstructibilité de principe. Ainsi, dans ces zones, outre les  constructions et installations nécessaires à des équipements collectifs, sont seuls autorisés :

  • les constructions et installations nécessaires à l’exploitation agricole (C. Urb. Art R. 151-23 et R. 151-25) ;
  • certains aménagements, extensions ou changements de destinations prévus aux articles L. 151-11 et suivants.

Il n’est donc pas rare que les propriétaires ou les exploitants cherchent à contester le zonage en faisant valoir la présence de constructions ou d’une activité agricole.